Eugène Riguidel, dès que le vent du combat soufflera.

« La mer, c’est mon univers ». Sur la Rieuse, sa plate en V du Golfe du Morbihan, autour du monde sur les grands trimarans dans les années 80, ou à bord des canots des copains qu’il a gardés de ses années au sommet, Eugène Riguidel est définitivement un grand marin. Mais pas seulement. Le Monsieur est un combattant, un résistant, une légende, peut-être. L’humilité du grand homme n’aimerait probablement pas ces phrases, mais on ose. Pour sa retraite sportive, il voulait une vie tranquille. Pour ce qui est de la tranquillité, on repassera. Eugène s’engage dans des combats de vie. Il lutte pour ses convictions. Cette vie, il la raconte volontiers autour d’un café… fumant.

Du Golfe du Morbihan aux Océans du Globe

En arrivant chez lui, l’ambiance est toute définie. Une maison de campagne bretonne atypique. Aux murs, l’amour de la mer est assumé, avec des tableaux représentant des marins. Un amour qui arrive dès sa tendre enfance. Né à Arradon, il découvre très vite le Golfe « je faisais l’école buissonnière et j’allais à la côte ». Là-bas, il apprend très vite à nager, godiller, naviguer, une romance avec l’eau qu’il renforce avec des lectures consacrées à son milieu. Dans sa famille, la mer, c’est dans les veines, son père, disparu alors que sa mère était enceinte, était maître-mécanicien, ses grands oncles paternels, eux, étaient des commandants au long cours. Un héritage qu’il a honoré.

Grâce à son enfance dans le Golfe et ses rencontres avec les « bourgeois Vannetais» comme il les appelle, il obtient des opportunités de courir. « Cela m’a mis un pied dans la course au large. » S’en suivront quinze années de course. À l’époque, la voile devient populaire, de grands champions s’affrontent sur les océans du monde.  Eugène en fera partie. À ses côtés, les noms mythiques des mers résonnent : Tabarly, Pajot, Gahinet ou encore de Kersauzon… Des navigateurs avec lesquels il sera soit adversaire, soit équipier. Comme en 1979 lors de la Transat en double… Embarqué avec Gahinet sur VSD, ils battent Éric Tabarly et Marc Pajot de cinq minutes. Une victoire au finish très médiatisée.

Mais après quinze ans, il décide de raccrocher. « Je voulais passer à autre chose. Autant d’années de course, c’est dur. C’est sportif et il faut trouver des budgets pour construire un bateau, financer les courses. » Pour autant, l’amour de la mer est toujours là. Mais il préfère utiliser ce temps pour son plaisir mais aussi pour mener ses combats.

La mer comme outil pour combattre

Eugène Riguidel rime avec grand nom de la course au large mais cela rime aussi avec militant engagé. Une de ses batailles résonne d’ailleurs aujourd’hui avec l’actualité, celle qu’il a menée pour se rendre à Gaza avec Jo Le Guen, marin breton s’étant illustré sur des traversées océaniques à la rame et Alain Conan, commandant des bateaux de Greenpeace (décédé récemment). C’était au début des années 2010. Leur objectif était de dénoncer la situation humanitaire, mais hélas, ils n’arriveront jamais à Gaza. À Athènes où ils préparaient leur mission, leur bateau est sabordé. « C’était une bataille difficile. On s’est fait trahir par les services secrets. Gaza était une zone interdite et c’est pour ça qu’on voulait y aller ». L’illustration d’une vie de lutte, n’hésitant jamais à franchir les lignes blanches pour dénoncer les maux qui rongent le monde. « C’est une question d’ADN. Certains se satisfont de ce qu’on leur présente. Moi, je suis pour un monde égalitaire et non-violent. » Dernière bagarre en date, sa grève de la faim pour empêcher la construction d’une antenne 5G près de chez lui, à Landaul. « On est à la merci des groupes militaro-industriels, ils mettent des antennes partout, ils défigurent les paysages et la péninsule armoricaine. Mon but, c’est ça, je veux dénoncer les puissances financières et politiques face aux petits qui subissent les décisions sans avoir de recours. » La grève de la faim durera dix jours, mais Eugène l’assure : il était prêt à tenir longtemps.

Autre grand amour d’Eugène, la Bretagne. Dans les années 1990, sa première contestation pour défendre sa région fera grand bruit. A l’époque, l’État français décide d’ »engrillager » les menhirs de Carnac. « Ils voulaient en faire un parc d’attraction. Une option tout tourisme. » De cette lutte naîtra une association « Menhirs Libres ». Quinze années qui mèneront à l’annulation du décret d’utilité publique en justice. « Mais c’est encore un débat d’actualité. Ils n’ont pas enlevé les grillages des menhirs et puis ils ont démoli un alignement de Carnac pour mettre une enseigne de bricolage, donc la résistance continue. » Fervent défenseur des cultures régionales quelles qu’elles soient, il est pour une autonomie de la Bretagne. Le pire pour lui ? Ne plus enseigner le breton aux élèves : « C’est l’un des pires crimes de tuer une langue. »

Toujours l’espoir du soleil après la tempête

Quand on sort d’un entretien avec Eugène Riguidel, on en revient la tête remplie d’anecdotes, bluffé par cet homme humaniste, aventurier, animé par des convictions puissantes. Pourtant, les épreuves n’ont pas manqué. Quand on lui parle des copains partis, il a tout de suite une pensée pour Florence Arthaud. Elle était sa meilleure amie. Décédée il y a neuf ans dans un accident d’hélicoptère, son souvenir reste intact « ce ne sont que des bons souvenirs avec elle. On se téléphonait à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, à n’importe quel endroit du globe. » Il la définit un personnage solaire, généreux et drôle. « C’était une amie merveilleuse. Elle me manque. Je pense à elle souvent mais quand j’y pense, je souris ». Aujourd’hui, Eugène a gardé un lien avec la fille de Florence, Marie. Il la fait naviguer de temps en temps dans le Golfe, une manière d’honorer la mémoire de son amie disparue.

L’histoire d’Eugène…  Une vie à aider les autres, à se battre pour ses idées mais aussi à naviguer autour du globe, pour le plaisir.

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