Patrick Mahé : mille et une vies

Patrick Mahé, le Vannetais, a fait de sa vie un roman : journaliste, écrivain, rédacteur en chef, reporter, conseiller municipal et, depuis peu, directeur du célèbre hebdomadaire Paris-Match, ses casquettes sont multiples. Pourtant, le septuagénaire affirme n’avoir exercé qu’un métier : la presse, et par extension l’édition, prolongement  » du côté vulnérable de la presse, permettant d’aller plus loin ». 

A la rencontre, Patrick Mahé est reconnaissable : beau costume, carrure imposante, voix forte, grand sourire, l’accueil est chaleureux. Le rendez-vous a été pris au café de la mairie de Vannes, sa ville, il y est né. Dans ce fief, il est chez lui et salue les habitués avant de commencer la conversation. Première constatation, malgré son incroyable carrière, il est resté fidèle à ses convictions et à cette ville qu’il aime tant : « La Bretagne a des valeurs que l’on ne trouve pas partout, que l’on veut garder, conserver. La langue bretonne en fait partie, c’est un véritable enjeu patrimonial, historique. Cela permet de garder les pieds sur terre avec des points d’ancrage. » Il sait d’où il vient, le revendique et … Avance néanmoins au pas de course !

Celui qui avait, à l’origine, entamé des études de droit à Nantes, n’a jamais hésité à saisir les occasions qui se présentaient à lui. Comme à ses débuts, lorsque le sport lui offre ses premières expériences journalistiques, jusqu’à devenir rédacteur en chef adjoint de la rubrique sportive du Figaro. Amoureux de la compétition il l’est resté mais à Vannes, c’est par la culture qu’il marque la politique de la ville en fondant, il y a seize ans, le salon du livre . « Je suis un président très actif, ce matin même j’étais en réunion pour le prochain salon, au mois de juin, qui recensera 75 nouvelles têtes d’auteurs : le renouvellement, c’est très important ». Il créé, organise… et sur ce qui lui reste de temps, écrit quelque soixante ouvrages abordant des thèmes différents aussi différents que les héros du photojournalisme, l’histoire du whisky, ou encore Elvis et Johnny. Une vie aux multiples chapitres. Mais aujourd’hui ce qu’il souhaite c’est  » parler du journal « . Paris Match !

Paris Match, le sens de l’équilibre

« Je suis un enfant de Paris Match » ! Patrick Mahé ne compte plus les années passées dans l’univers de l’hebdomadaire et récemment, fin 2021, il en a pris les rênes. Une suite logique qui s’apparente à un nouveau défi. Un journal « vivant, extrêmement réactif » dont il est fier, et dont il prend beaucoup de plaisir à en expliquer les rouages. Il se passe toujours quelque chose, alors il faut s’adapter, c’est à ça que sert la « DH », dernière heure : « la mort de Jacques Perrin par exemple, ça change tout. On se pose des questions, est-ce qu’on le met en couverture alors que dans deux jours il y a l’élection présidentielle, est-ce que c’est plus important de sortir de la campagne électorale ou d’y rester ? » Il doit veiller, avec la rédaction, à l’harmonie du journal, c’est-à-dire à l’équilibre entre des catégories de sujet : l’économie, l’écologie, l’actualité, les grands reportages, les faits divers, la culture, les célébrités, les entretiens. Car « il faut offrir au lecteur la variété des sujets qu’il est en droit d’attendre ». Il a également à cœur d’offrir de l’actualité, et ce sur des sujets brûlants, comme notamment « 170 pages réservées à l’Ukraine sur les dix dernières parutions, dont beaucoup de couvertures, vitales et essentielles, sur la guerre, car il faut être à la hauteur de l’immense préoccupation générale ». Mais il sait aussi l’importance de la gaieté, du « rock’n’roll « : « il faut en avoir, par rapport à la tristesse ou à l’austérité des sujets graves. Les gens veulent sortir des élections, sont un peu effarés de ce qu’ils voient et de ce qu’ils subissent ». L’harmonie de Paris Match passe, notamment, par le choix des photos. Le journal est connu pour sa devise « Le Poids des mots, le choc des photos », et bien que ce slogan ait laissé sa place, en 2008, à « La vie est une histoire vraie », sa ligne éditoriale est toujours la même. Selon Patrick Mahé, les photographies présentes dans le journal sont parfois difficiles à regarder, comme celles concernant l’enquête sur les crimes de guerre réalisée par des envoyés spéciaux à Kiev. Malgré cela, elles sont plus que primordiales : « on n’explique pas, on ne commente pas, on montre, c’est la force de Match. Un document photo vaut cent pages, le choc est tellement puissant, on a tout compris. » C’est bel et bien ce à quoi il aspire ; comprendre, déceler, décrypter. 

La quête du scoop

Dans l’ADN de Paris Match, on retrouve évidemment des exclusivités, des scoops people. « On ne célèbre pas les stars, on raconte simplement des histoires de vie, on enquête ». Et le breton ne manque pas d’anecdotes à raconter « il nous faudrait trois heures ! », Bardot, Delon, et les autres… Toutes ces stars incontestées, il les a côtoyées. « C’était formidable d’être agent littéraire de Brigitte Bardot, elle a déchiré devant moi un contrat d’un important montant car elle ne voulait pas être publiée aux États-Unis, pour des raisons personnelles. Cela prouve son rapport désintéressé à l’argent, c’était sa grande liberté ». Des voyous célèbres s’invitent également dans ses souvenirs. Concernant sa correspondance depuis sa cellule avec Jacques Mesrine, « ennemi public numéro un » des années 70, « Il faudrait que je retrouve les lettres, j’aimerais les relire ». Sans compter les personnalités politiques de premier plan, les présidents… Concernant la révélation de la fille cachée de Français Mitterrand, « on ne peut que se féliciter de notre rôle dans cette histoire, on a rendu un service fou à Mazarine Pingeot. On n’avait pas besoin de l’autorisation de l’ancien président pour publier les photos, mais on les lui a tout de même présentées, il a donné son accord tacite avec la phrase « La presse sait ce qu’elle a à faire », c’était un feu vert ». 

A 74 ans, devenir directeur de rédaction de l’hebdomadaire est un retour aux sources pour ce passionné de culture celte qui garde intacte, ses envies de rencontres, de livres, de voyages qui lui permettent de bâtir ses mille et une vies.  

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