Vers une société hygiéniste ?

Après plus de deux ans de crise, il est peut-être temps de faire le point sur notre rapport à la maladie et plus largement à la mort. Avec l’apparition du covid 19, nos sociétés ont été bouleversées. C’est peu dire…

Nous avons été enfermés, privés de lien social, sous couvre-feu, comme en temps de guerre… Le “corps social” a, globalement, suivi ces règles et injonctions contradictoires voire contre nature, pour prévenir la diffusion de cette maladie. Il le fallait, surement, mais à quel prix ?

Depuis, nos “bonnes habitudes” ont du mal à revenir : les relations sociales ne sont pas encore au beau fixe, certaines séquelles notamment chez les enfants commencent à se faire ressentir… Les restrictions ont eu des conséquences parfois douloureuses quant à notre rapport aux autres. Alors, arrêtons-nous deux minutes sur “les risques” d’être vivant. Cette question quasi philosophique s’impose timidement ces derniers temps. Comme l’avançait André Comte Sponville (philosophe) pendant la pandémie : « Il faut commencer par accepter d’être mortel, accepter la finitude, ça fait partie de l’apprentissage de vivre ». Au XVI ème siècle Montaigne s’installait, quant à lui, dans la perspective du pire. « S’il y a une vie après la mort, tant mieux, mais s’il n’y en a pas, vivons la vie le plus intensément possible !”

Mais attention ; remettre en cause la gestion sanitaire et le risque “0” pendant une période peut nous valoir des soupçons d’égoïsme voire de pure folie… Rappelons-nous tout de même des publicités Anglo saxonnes et même françaises sur la dangerosité des enfants face à leurs grands-parents, en période de Noël. Personne ou presque, n’a semblé trouver cela excessif. C’est d’ailleurs ce qu’il y a eu de plus étonnant (voire d’inquiétant) au cours de cette période, il faut dire que le discours politique rappelait qu’il s’agissait de “ mesures exceptionnelles appliquées par les autres pays”… Exceptionnelles ? Pourtant, depuis la “levée des restrictions” (il reste tout de même le pass dans certains endroits), nombreux sont ceux qui trouvent cela normal, pratique même de continuer à porter le masque pour ne pas attraper de rhume, la grippe, la gastro-entérite. Alors, avons-nous mis le doigt dans un engrenage impossible à refréner ? Une société encadrée de QR Code est-elle souhaitable ?

En temps de pandémie, nous devons “faire corps”

L’idée n’est pas de remettre en question les mesures sanitaires dans leur ensemble. Encore moins de minimiser la catastrophe de ce virus sur la vie humaine, la tristesse d’une famille en deuil, la fatigue des soignants à l’hôpital ou encore la pénible récupération du corps après un covid long. Mais justement, les mêmes qui prônaient la bienveillance, la reconnaissance envers ces médecins, infirmiers et tous les métiers au-devant de la scène, “au front”, champ lexical guerrier utilisé par certains pendant les confinements, n’ont pas si souvent reconnu leur métier c’est assez paradoxal… Depuis plus d’une dizaine d’années, les réformes budgétaires imposées au secteur hospitalier ont empiré la situation : suppression du nombre de postes, fusion d’hôpitaux, pénurie de médecin et paupérisation du métier médical, notamment chez les aides-soignants, infirmiers…. La tendance peine à s’inverser malgré le SEGUR de la santé.

Système immunitaire fort ou société désinfectée

Alors résultat, nous ne voulons plus de rhume, nous ne voulons plus nous toucher, nous faire la bise, ce sont des idées qui résonnent aujourd’hui dans notre société, parfois de manière marginale, mais ces idées sont bien présentes autour de nous. La quintessence de ce principe de précaution exacerbé se retrouve aujourd’hui, et depuis le début d’ailleurs en Chine où la stratégie “0 covid” est mise en place. Leur gestion de la pandémie déjà très stricte s’est radicalisée ces dernières semaines en créant des “centres pour personnes positives au covid” et pire encore avec l’extermination des animaux de compagnie par peur de la transmission… Il s’agit d’un cas particulier, bien extrême mais interrogeons-nous, toujours, sur la proportionnalité de nos actes.

Cette injonction qui consiste à placer les devoirs avant les droits, à gérer cette crise de façon binaire, à exclure une parole dissonante est une manière assez atypique, originale de faire “corps”, d’unifier la société pour combattre ce virus. Après tout, pourquoi pas ? Si cela convient à la majorité de nos concitoyens. Être en vie c’est de ne pas mourir, être humain c’est ne pas être malade. Pourquoi pas ?

Néanmoins pour reprendre les termes d’André Comte Sponville : « Évitons que la peur de la mort l’emporte sur l’amour de la vie ».

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