Lucette Gosselin, la santé par les plantes

Lucette Gosselin, paysanne herboriste et apicultrice récoltante à Saint-Marcel, a créé en janvier 2022 « Lucette et Camomilles ». Cette passionnée propose une alternative naturelle aux médecines classiques dans une société éprouvée par la crise de la Covid-19.

On a pu constater cette année une recrudescence des médecines dites « traditionnelles », sauriez-vous expliquer les raisons de ce retour à des soins plus naturels ?

Il est vrai que les gens souhaitent se soigner plus naturellement et il n’est pas impossible que ce soit lié à une méfiance causée par les différents scandales sanitaires, particulièrement ceux concernant certains médicaments. Mais je crois qu’il s’agit plus généralement d’une tendance sociétale. On note un retour évident aux choses simples, notamment en ce qui concerne l’alimentation et la médecine.

Pensez-vous que cette méfiance d’une partie des Français, face aux médicaments et aux vaccins, ait favorisé l’herboristerie ?

La vaccination obligatoire pendant la crise sanitaire a brusqué certains Français et aujourd’hui les gens souhaitent peut-être davantage d’autonomie pour se soigner, ils envisagent un retour aux choses naturelles et douces. Néanmoins, il ne faut pas opposer médecine allopathique et herboristerie, ce sont deux méthodes complémentaires. En effet, avoir un système immunitaire en capacité de se défendre est essentiel et l’herboristerie va permettre de préparer notre corps. Pour autant, parfois, les médicaments sont indispensables. Finalement, le patient doit avoir le dernier mot sur la manière dont il souhaite se soigner.

Qu’apporte l’herboristerie à la médecine généraliste ?

La médecine classique va surtout traiter le symptôme, l’herboristerie va essayer de comprendre la cause qui le déclenche et chercher à agir profondément. Depuis toujours, les êtres humains savent utiliser les plantes pour se soigner, même les animaux le font. Je constate que les gens vont venir me voir lorsqu’ils sont dans une impasse, par exemple pour des maladies chroniques longues, pour lesquelles la médecine allopathique ne donne pas satisfaction, et j’espère qu’un jour, on parviendra à travailler main dans la main avec les pharmacies et les médecins. Il ne faut surtout pas nous mettre en opposition, mais en complémentarité d’ailleurs, de nombreux médecins généralistes vont proposer, en première intention, des plantes ou d’autres types de soins, plutôt que le médicament classique.

Quelles sont les plantes médicinales qui permettent de lutter contre toutes les maladies qui se développent avec l’arrivée du froid ?

Les plantes que je propose sont cultivées à Saint-Marcel et sont cueillies dans la nature, au cœur de la vallée de la Claie. Pour l’hiver, je propose une tisane avec du thym, bien connu pour ses effets antiseptiques, mais également de la reine des prés, aux propriétés anti-inflammatoires, donc intéressantes dans les cas de coup de froid. D’ailleurs, la reine des prés contient de l’acide salicylique, une molécule qui est utilisée pour l’aspirine. Ensuite, j’y ai mis de l’origan pour les infections de la gorge, et de l’agastache anisée, qui va être efficace pour les problèmes de bronche. Les effets vont se cumuler pour devenir une tisane des premiers froids. Enfin, l’hiver, la propolis est une bonne solution pour lutter contre les infections airelles.

Avez-vous entendu parler de plantes efficaces pour lutter contre le Covid 19 ?

Pas exactement néanmoins il y a eu des études réalisées sur l’armoise annuelle (Artemisia annua). Elle a eu des effets prouvés contre la Covid et le paludisme et certains scientifiques la recommandent en soins du Covid. Pour autant, l’armoise n’est pas autorisée à la vente[1] dans l’herboristerie. D’ailleurs, je tiens à préciser qu’en France, le statut d’herboriste n’est pas reconnu[2]. C’est un métier qui a été aboli sous le régime de Vichy. Aujourd’hui, nous avons simplement une liste de 148 plantes extraites de la pharmacopée française que l’on a le droit de vendre.

Le métier d’herboriste n’est pas reconnu en France, pensez-vous qu’il puisse évoluer ?

Oui, cela évolue, certaines formations se structurent et sont aujourd’hui reconnues. À cet effet, cinq écoles se sont fédérées et les futurs herboristes pourraient d’ailleurs transmettre leurs connaissances sur les plantes à des médecins. Il faut savoir que le métier a un statut particulièrement fragile puisque légalement, nous n’avons pas le droit d’avoir l’appellation même si 90% des professionnels se nomment herboriste. À noter que nous avons de la chance dans le Morbihan puisque notre premier sénateur, Joël Labbé, ancien maire de Saint-Paul et écologiste, œuvre, depuis plusieurs années, pour donner un vrai statut à notre métier.

Concrètement, qu’est-ce qu’un herboriste ?

Il s’agit d’une personne qui propose toutes sortes de plantes ayant des vertus spécifiques, il peut également vendre des alcoolatures et d’autres gammes à base de plantes. Mais aujourd’hui l’herboriste ne peut pas faire de diagnostic, or il me semble qu’il serait pertinent de faire des consultations dans le cadre d’un long suivi, notamment en concertation avec le naturopathe.

D’où vient cette passion pour les plantes ?

J’ai grandi à la campagne puis je me suis dirigée vers des études universitaires et d’ingénierie, j’organisais des plans de gestion afin de protéger la faune et la flore. Lors d’une mission au cours de laquelle je devais sensibiliser les riverains aux espèces sauvages, j’ai rencontré une pépiniériste passionnée de plantes, pour exemple, elle mettait du plantain en culture et le vendait dans des grandes villes comme Bordeaux ou Paris afin qu’il y ait plus de naturalité dans les villes, thème essentiel aujourd’hui. C’est devenu une évidence pour moi de faire ce métier et de remettre en culture nos plantes sauvages, de transmettre ces connaissance et de faire des ateliers afin d’aider ceux qui ont des problèmes de santé particuliers.

Baptiste GRANDIN

[1] NDRL : La vente de produits à base d’Artemisia a été interdite en France. Il y aurait un risque de dépendance à l’artémisinine chez les personnes consommant cette plante.

[2] NDRL : Supprimé en 1941, sous le régime de Vichy, au profit des officines et des pharmacies, le métier d’herboriste fait face à une absence de statut juridique, mais qui n’empêche en aucun cas la pratique du métier.

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