La parité, un scénario attendu !

Depuis plusieurs années, la question de la parité est devenue un enjeu majeur, surtout dans certaines sphères comme le cinéma au sein duquel il est récurrent de constater que les personnages féminins sont sous-représentés, et que les équipes de tournage sont majoritairement masculines. Pour autant, la société change, ces inégalités semblent se réduire, certains grands noms féminins redonnant espoir.

Les femmes enfin à l’honneur

Lors de la dernière cérémonie des Oscars, Jane Campion est devenue la première femme à être nommée à deux reprises pour le prix de la meilleure réalisatrice, et la troisième à obtenir ce prix pour son Power of the Dog. Il est aussi important de noter que dans l’histoire des oscars, seules sept femmes ont pu concourir pour celui de la meilleure réalisation. Néanmoins, les choses changent, ainsi cette année,  d’autres réalisatrices étaient également à l’honneur lors des derniers festivals du cinéma : Audrey Diwan ayant reçu le Lion d’or à la Mostra de Venise pour L’évènement (cinquième femme à recevoir ce prix) et Julia Ducournau récompensée par la palme d’or à Cannes pour son film Titane (deuxième femme à recevoir ce prix). Moment émouvant ponctué par un discours fort évoquant le besoin d’un monde plus inclusif, avec plus de diversité en laissant comme mot de fin “Merci de laisser rentrer les monstres”.

Prendre conscience de cette réalité

Pourtant, malgré la mise en avant des femmes dans le milieu cinématographique, le constat n’est pas aussi réjouissant qu’il n’y paraît. Pour preuve, ce test de Bechdel* visant à mettre en évidence la sur-représentation des protagonistes masculins ou la sous-représentation des personnages féminins dans une œuvre de fiction. En effet, une étude sur les films produits entre 1995 et 2005 montre que 53 % échouent au test lorsqu’ils sont écrits par des hommes, 38 % lorsqu’une femme est parmi les scénaristes. Cependant, cela ne peut suffire de seule référence pour déterminer si un film est féministe ou non, puisqu’il passe sous silence les questions de la diversité des femmes, leur rôle dans l’histoire et la façon dont elles sont mises en scène.

Sociétalement, la libération de la parole médiatique a mis en avant la cause des femmes surtout depuis l’affaire Weinstein* qui a relancé le mouvement #MeToo*. Le regard social a évolué et les initiatives qui étaient auparavant muettes ou minimisées sont maintenant entendues.  Certaines réalisatrices ont bien évidemment profité de cette opportunité pour raconter leurs histoires et par effet miroir, cela a donné de l’espoir aux autres, en témoigne Thifany, étudiante en master de cinéma à l’université Rennes 2 : « Il y a un désir que ça bouge surtout pour les nouvelles générations » et au travers de ses différentes expériences sur plusieurs tournages, elle émet un constat  « je pense que notre génération est celle qui va tout changer, les gens se mélangent de plus en plus, on arrête de gentrifier, de dire ça va être trop lourd pour toi, on te demande simplement ce que tu veux faire et ça tourne ».

Et l’inclusion, où en est-on ?

Les femmes étaient jusqu’à peu en majorité plus présentes dans des postes de costumière, de maquilleuse ou de scripte, et les hommes dans les rôles plus physiques ou techniques, chef machines, électricien, chef opérateur mais aujourd’hui il se dit dans le milieu que les choses changent. Pour autant, selon Marylou, cadreuse et monteuse, les mentalités évoluent moins rapidement qu’annoncé. « Il y a moins de femmes surtout en technique, néanmoins pour tout ce qui est production elles sont représentées ». Cécilie, assistante son, a un discours assez similaire. « Quand j’étais en école de cinéma, j’étais la seule fille dans le son, aujourd’hui, cela se développe un peu et cela nous permet de nous soutenir davantage ». Pour Marylou aussi, un soutien s’est rapidement fait ressentir : « personnellement j’ai de la chance, je suis arrivée grâce à une femme, elle m’a prise sous son aile et m’a bien signifié que ce ne serait pas facile ». A cela vient s’ajouter cette discrimination positive qui, sur un fond de bienveillance ne fait en réalité que stigmatiser le talent et les efforts fournis dans un domaine déjà compliqué. Une petite révolution est pour autant en marche et les freins se situent peut-être au niveau du choc générationnel. Cécilie suppose « qu’il y a un clivage très important entre les générations, ceux de la précédente sont sur des modèles qu’ils ne veulent pas forcément voir évoluer».

Une avancée pour le futur

De nombreuses initiatives ont été mises en place depuis les protestations et revendications pour combattre les déviances inégalitaires, notamment dans le cinéma français. Par exemple, “Le Collectif 50/50” qui réunit à ce jour plus de 1500 professionnel·le·s de la création et de l’industrie du cinéma ainsi que l’audiovisuel français tel que Jacques Audiard, Léa Seydoux et Adèle Haenel. Cette association s’engage pour l’égalité, la parité et la diversité dans l’industrie cinématographique. Pour cela ce collectif élabore des études, développe des actions, crée des outils et propose des mesures incitatives aux pouvoirs publics et aux différents acteurs du secteur pour accélérer le changement. L’association propose depuis 2019, un annuaire des professionnels du cinéma et de l’audiovisuel, afin de lister les profils trop peu visibles. Depuis 2018, à la suite des mesures mises en place par le Ministère de la Culture et le CNC aux côtés du collectif 50/50, ils instaurent des assises sur la parité, l’égalité et la diversité dans le cinéma français. Ces assises ont permis de mettre en place une prime de 15 % dans les subventions accordées aux productions respectant une parité entre hommes et femmes. Selon le CNC, d’autres mesures étaient en préparation comme accroître le nombre de films réalisés par des femmes dans les listes de films proposées dans le cadre des programmes d’éducation à l’image* et rendre obligatoires les statistiques de parité sur les équipes de tournage. Cependant, depuis l’arrivée du Covid-19, les moyens créés au bénéfice de l’industrie du cinéma dans sa globalité ont fortement été freinés. Il faudra sans doute attendre encore plusieurs années pour voir si la situation s’est améliorée. Néanmoins, il ne faut pas être défaitiste sur la situation actuelle, mais être conscients qu’il reste un long chemin à parcourir et surtout qu’il est faux de dire qu’il y a peu de femmes dans la création cinématographique, mais que beaucoup ont été invisibilisées.

*Créée par la dessinatrice Alison Bechdel. Pour réussir ce test, l’œuvre cinématographique doit réunir trois critères cumulatifs. Premièrement il doit y avoir au moins deux femmes nommées dans l’œuvre, qui doivent avoir au moins une fois une conversation ensemble et qui parlent de quelque chose qui est sans rapport avec un homme.

*Le 5 octobre 2017 Harvey Weinstein, un producteur de cinéma influent à Hollywood, fut accusé de viols, agression et harcèlement sexuel, par plus de 90 femmes du milieu du cinéma. En mars 2020, Harvey Weinstein a été condamné à 23 ans de prison pour viols et agression sexuelle. Il encourt désormais une peine allant jusqu’à 140 ans de prison, en plus de sa condamnation.

*Mouvement social visant à encourager la prise de parole des femmes, afin de faire savoir que le viol et les agressions sexuelles sont plus courants que ce qui est souvent supposé et surtout de permettre aux victimes de s’exprimer.

*Forme d’enseignement et d’initiation, destinée à un jeune public dans le but de lui faire découvrir différents aspects du cinéma.


Quelques chiffres donnés par le CNC (Centre National de la Cinématographie) : Entre 2011-15, on constate que 80% des films français ont été réalisés par des hommes. En 2019, sur 301 films français produits, on compte 30 réalisatrices. En 2021, 42 films français ont été réalisés des femmes sur 190. En moyenne, le budget alloué à une femme est 1,6 fois moins élevé, une réalisatrice de long métrage a un salaire horaire inférieur d’environ 42% comparé à celui d’un réalisateur. Le CNC a publié en mars 2021 une étude sur la place des femmes dans l’industrie cinématographique qui démontre qu’en 2019, 26% de l’ensemble des films agréés avait été réalisés par des femmes, contre 20% en 2010.

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