Ukrainiens… Après l’enfer

L’association vannetaise « Habitat et Humanisme » œuvre pour une réinsertion par le logement. Ayant accueilli des familles de réfugiés ukrainiens, le directeur Jacques Vincent, analyse les nombreuses difficultés rencontrées par ces personnes qui ont tout perdu.

La guerre en Ukraine est très médiatisée, mais que savons nous réellement de leurs conditions de vie ? Vous avez accueilli certains d’entre eux au sein de votre association à Vannes. Expliquez-nous votre ressenti concernant leur situation ?

Les premiers arrivés ont marché des jours pour s’échapper, certains ont vécu des bombardements, des meurtres, des massacres créant des troubles psychologiques, physiques, des traumatismes graves. Ce sont des situations terribles, de nombreuses femmes ont dû partir sans leur mari réquisitionné pour le combat et à chaque instant elles peuvent apprendre une catastrophe. Je me souviens d’une Ukrainienne qui a appris, alors que nous lui rendions visite, que son frère venait d’être tué au combat. Ce sont des personnes traumatisées et nous touchons du doigt cette réalité dramatique. Par ailleurs, ils ont ce complexe d’être partis de chez eux en laissant les autres là-bas. Il existe aussi des cas particuliers, lorsque le conjoint n’est pas de nationalité ukrainienne et qu’il n’est, par conséquent, pas mobilisable. Partis de leur pays ensemble, je pense qu’ils font le deuil de l’Ukraine.

Comment avez-vous perçu l’accueil des Ukrainiens par la population française ?

On a pu rencontrer des problèmes d’acceptation, en tant que Français on veut bien être généreux, mais pas toujours chez soi. Il est arrivé que certaines personnes accusent ces gens de venir prendre leur pain ou leur logement. Un exemple, en août dernier nous avons remis en état un logement à Vannes qui n’était pas habité depuis plus de dix ans afin d’accueillir une famille d’Ukrainiennes, or, 80% des commentaires sur le site de la mairie étaient hostiles à leur accueil. On entend des propos tels que « pourquoi on les accueille ? alors que nous-mêmes avons des gens dans le rue ». C’est très égoïste et c’est étrange, d’autant que de nombreux logements utilisés sont vides pendant la période des vacances.

Quand ont-ils commencé à arriver au sein de l’association ?

Dès le début de la guerre en Ukraine, le 24 février 2022. J’ai demandé l’accord de l’ensemble des membres de notre association pour accueillir cette population puis, j’ai pris contact avec les communes puisque nous n’agissons jamais seuls. l’État s’est ensuite positionné comme organisateur dans la cadre du plan européen. A ce moment-là, j’ai mis notre association au service de la préfecture afin de trouver des logements conformes. Nous avons commencé avec une, deux trois familles et aujourd’hui 25 familles ukrainiennes sont au sein de notre association.

Quels types d’accueil proposez-vous ?

Il existe deux types d’accueil concernant le logement : La première concerne l’hébergement citoyen qui permet à des personnes d’ouvrir leurs portes aux réfugiés, mais cette situation n’a duré qu’un temps, elle n’est pas naturelle pour eux, les cultures sont différentes, les éducations, les modes de vie également. Ce système est alors devenu très pesant pour les deux parties. La seconde permet aux Ukrainiens de vivre dans des logements indépendants mis à disposition durant le temps de leur réinsertion.

Avez-vous droit à un soutien financier pour votre activité ?

Oui, nous disposons d’une somme par personne et par an grâce au plan européen dans l’objectif de les accueillir et de les accompagner de façon digne. Nous avons aussi des salariés qui s’occupent exclusivement des étrangers, et en particulier des Ukrainiens. Également, de grandes enseignes comme Leroy Merlin, ou encore Boulanger nous ont aidés via des dons afin que que nous puissions équiper et rénover des logements. Nous remarquons que certaines familles mixtes veulent rester en France un bon moment pour s’occuper de leur famille et prendre le temps de se reconstruire, alors que d’autres attendent la fin de la guerre pour y retourner même s’ils savent que cela va être difficile. Pendant un certain temps il faudra reconstruire, cela prendra du temps, peut-être quatre ou cinq ans. Pendant cette période il n’y aura pas d’eau, pas d’électricité partout, il n’y aura pas de logements pour tout le monde, cela va être une situation compliquée pour eux.

Indépendamment du relogement des Ukrainiens, leur proposez-vous des aides complémentaires ?

Oui, notre salariée va par exemple aider à l’inscription des enfants à l’école, aux clubs de sport. Elle va également aider les familles pour toutes les démarches administratives y compris pour la gestion de leur titre de séjour. Ce titre européen est en effet valable six mois mais peut être renouvelé autant de fois qu’il le faudra. Nous les aidons aussi à trouver de l’emploi en venant à leur rencontre et pour essayer de leur apporter de la chaleur humaine.

Y a-t-il d’autres d’associations disposées à les aider ?

Je ne me rends pas bien compte, cependant parmi les associations habilitées à les accueillir comme nous il n’y a que CoAllia. Il s’agit d’une association qui les aide officiellement et facilite leurs démarches administratives. Quant à nous, c’est la préfecture qui nous a intégrés à ce protocole d’aide. Ce sont les deux seules associations agréées à faire de l’accompagnement personnel. Néanmoins, je pense qu’il existe d’autres associations qui accueillent aussi des Ukrainiens, sans pour autant être agréés.

Les médias vous ont-ils soutenus dans cette démarche ?

Nous avons eu un bon accueil de la presse à chaque fois que nous avons accueilli des Ukrainiens dans le Morbihan. La presse locale nous a toujours bien soutenus.

 

 

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