L’intelligence artificielle, entre progrès et triche potentielle

Il serait absurde de diaboliser l’intelligence artificielle. Elle sauve déjà des vies, anticipe des maladies, optimise des traitements. En médecine, l’IA est un outil de pointe, un levier d’avenir. Dans bien des domaines, elle promet efficacité, accessibilité et rapidité. Alors oui, l’IA est une chance. Mais comme tout outil puissant, elle interroge. Et parfois, elle dérange. Surtout lorsqu’elle s’immisce dans des domaines où l’équité devrait rester la règle. C’est le cas, entre autres, des concours d’entrée aux écoles de journalisme.

Depuis la crise du Covid-19, beaucoup, si ce n’est tous, se passent à distance. À l’origine, il s’agissait d’une mesure d’urgence sanitaire. Mais quatre ans plus tard, beaucoup d’écoles ont maintenu ce format. Pour les étudiant·es, cela représente un gain de temps, d’énergie et surtout d’argent. Plus besoin de traverser la France pour passer une épreuve écrite. Un simple ordinateur, une bonne connexion et le tour est joué. Cette évolution a permis à davantage de candidat·es de tenter leur chance, en réduisant les inégalités géographiques et financières. Un progrès, sur le papier.

Mais dans les faits, seul devant un écran, qui peut garantir que les règles sont respectées ? Les épreuves de culture générale, de commentaire, ou même d’écriture journalistique peuvent être aisément assistées, voire totalement réalisées par une intelligence artificielle. À l’heure où ChatGPT et d’autres IA génératives peuvent produire des textes structurés, convaincants, voire brillants, il devient tentant pour certains de se laisser « aider » pendant une épreuve de culture générale ou d’écriture journalistique. Comment prouver qu’un texte soumis a bien été rédigé par un candidat, seul, sans assistance ? Où est l’égalité ? Où est le mérite ?

De nombreux chercheurs et spécialistes le disent : les détecteurs d’IA sont encore très loin d’être infaillibles. Ils se trompent, dans un sens comme dans l’autre : des textes humains soupçonnés à tort d’avoir été générés, ou des contenus IA passés entre les mailles du filet. Des étudiant·es honnêtes se retrouvent alors refusés et inversement, des tricheurs peuvent passer entre les mailles du filet.

Alors, face à ces constats, des questions se posent : les concours à distance sont-ils encore justes ? Peuvent-ils réellement garantir l’égalité des chances entre tous les candidat·es ? Et plus largement, où placer les limites de l’IA ?

Les écoles de journalisme, qui défendent des valeurs de vérité, de rigueur et d’éthique, peuvent-elles se permettre de maintenir ce flou ? L’égalité des chances ne doit pas devenir un slogan creux. Il est peut-être temps que les écoles de journalisme revoient leurs pratiques. Maintenir une partie des concours à distance, pourquoi pas, mais avec de véritables mesures de contrôle. Ou alors revenir, pour certaines épreuves-clés, au présentiel. 

L’IA n’est pas une menace. Mais la complaisance face à son détournement, si. C’est à nous, de poser les bonnes questions. Commençons par celles-ci : nos concours sont-ils encore justes ?

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