« Projet Mbappe » : pression et violence dans le sport amateur

Le « Projet Mbappé » ? Un nouveau terme employé par les parents devenus fous à l’idée de procréer les nouvelles icônes de demain. Un récent phénomène inspiré par l’ascension fulgurante de Kylian Mbappé. Certains parents investissent temps, argent et énergie dans l’espoir de voir leurs enfants devenir une star, mais ce rêve peut vite se transformer en cauchemar, pour les enfants comme pour les éducateurs.

Des séances individuelles à répétition, des entraînements physiques intenses, un suivi médical digne d’un athlète professionnel… Certains parents n’hésitent pas à mettre en place un véritable « programme d’excellence » pour leurs enfants, dès leur plus jeune âge. L’objectif ? Que leur gamin devienne le futur crack du sport mondial et une véritable machine à « fric ».
Léo Cadiet, judoka et étudiant en STAPS (Science et Technique des Activités Physique et Sportive) explique « dans le milieu du judo, c’est arrivé que des parents dopent leurs enfants, ou que adolescents se fassent shooter par leurs propres parents pour qu’ils performent ».

Ingérence et violence

Certains parents envahissants se montrent même violents avec les éducateurs et même avec les arbitres. « Parfois, ils se prennent beaucoup trop au sérieux, par exemple, lors des compétitions amicales sans enjeu, ils vont crier sur les arbitres de manière très virulente. »
Kylian Mbappe, Antoine Dupont, Warren Zaïre-Emery ou encore Victor Wembanyama, tous ces sportifs qui ont « explosé » dès leur plus jeune âge et qui ont signé de gros contrats peuvent donner le tournis aux parents. « Pour eux c’est comme si c’était la compétition d’une vie, ils veulent que leur enfant soit le premier partout » constate Léo Cadiet.

A travers ce « projet Mbappé », les parents veulent avoir la main sur les coachs. C’est le cas de Grégory Truffot, responsable technique jeune du Football Club Jouy-le-moutier (95). « En début de saison, j’ai déjà eu un petit accrochage avec le papa d’un U8. Il était toujours dans la comparaison avec ce que faisait l’ancien éducateur, je pense que ce papa a un projet pour son enfant et aujourd’hui, il nous reproche nos entraînements qui, selon lui, ne sont pas assez durs, pas assez physiques et dans lesquels il n’y a pas assez de travail tactique. Finalement, je suis entré en conflit avec lui parce qu’au bout de plusieurs discussions, il ne voulait pas comprendre et toutes les semaines il revenait à la charge, toujours dans la critique. »

Le « Projet Mbappé » est symptomatique d’un système qui encourage l’individualisme et la compétition à outrance, les notions de plaisir et d’apprentissage semblant reléguées au second plan. Et loin de les aider à s’épanouir, cette pression excessive peut avoir un impact négatif sur les enfants. Stress, anxiété, perte de motivation… Le « Projet Mbappé » peut briser le rêve de nombreux jeunes footballeurs.

Prévenir les dérives

Louis Penverne, 21 ans, et déjà joueur professionnel de rugby au Stade Rochelais explique « les enfants ont besoin de prendre du plaisir, le rugby est un jeu, avec des valeurs de partage, d’entraide et de bienveillance, il faut laisser les jeunes grandir à leur rythme. ». Le sport est avant tout un lieu de rencontre, une activité physique où l’enfant s’amuse et se construit « mes parents m’ont toujours soutenu et accompagné lors de mes matches et les tournois de détection mais ils ont toujours laissé mes entraîneurs faire leur boulot. Le coach, c’est lui qui décide. »

Les clubs et les fédérations sportives ont également un rôle important à jouer pour sensibiliser les parents aux dangers du « Projet Mbappé » et pour mettre en place des mesures pour prévenir les dérives. Il est important de rappeler aux parents que les éducateurs sont là pour encadrer les enfants et pour les aider à progresser, et qu’ils n’ont pas à subir des agressions verbales ou physiques. Hélas, certains ont oublié les valeurs du sport, pour preuve, cet éducateur des moins de neuf ans qui s’est fait agresser et frapper au visage par le père d’un de ses élèves dans l’Essonne, ou encore ce coach du FC Saint-Lô recevant des messages menaçants tels que  : « je vais te trouver et régler tes comptes » signé d’un papa dont le fils a été licencié du club. Ces exemples que l’on trouve dans des articles de So Foot ou RMC Sport sont symptomatiques de la montée et de la banalité d’une violence dans les clubs mais peut-être plus généralement de celle qui sévit dans notre société.

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