FAMILLES D’ACCUEIL – UNE VOCATION EN PÉRIL

En France, plus 325 000 mesures de placements sont prises par les juges de protection de l’enfance. Un chiffre important qui ne cesse d’augmenter. L’aide sociale à l’enfance est débordée, les familles d’accueil manquent et les places sont devenues rares. Mais, les enfants restent-ils la priorité au milieu de tous ces tourments ?

Les départements français annonçaient en 2017, que la protection de l’enfance était l’un des plus importants services des actions d’aide. Les services sociaux représentent aujourd’hui 21% de la part du budget social néanmoins cela n’est pas suffisant puisque l’on déplore un cruel manque de moyens financiers.

Alors que le nombre de mineurs ayant besoin d’une protection ou d’un soutien ne cessent d’augmenter, les dispositifs sont de plus en plus compliqués à se mettre en place. Les foyers sont pleins, et les familles d’accueil rares, ne se sentant pas reconnues pour leur travail.

Assistante familiale depuis 27 ans, Céline* est une femme altruiste et généreuse. Un caractère fort qui lui permet de diriger sa famille d’une main de maître et un cœur assez grand pour accompagner les enfants qu’ils lui ont été confiés. Elle a connu différentes époques, depuis qu’elle s’est investie, différentes situations. C’était d’abord une envie d’aider, puis c’est devenu un métier, ce qu’elle déplore. « Au début, nous n’existions pas, mais au moins, nous pouvions agir. » Aujourd’hui, elle a l’impression de ne pas avoir de droits. Les familles d’accueil ne peuvent pas exercer d’autorité, un enfant qui fugue, une adolescente qui refuse d’aller à l’école, ils ne peuvent rien dire, tout doit passer par l’éducatrice, c’est elle qui est en charge de l’enfant et qui doit le suivre, aller aux réunions d’école ou signer les papiers pour une sortie scolaire. « Je ne peux même pas signer les papiers de l’école. Tout est long. » Cependant, les éducateurs sont débordés, « Sur le département, il y a quatre coordinateurs et demi et on s’occupe de 400 à 600 familiaux. Chacun en gère une centaine si vous faites le ratio… » explique Florence Raufflet, coordinatrice d’accueil familiale à Vannes. Ils ont de nombreux enfants et donc, tout prend du temps, l’accord de les inscrire à un sport ou encore d’aller au cinéma entre amis.

Des places de plus en plus rares

Trouver une famille d’accueil. C’est l’une des plus importantes problématiques de l’ASE, aujourd’hui plus de 300 000 enfants sont placés en France, et les familles d’accueil se font rares. « Dans le Morbihan, nous arrivons encore à placer les enfants, seulement ce n’est pas le cas partout. Dans certains départements, malgré l’ordonnance de placement, des enfants reconnus en danger doivent rentrer chez eux » ajoute la coordinatrice. Pour pallier le manque de places, des dispositifs sont créés, comme le placement à domicile « les enfants sont pris en charge par le département, cependant, ils restent chez eux avec leurs parents et sont suivis par un éducateur. C’est le cas dans le cadre d’un placement pour négligence ou souci financier » nous informe Apolline Duclos, CESF à Caen. Cependant, lors d’un placement à domicile, une place d’urgence est réservée à l’enfant, si nécessaire, s’il y a un danger ou un besoin éducatif.

Autre problème, le manque de place. Il ne permet pas toujours d’être regardant sur les familles d’accueil. Il existe, hélas, des assistants familiaux maltraitants, auxquelles on continue de confier des enfants, parce qu’il n’y a pas d’autres recours. Certaines auraient dû être licenciées mais pour plusieurs raisons, il n’a pas été possible de les renvoyer. Une assistante familiale témoigne, « j’ai l’exemple d’une personne dysfonctionnante, ils ont voulu lui enlever l’agrément mais elle était syndiquée, ce fut impossible. Néanmoins, des éducatrices ont refusé de travailler avec elle. Le véritable problème c’est que lorsqu’on manque de famille il n’y a pas de réel choix ».

Les parents sur le devant de la scène

Un enfant peut être placé par les services sociaux de deux manières différentes. Effectivement, un placement administratif peut être ordonné, c’est-à-dire à la demande des parents pour des raisons financières par exemple. Mais il peut aussi être judiciaire lorsque l’ordonnance de placement est délivrée par le juge des enfants notamment lorsqu’il y a des faits de violences, de négligences ou lorsqu’il y a un risque de danger pour l’enfant par exemple. Cependant, même si les enfants sont placés pour leur bien et dans leur intérêt, on laisse parfois trop de pouvoir à leurs parents.

Ces derniers ont une place très importante au sein de la protection de l’enfance. Les liens sont préservés au maximum. Les services sociaux sont très à l’écoute des parents, leur autorité est maintenue. Ils sont consultés avant chaque prise de décision. Ils peuvent avoir différents droits de visites selon la situation, hébergement, en extérieur, à l’ASE ou encore, pour les cas les plus complexes, des visites médiatisées. L’assistante familiale nous rapporte « Un petit garçon m’a été confié pendant trois à quatre ans, la maman avait un droit d’hébergement, cependant elle était dérangée, elle nourrissait le sapin, elle racontait que ses oiseaux étaient français, elle accueillait des SDF qui urinaient sur le matelas, et pourtant son fils devait toujours s’y rendre. » Apolline Duclos confirme ces dires « les parents ont énormément de droits. Le point de vue des parents prime sur les besoins de l’enfant selon moi. » Les situations sont réévaluées régulièrement par une commission et les visites peuvent être ralentis ou arrêtés provisoirement, si c’est estimé nécessaire. Néanmoins, les liens sont toujours conservés le plus possible.

Ce parti-pris des services sociaux peut avoir de nombreuses conséquences sur les enfants placés. Ils peuvent, notamment, se retrouver en conflit de loyauté, ne pas savoir où se placer entre sa famille d’accueil et ses parents et ne pas réussir à s’intégrer. « Si les parents n’acceptent pas le placement, les enfants ne pourront pas l’accepter. » affirme la CESF. Il y a cependant des solutions pour y remédier nous explique la famille d’accueil « J’ai accueilli une petite fille violentée par sa maman, qui l’excusait et qui parlait à demi-mot. Dans ces circonstances, il faut créer un dialogue, ici, j’étais passé par un film pour lui permettre de s’ouvrir. »

D’autre fois, les enfants se retrouvent perturbés par des visites avec leurs parents, ils rentrent chez leurs familles d’accueil et leur comportement change, un « pipi au lit », des crises d’angoisses, un besoin d’affection grandissant ou encore un rejet de la famille. « Selon la situation, un enseignant, pourra deviner si l’enfant a passé le week-end avec ses parents ou chez son assistante familiale. » indique Céline*.

L’humain avant tout

Néanmoins, il s’agit d’un métier humain fait de rencontres, c’est ce qui permet à chaque travailleur social, de la coordinatrice à l’assistante familiale, de continuer à prendre soin des enfants qui leurs sont confiés. Malgré les limites de l’aide sociale à l’enfance, il y a encore aujourd’hui, de nombreuses personnes prêtes à travailler pour les aider. Cependant, auront-ils les moyens nécessaires pour continuer à le faire dans de bonnes conditions ?

*Nom d’emprunt

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1 Comment

  • Anne 22 avril 2020 at 7 h 01 min

    Merci c’est un super article il nous éclaire sur les défaillances du système.

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