La PMA pour toutes… Ou presque

Le sujet de la PMA* pour toutes a fait les gros titres des médias l’été dernier. Cependant, depuis sa promulgation, le sujet est quelque peu oublié alors même que de nombreux points restent encore à débattre… L’augmentation des demandes, du temps d’attente mais également les inégalités territoriales quant à la prise en charge des femmes posent questions sur la gestion nationale et locale de cette nouvelle loi bioéthique 2021.

Les débats ont été tumultueux, les manifestations aussi. Au cœur du débat de bioéthique c’est la Gestation Pour Autrui (GPA)* qui était le plus souvent remise en question et sa légalisation n’est d’ailleurs pas à l’ordre du jour. Néanmoins, la question était abordée sous le double acronyme GPA-PMA et bien que les deux permettent d’avoir un enfant, elles ne sont pas à confondre. Au final, la PMA a été définie dans la loi de manière spécifique et a finalement été adoptée par 326 voix contre 115 même si certains étaient farouchement contre. Le député Jimmy Pahun a justifié son opposition à cette loi pour l’une des raisons suivantes : « Je me prononce contre la « PMA pour toutes » car, comme Sylviane Agacinski, sur un plan éthique, je considère que ce qui est possible n’est pas toujours souhaitable. Je crains ainsi un glissement progressif vers l’autorisation de la GPA : en retirant la biologie de l’équation et puisque la science le permet et que l’égalité le justifie, il sera plus difficile à l’avenir d’interdire le recours aux mères porteuses. »

« Je ne veux plus perdre de temps »

Après les longues années d’attente, les allers-retours entre les chambres parlementaires, l’optimisme et les faux-espoirs, les femmes qui souhaitent avoir recours à la PMA soufflent enfin… Pour autant, la réalité l’emporte toujours sur les rêves ? Anaïs* est dans cette situation. Cette jeune femme de 28 ans, célibataire et bretonne, a vu les barrières se refermer … « Vous êtes trop jeune », « Vous n’êtes pas mariée », « repassez l’année prochaine », le CECOS* de Brest a été sans appel face à sa demande. « On me dit d’attendre trois ans au minimum alors que d’autres personnes en France dans le même cas que moi peuvent commencer les démarches beaucoup plus tôt. Je ne veux plus perdre de temps c’est pourquoi, je pars en Espagne en avril prochain pour avoir un enfant. Je suis vraiment énervée et je trouve cela injuste, je vais devoir payer 3500 € pour avoir trois essais d’insémination artificielle*, sans compter les frais d’hébergement et de transport. Avec l’augmentation des demandes, je pense qu’ils font un tri dans les dossiers. »

Être bien située pour être privilégiée

Virage à 180 degrés désormais pour atterrir au Nord-Est de la France, plus particulièrement en Moselle. Ce n’est peut-être pas la destination de rêve pour des vacances d’été mais y vivre est un formidable avantage pour les femmes souscrivant à la PMA. En effet, des profils semblables à celui d’Anaïs ont eu la chance d’être accompagnés par le CECOS de Nancy très renseigné et préparé à l’application de cette loi. Pauline en a bénéficié et en est consciente. Cette femme désormais âgée de 29 ans mais ayant commencé son parcours à 28 ans est célibataire et atteinte d’endométriose. Pauline a toujours eu le désir d’être mère et sa maladie ayant des conséquences sur sa fertilité, l’a amenée à commencer ses démarches assez rapidement. « Mon premier rendez-vous était le 9 aout 2021, et mon premier essai en fécondation in vitro (FIV) se fera au mois de juin. Les choses se sont faites très vite, ce qui est assez étonnant puisque je sais que l’on est privilégiés par rapport à d’autres régions ». Une autre raison qui pourrait expliquer cette échéance proche serait la méthode par laquelle elle passe. En effet, elle effectuera directement la FIV car les inséminations artificielles échoueront très probablement à cause de sa pathologie. « Le médecin m’a expliqué que les délais sont souvent plus rapides lorsque l’on passe directement par cette technique mais je ne sais pas vraiment pourquoi. »

En plus du temps d’attente à gérer, ce parcours est une étape très forte et parfois douloureuse comme l’explique Pauline « J’ai une amie qui est passée par là et elle me racontait que les hormones stimulées par les injections quotidiennes sont éprouvantes physiquement et mentalement. Parfois, elle pleurait, sans raison… Heureusement, elle était bien accompagnée par son mari. Étant célibataire, j’avoue que ces changements d’humeur me font très peur même si je suis bien entourée par mes proches. Malgré tout, ce qui m’effraie le plus reste l’après transfert de l’embryon puisque de nombreuses femmes disent se sentir enceintes après cela. Cependant, ce n’est qu’au bout de deux semaines que l’on sait si la FIV a fonctionné ou non, ce qui peut créer une fausse joie très difficile à supporter ».

Face aux inégalités territoriales d’accès à la PMA, Céline Pimentel, Chef de clinique en Gynécologie Obstétrique et Médecine de la Reproduction au CHU de Rennes affirme que les médecins ne trient pas les dossiers en fonction de critères particuliers. « Les femmes qui appellent sont traitées de manière égalitaire, elles doivent attendre entre six à neuf mois pour avoir leur premier rendez-vous, ensuite les échéances sont relativement plus réduites. » Par ailleurs, l’idée d’une banque nationale de gamètes pour avoir une répartition égale des dons de spermatozoïdes et d’ovocytes dans toute la France a déjà été évoquée plusieurs fois lors des réunions nationales des CECOS. En effet, actuellement, chaque centre de PMA est indépendant, le nombre de dons et de demandes varie selon la région. Cette idée de redistribution équitable des gamètes permettrait ainsi de rompre avec ces inégalités territoriales. Pour autant, d’après Céline cette solution semble encore utopique puisque l’appariement* des patients n’est pas simple à gérer. Il faut relever les caractéristiques des donneurs et des receveurs et effectuer des consultations génétiques pour éviter de cumuler des facteurs de risques. Cela risquerait d’être un vrai pêle-mêle si tous les gamètes étaient centralisés à l’échelle nationale. De plus, les spermatozoïdes ne voyagent pas très bien et risqueraient d’avoir une altération de la qualité gamétique.

La patience comme maître mot

Pour Céline, l’explication à tous ces problèmes de délais d’attente reste le manque de personnel « même si les différents CECOS de France étaient au courant que la loi allait être votée, les décrets d’application avec toutes les modalités de prise en charge ont été transmis assez tardivement. » Et qui dit décret tardif, dit également financement retardé, bien que l’État y ait réservé une enveloppe conséquente. « C’est vrai que cela nous a mis dans des difficultés d’organisation. En effet, pour déclencher des fonds d’investissement, il faut que l’on ait à chaque fois un texte officiellement paru ». Un effet boule de neige qui a directement impacté le recrutement de nouveaux postes pour faire face à cet afflux massif de demandes ; « avant même que la loi ne paraisse, 275 femmes étaient déjà sur liste d’attente. Nous avions une centaine de couples/an demandeurs de dons de spermatozoïdes avant les Lois Bioéthiques 2021. Nous sommes maintenant à environ 300 nouvelles demandes de dons de spermatozoïdes (femmes non mariées et couples de femmes) en plus des cent demandes annuelles. » Dans l’attente de nouveaux renforts, la situation reste encore tendue puisque Céline fait partie d’une équipe comptant seulement quatre professionnels hospitaliers en gynécologie à temps plein. Malgré tout, la praticienne garde la tête sur les épaules et ne compte en aucun cas aller plus vite que la musique… « Nous comprenons bien la frustration du patient mais il ne faut pas que le désir d’aller vite impacte sur la qualité de prise en charge ».

Le député d’Ille-et-Vilaine Gaël Le Boherec, ayant donné un vote favorable à cette loi bioéthique est de ce même avis et ne compte pas faire de synthèse en moins de six mois sur la situation actuelle. « Un sujet aussi important mérite un minimum de distance et de temps. Il est normal qu’il soit difficile d’ajuster les choses la première année qui suit le vote. Personnellement, je suis avant toute chose satisfait que deux à trois fois plus de femmes par rapport à l’an passé puissent accéder à la PMA. C’est très compliqué de voter une loi et de savoir à l’avance comment elle va aboutir dans le temps. Il faut attendre et regarder dans la durée et ce sera le rôle des prochains députés. » Une PMA pour « toutes », enfin presque puisque la question des personnes transgenres reste encore confuse. Les évolutions devront être suivies de très près d’autant plus qu’en septembre prochain le don ne sera plus anonyme. Cette nouvelle réforme pourra avoir un impact sur le nombre de donneurs et ainsi sur la liste d’attente des femmes demandeuses…

*Nom d’emprunt

* PMA (Procréation Médicalement Assistée) : ensemble de pratiques cliniques et biologiques où la médecine intervient pour aider à la procréation.

* GPA (Gestation Pour Autrui) : recourir à une mère porteuse.

*Un CECOS : unité spécialisée dans l’infertilité implantée dans un CHU. Son sigle signifie Centre d’Étude et de Conservation des Œufs et du Sperme Humain.

* L’appariement correspond en biologie au regroupement des gamètes pour la reproduction.

 

 

 

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