Mission low-tech dans le désert : les explorateurs de nouveaux modes de vie

À l’heure où il est urgent de questionner notre façon d’habiter notre planète, Corentin De Chatelperron et Caroline Pultz sont convaincus que les low-tech sont une alternative pour changer notre rapport au monde. Pendant quatre mois, ils ont testé dans une biosphère en plein désert, des technologies sobres pour vivre en autosuffisance. Leur mission est d’explorer de nouveaux modes de vie et de construire un avenir plus durable. Rencontre avec Caroline.

Quel est ton parcours, celui qui t’a amené à t’intéresser aux low-tech ?

Je suis architecte d’intérieur de formation, j’ai étudié à l’ESA Saint-Luc à Liège. Pendant mes études, j’ai été amenée à repenser de nouveaux concepts pour habiter autrement la planète, en prenant en compte notre santé, la biodiversité et la durabilité pour les générations à venir. Ça m’a amenée à me questionner : comment ramener la nature chez soi ? À l’époque, je touchais déjà aux low-tech sans le savoir. En 2018, j’ai découvert Nomade des mers, un catamaran d’expérimentation autour du monde. J’ai rejoint leur équipe pour ne plus jamais repartir. On a étudié l’innovation de matériaux biosourcés dans le cadre d’un documentaire diffusé sur Arte. Pour la première fois, j’ai vu comment rassembler sur le bateau tous les systèmes et les dispositifs que j’avais imaginés dans mes projets d’études. Je me suis dit qu’il y avait vraiment quelque chose à faire. Ensuite, avec Corentin on a lancé l’Expérience Biosphère dans le désert du Mexique. Un écosystème autonome avec des matériaux biosourcés qui ne génère plus des déchets, mais des ressources.

C’est quoi exactement l’Expérience Biosphère ?

L’Expérience Biosphère c’est un habitat de 60m2 avec une structure en bois, une tente en toile de coton, de lin et un sol en jute. À l’intérieur, c’était un vrai petit laboratoire. On avait une culture de champignons, de plantes et d’algues, un élevage de grillons, un pédalier qui génère de l’électricité… Et dehors, on récupérait de l’eau grâce à des dessalinisateurs et on cuisinait avec un four solaire. Pour réaliser cette expérience, on a été aidés par des spécialistes du Vivant, de la cuisine écologique, de l’habitat et suivis par des médecins et des nutritionnistes. Le documentaire est visionnable gratuitement sur Arte.

L’expérience a-t-elle été favorable ? Quel est le principal problème rencontré pendant votre séjour dans le désert ? Avez-vous trouvé des solutions ?

Oui, l’expérience a été favorable. Le principal problème qu’on a rencontré c’était le manque d’eau, les dessalinisateur n’en ont pas produit assez. On avait énormément d’organismes vivants à protéger, et il fallait qu’on boive. Ça mettait trop de choses en danger dans l’écosystème, on a donc pris une décision importante : on a commandé 200 litres d’eau douce et des vitres neuves pour nos dessalinisateurs. C’était un véritable enjeu, mais cette autonomie liée à l’eau était exactement ce qu’on voulait étudier dans le désert.

Que penses-tu de la situation climatique et environnementale aujourd’hui ?

Je trouve que c’est le meilleur moment pour qu’on puisse changer profondément nos modes de vie. C’est un vrai boost, c’est quelque chose qui peut vraiment fédérer toute notre civilisation, l’humanité. C’est l’opportunité pour que notre espèce humaine soit plus consolidée et qu’on puisse mieux travailler ensemble, réfléchir comme une espèce à part entière, mais qui est aussi dépendante de toutes les autres. Même si tout ce qui se passe en ce moment est un peu catastrophique, je pense que c’est l’occasion pour que ça change.

Es-tu optimiste pour la vie future ? Pour toi, c’est utopiste d’être confiant ?

Ce qui me rend optimiste, c’est justement d’expérimenter et de voir des résultats. Au début, ça me faisait très peur de vivre dans le désert pendant 120 jours. J’avais une boule au ventre pendant les quinze premiers jours rien qu’à l’idée de vivre dans un milieu hostile et loin de la civilisation. Au bout d’un mois, on se rend compte que le corps s’accommode, que les sens se développent, qu’on a moins peur et qu’au final, on peut s’adapter à n’importe quel environnement. On devient aussi créatif sous contrainte. Je dirai que je suis optimiste par rapport à mon expérience, mais je continue à dire qu’il faut qu’on se bouge. C’est utopiste quand on n’essaye pas, qu’on suit le mouvement, il faut expérimenter.

Penses-tu que développer une manière de vivre plus autonome est possible à grande échelle ?

C’est vraiment le sujet sur lequel on travaille. Je n’ai pas de réponse toute prête et c’est compliqué de cristalliser des concepts, mais c’est pour ça qu’on est là, pour expérimenter. Grâce à la biosphère du désert on a pu valider certaines notions qui prouvent qu’il est possible de vivre de manière plus autonome. L’idée, c’est que toutes ces expérimentations nous servent à créer cette image du futur vers lequel on veut aller. On cherche à créer des synergies entre des acteurs locaux, une meilleure gestion des ressources actuelles. C’est une question de réorganisation du système. Finalement, on n’invente rien parce que nos ancêtres s’étaient déjà organisés pour vivre de la manière la plus autonome possible, on rétablit juste ce schéma.

D’autres projets pour la suite ?

Aujourd’hui on travaille sur une biosphère urbaine. On aménage actuellement un appartement low-tech à Boulogne-Billancourt dont on a réinventé tout le fonctionnement. L’idée c’est d’adapter l’écosystème qu’on a mis en place dans la biosphère du désert dans un appartement, au sein d’un environnement densément peuplé. On veut utiliser l’expérience de la vie citadine afin de s’appuyer sur tout un réseau d’acteurs locaux qui pourrait faire partie des maillons de l’écosystème biosphère. Pendant quatre mois, on va suivre des protocoles scientifiques pour envisager ce mode de vie et définir s’il nous maintient en bonne santé, s’il nous rend heureux et s’il dégage du temps pour faire autre chose. Le projet de la biosphère urbaine, c’est un peu ce que j’avais imaginé en 2017 pour mon projet de fin d’études…

 

Crédit photo : Corentin de Chatelperron

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