Le sport chez les jeunes : que fait l’État ?

Pratiquer du sport sans avoir l’impression d’en faire. Voilà comment on pourrait décrire l’enfance des générations précédentes. Sortir dans les lotissements, faire des cabanes, organiser un foot avec quatre manteaux et un ballon quasiment dégonflé. Des activités physiques qui passaient simplement pour de l’amusement, mais des images que l’on ne voit plus beaucoup aujourd’hui… Regarder ou faire des Tik-Tok, voilà comment on pourrait grossièrement résumer les passe-temps des jeunes de nos jours. Alors qui pour les sortir de cette torpeur ? Les professeurs d’EPS[1] semblent être les héros que les enfants attendent, mais comment aider lorsque les mains sont ligotées…

 Ces dernières années, nombreuses sont les voix qui ont dénoncé le manque de pratique sportive au collège. Les premiers plaignants sont les professeurs. Dans le secondaire, le nombres d’heures sont jugées insuffisantes : quatre heures de la 6eme à la 4eme, trois heures en 3eme et seulement deux durant le lycée. « Cela fait des années que nous réclamons plus d’heures. » explique Pascalène, enseignante retraitée qui a commencé en 1983. Selon un rapport de la Cour des comptes de 2021, seuls 13 % des jeunes réalisent une heure d’activité physique quotidienne d’intensité modérée, comme recommandé par l’OMS[2]. « Les jeunes ne bougent pas assez et le nombre d’heures d’EPS reste faible ». Mais c’est un problème surtout d’un point de vue de santé globale : « Cela fait peur, pas pour les enfants qui font déjà du sport en loisir, mais pour ceux qui n’en pratiquent jamais en dehors de l’école ». Il est vrai que les habitudes ont changé. Là où les anciennes générations jouaient dehors, celles d’aujourd’hui ont tendance à « rester à la maison pour jouer aux jeux vidéo ou regarder des films et des séries » selon Jules. Un avis qui semble être celui de Monsieur Tout le Monde, mais ce passionné de sport, inscrit en STAPS[3], vit cette réalité de très près. En effet, il est également directeur de séjour sportif pour enfants et adolescents, en plus d’être entraineur chez les jeunes de son club de football… Et il redoute la baisse des inscriptions des jeunes dans les associations sportives : « les adolescents ne sont plus aussi attirés par le sport en dehors du cadre scolaire ». Cette transition culturelle s’accompagne également d’une réalité financière difficile puisque le coût des licences augmente continuellement, en particulier après la crise du Covid-19. « Hélas, parallèlement, les revenus des clubs restent les mêmes et on sait que les fédérations prennent une grosse part, ça ne nous aide pas ». Un autre défi concerne le vieillissement des dirigeants des clubs amateurs. « Ils sont de plus en plus âgés et personne ne semble prêt à prendre leur place ». Leur dévouement et leur expérience sont précieux, mais la relève tarde à émerger, ce qui pose des questions sur la continuité et la vitalité de ces clubs. Pascalène témoigne : « c’est vrai que les jeunes sont moins enclins à les rejoindre, mais si personne n’essaie de maintenir ces associations en vie, c’est peine perdue ».

Un manque de moyens criant

Preuve en est, de nos jours, l’adolescence est la période au cours de laquelle le niveau d’activité physique et sportive diminue de façon très importante. Dans tout cela, le SNEP-FSU[4] a d’ailleurs dressé un ennemi : le gouvernement (actuel mais aussi les précédents). Depuis 2017, le syndicat a comptabilisé 1 009 suppressions de postes en EPS. Des licenciements qui arrivent alors que la jeunesse a plus que jamais besoin de cet accompagnement. « J’ai des collègues qui m’expliquent qu’ils ne sont que deux pour gérer des dizaines, voire des vingtaines de classe dans la semaine, tout cela car ils sont en manque d’effectif. C’est ingérable » raconte Philippe, lui-même actuel professeur d’EPS dans un collège. De plus, ces licenciements mettent l’Éducation Nationale face à un mur : 2 579 heures d’éducation physique et sportive non assurées depuis la rentrée 2023, ce qui équivaut à plus 87 % comparé à la rentrée 2019. Autre preuve : le nombre de places au concours du CAPEPS[5] qui est passé de 800 à 650 entre 2018 et 2023 : « Il y a toujours plus d’étudiants qui entrent en STAPS, mais avec de moins en moins de débouchées », s’étonne Jules, qui finit justement son master dans cette filière. Et finalement, c’est cette critique qui revient le plus. Le fait que l’activité physique ne fait que diminuer, et qu’à la place de donner des outils et des moyens à l’Éducation Nationale, l’État fait exactement l’inverse. Un manque de considération qui a poussé les enseignants à la mobilisation, avec des manifestations à Rennes le 20 janvier, ou plus récemment le 15 mars à Paris.  « Les gens ont tendance à oublier que les professeurs d’EPS voient les élèves sous un angle complètement différents des autres enseignants. Le côté humain est essentiel dans cette matière et surtout précieux » rappelle Pascalène.

Pourtant, la France fait figure de bon élève dans certains domaines. « Certes, on aimerait avoir plus d’heures, mais le temps consacré au sport au secondaire est déjà plus important que dans de nombreux pays », nous explique Philippe. Récemment, trente minutes d’activités physiques quotidiennes ont même été instaurées à l’école primaire. Mais surtout, notre pays se démarque par son niveau pédagogique : « On ne possède peut-être pas le plus grand nombre d’heures, mais en termes de qualité d’enseignement, la France est bien lotie » estime Jules. Mais ne nous trompons pas. Si la situation n’est peut-être pas aussi catastrophique que certains le pensent, il est important de donner les moyens de revivre à cette jeunesse. Et cela passe par un meilleur accompagnement des professeurs d’EPS.

[1] Éducation Physique et Sportive

[2] Organisation Mondiale de la Santé

[3] Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives

[4] Syndicat National de l’Éducation Physique – Fédération Syndicale Unitaire

[5] Certificat d’Aptitude au Professorat d’Éducation Physique et Sportive

Please follow and like us:
RSS
Follow by Email
Instagram