Dopage dans le cyclisme amateur : une pilule qui passe mal…

L’image du cyclisme est souvent rattachée au dopage, en cause les nombreux scandales des années 1990 et 2000. Fort heureusement, dans le peloton professionnel, ce fléau semble s’estomper, mais qu’en est-il des amateurs ? Hélas, on remarque l’effet inverse… Sur les onze cyclistes actuellement suspendus pour dopage en France, dix sont des amateurs. Pourquoi franchissent-ils la ligne rouge ?

Sans outil de contrôle, comment lutter face au dopage ? Impossible ! Il est l’unique moyen de prouver réellement qu’un athlète triche ! Alors sur les pelotons, la trouille sévit et les polémiques s’enchaînent…  Puerto, Festina, Armstrong… Les scandales ont durant un temps fait la Une des journaux.

Une véritable ombre au tableau de ce sport, pourtant si populaire. Mais au-delà de ce problème bien connu chez les coureurs professionnels, le cyclisme amateur est également ravagé par ce fléau. A une autre échelle, certes moins médiatique mais où l’on constate les mêmes phénomènes de surenchère, de pression financière, d’égos problématiques qui mènent à prendre des substances interdites. Selon Thierry, manager costarmoricain « si l’on contrôlait les amateurs comme chez les pros, on aurait de vraies surprises. » Pour preuve un seul chiffre révélateur : sur les onze cyclistes actuellement suspendus pour dopage en France, dix sont du milieu amateur…

Mais comment réussir à dissuader des personnes de se doper lorsqu’aucun moyen n’est mis en œuvre pour les en empêcher ? « On fait des contrôles uniquement lorsque l’on a des doutes », explique-t-il. Et il est bien là le problème. Attendre, suspecter des performances sportives anormales avant de se poser des questions pour que l’AFLD (Agence française de lutte contre le dopage) ne mette en place des stratégies, pour coincer les tricheurs. Antoine*, coureur Élite, rapporte qu’en course « On aperçoit des stands « Contrôle anti-dopage », mais on n’y voit jamais personne ». Christophe Bassons, coureur professionnel dans les années 90 et ancien membre de l’AFLD dénonce « désormais, dans le peloton amateur on a moins de contrôles qu’avant. Sur les mille prélèvements réalisés en 2022, seulement 20% les concernent ».

Argent, gloire et sommets

Alors, pourquoi ? L’appât du gain ? Peut-être… Mais on parle ici de primes d’une centaine d’euros sur certaines courses qui permettent, au mieux, d’arrondir les fins de mois. Alors, plus probablement la quête de reconnaissance est à la source du problème, afin d’« obtenir la gloire et la notoriété » certains sont prêts à détruire leur santé. Ce rêve de tutoyer les sommets est bien connu mais la pression financière est à prendre également en considération. Des contrats fragiles, des revenus faibles, une pression permanente infligent aux coureurs une tension parfois intenable. Car le cyclisme souffre, les compétitions sont de plus en plus rares et par conséquent les partenaires financiers se désistent. L’obligation de résultats est telle que performer sur des courses amateurs est source de survie pour une équipe. Une année sans, et c’est toute une formation qui se retrouve sur la sellette. « Au début de saison, les coureurs sont prévenus que les résultats doivent suivre. Ils ont une telle pression à l’entame des compétitions. Pour répondre aux attentes, certains craquent… et se dopent ! » affirme Armand* membre d’une équipe semi-pro durant deux années.

Le monde amateur est aussi un tremplin pour le monde professionnel. Un rêve pour beaucoup qui craignent de stagner et de voir leurs objectifs de carrière leur filer entre les doigts. Certains pensent qu’en prenant des produits améliorant les performances, ils franchiront un cap physique leurs permettant d’être à même de courir chez les pros.

Les enjeux, même moindres, sont donc réels. Le milieu du cyclisme est souvent composé des mêmes personnes, quelques fois peu scrupuleuses qui viennent directement à la rencontre des athlètes « Un inconnu est venu me voir après ma course, il a trouvé que j’avais du potentiel et m’a proposé de prendre tel et tel produit, sans utiliser le terme « dopage ». J’étais écœuré, s’en scandalise Antoine, A cause de ça, j’ai arrêté le vélo en fin d’année…»

« Certains n’ont aucune gêne et tout est fait pour remporter le maximum de courses ». Christophe Bassons met également en avant un autre facteur important : les réseaux sociaux. « Les gens sont impactés par les commentaires et les critiques qu’ils peuvent y trouver. Le regard des autres compte beaucoup et la pression du résultat invite à franchir la ligne rouge. Ils ne tiennent pas mentalement et ne peuvent résister à la tentation ». Comble de l’ironie, lorsque le tricheur est démasqué, il a tendance à rejeter la faute sur les autres et à banaliser ce qu’il a fait. Des brebis galeuses, jusqu’au bout, qui n’assument pas toujours leurs actes. « Les tricheurs ne se posent plus la question et trouvent le dopage presque normal », déplore Enzo, amateur lui aussi. Sans oublier un problème de fond : « les mentalités n’ont pas beaucoup évolué depuis la période sombre du cyclisme, les années Armstrong ». Pourtant le dégoût est profond… Et il est difficile de s’entraîner dur pour finalement se contenter de places d’honneur, face à des tricheurs couverts de gloire.

Au final, le silence fait loi, par peur d’être pointés du doigt et des représailles, les sportifs brisent trop peu le silence et subissent souvent l’omerta du milieu. « Les parents, en entendant ces histoires, ne vont plus vouloir inscrire leurs enfants à des écoles de vélo.  Tout cela va desservir le cyclisme. »

Franchir la ligne … Rouge

A quel moment, un coureur décide de se doper ? Succomber à la pilule, c’est en quelque sorte montrer sa fragilité mentale. Ils ne supportent pas les déroutes et les désillusions sportives. Les plus faibles trouvent « le chemin du dopage après un échec, selon l’ancien cycliste professionnel, au moindre obstacle on franchit la ligne rouge ».

Une fois la « décision » prise, se procurer des produits améliorant les performances n’est qu’une formalité. Mais attention, ici il n’est pas question de « dopage lourd » mais de produits que l’on trouve sans ordonnance en pharmacie ou sur Internet. Un clic ou deux suffisent. Aussi simple que de commander des « fringues » sur Amazon. Ce trafic de produits se fait souvent dans un cercle très fermé et surtout très proche. Entre amis voire en famille. « On le sait, des familles de bons cyclistes se dopent ensemble, ce sont des chaudières collectives ». Enzo en ironise amèrement.

Des familles qui n’hésitent pas à réaliser l’impensable. Des scènes improbables où des parents mettent des paracétamols et des anti-douleurs directement dans les bidons de leurs enfants. Sans forcément, mettre les jeunes au courant. Avant le départ, certains prennent de la Ventoline alors qu’ils n’ont aucune pathologie. Ils font peser un lourd fardeau à leurs enfants dont ils ne pourront se détacher. « A plusieurs reprises, j’ai vu des adultes mettre des cachets dans les gourdes de leurs gosses, surenchérit Enzo, Ils se cachaient derrière leur voiture pour le faire. C’est très rare, heureusement… Mais j’en ai déjà vu. » Pour les détecter, il faut des outils très couteux, compliqué à se procurer. « L’an passé, explique l’un d’eux, j’étais vraiment ignorant sur le dopage. Je savais qu’il existait, mais pas à ce point dans le milieu amateur. ». Pour le peloton World Tour, sa détection se fait souvent sur les stages d’entrainements. Cependant, les amateurs se dopent souvent hors compétition, et là c’est « Mission impossible pour les choper » selon Christophe Bassons.

Ces dernières années, le cyclisme professionnel s’est assaini. Les contrôles positifs se font de plus en plus rares. A l’inverse, le milieu amateur s’enlise dans une situation aussi délicate qu’inquiétante. La lutte contre le dopage semble être un combat sans fin…

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