L’arche de Noé, au cœur de la cité

Lycéen et amoureux des animaux, Emre s’occupe, depuis près de deux ans, d’une ferme pédagogique en plein cœur de la banlieue parisienne.

Au Nord de la capitale, dans le quartier de Puits-la-Marlière à Villiers-le-Bel, le terrain se situe sur une friche, ouverte d’un côté sur les champs, de l’autre sur la cité. Dans une pâture, un âne, des chèvres, des oies, des poules. Et des enfants qui se tiennent près de la clôture. Un havre de paix dont s’occupe Emre, adolescent à la moustache naissante, au sourire qui ne cède rien. Le lycéen d’origine turque est à la tête d’un projet fou : accueillir une cinquantaine d’animaux dans une ferme pédagogique. Loin des clichés, le jardin d’Eden se trouve entre barre d’immeubles et murs de béton, une véritable bouffée d’oxygène avec l’enclos de la chèvre Pistache, ou celui de l’âne Oréo. Tous possèdent un nom et le lien qu’Emre entretient avec ses animaux est fort. Comme une mère veillant sur ses petits, il connaît les habitudes et les comportements de ses protégés, chacun d’entre eux a une histoire… « Pour une bonne partie, soit c’était l’abandon ou alors pire, l’abattoir… Je leur donne en quelque sorte une deuxième chance, une deuxième vie« . Emre reçoit d’ailleurs beaucoup d’animaux rejetés par des anonymes, certains les laissent parfois dans des cartons déposés à l’entrée du parc, puis repartent comme si de rien n’était. «Quand j’arrive le matin à la ferme, il m’arrive de trouver des animaux dans des boîtes. Ils ne se rendent pas compte de leur responsabilité, il ne faut pas prendre cela à la légère et je ne peux pas accueillir toute la misère du monde ». Ces types de comportements se multiplient au fil des années et il récupère ces animaux le cœur lourd, sans connaître réellement leur passif. Malheureusement, l’abandon ne touche pas que nos chiens et chats, il concerne tous nos animaux domestiques. A l’avenir, il souhaiterait d’ailleurs lutter contre la maltraitance animale, « de plus en plus fréquente » …

ILS TRAÎNAIENT AVANT

Drôle d’histoire ! Il admet qu’au début « les gens s’attendaient à voir un jeune agriculteur s’occuper de cet endroit. Pas forcément à un jeune de cité ». Emre a d’ailleurs subi à ses débuts quelques moqueries, notamment de la part des copains de classe mais il les a ignorées, a continué, poursuivi son projet. Certains diraient qu’il est aussi têtu comme une mule, d’autres incroyablement persévérant, lui se contente de préciser qu’il ne laisse personne décider à sa place. Le garçon a une maturité déconcertante ! Et il a tenu bon, a cherché de l’aide et a trouvé en l’association francilienne : les « As du Puits » un soutien fondateur. Elle l’aide notamment dans ses projets de construction et d’aménagement des enclos. Aujourd’hui, la mairie lui permet également de réaliser son rêve avec ce parc vert au cœur de la cité : « Sans leur aide, la ferme ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. C’est une histoire collective, on se tire vers le haut. » Celui qui passera son baccalauréat pro en électrotechnique, à la fin de l’année est sérieux, concentré mais, ne peut s’empêcher de penser constamment à ses bêtes. Pour pouvoir être des plus connaisseur et des plus compétent, il a tout lu, tout regardé, tout appris… Livres, revues, documentaires… Cette initiative force l’admiration des habitants de la commune. Ils y voient un cadre parfait pour réunir les jeunes de la cité : « Ce sont des enfants qui traînaient avant. Maintenant ils sont là, on récupère les œufs, on s’occupe des chèvres, on brosse l’âne, on nettoie ses sabots, ça les occupe. On a toujours quelque chose à faire. Je leur apprends à prendre soin des animaux » . Emre veut donner une autre image des banlieues. Pas question de voitures brûlées ou de tensions avec la police. Les quartiers, ce n’est pas que ça ! Et cette nouvelle image, c’est sa victoire.

Son rêve ? Faire grandir davantage sa ferme afin d’y accueillir de nouveaux animaux à poils et à plumes. Il garde dans un coin de sa tête l’idée de continuer à développer son « paradis » pour, pourquoi pas, en faire son futur métier. Un lieu d’évasion entre les murs de béton. Une véritable arche de Noé au cœur de la cité…

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