Bretagne : la nouvelle « French Riviera »

Ce n’est malheureusement plus un scoop de parler de la hausse du prix de l’immobilier et du mal logement depuis ces dernières années. La Bretagne n’y échappe pas, bien au contraire : le prix des appartements anciens a augmenté de 13% selon les notaires de Bretagne… C’est comme inscrit dans nos esprits : la côte bretonne est devenue inaccessible. Cela semble même hors de contrôle sans compter que la pandémie du Covid 19 a accéléré ce processus et renforcé inévitablement l’exode urbain… Mais est-ce la seule raison ?  

Pression immobilière, spéculation, manque de logements sociaux, les causes sont multiples. Quelques chiffres d’après le 27è rapport de la fondation d’Abbé Pierre sur l’état du mal logement en France : « 4 millions de personnes en souffrent » et plus de « 14,6 millions de personnes sont fragilisées par cette crise ». Entre 1990 et 2020, la part du logement dans la dépense de la consommation finale des ménages est passée de 20 à 28,5%, loin devant l’alimentation et les transports, selon l’Insee. Une montée des prix parfois insoutenable pour les ménages se résignant à ne plus vivre sur les terres de leur enfance. C’est un constat national mais qui tend à s’amplifier sur la côte Atlantique, particulièrement attractive.  

 Certaines régions payent le prix fort  

L’année dernière des manifestations sur la côte basque, notamment à Biarritz et Bayonne dénonçaient « une colonisation des maisons secondaires sur la côte ».  Leur mot d’ordre : “Vivre et se loger au Pays – Expekulazioari ez!” pour dénoncer la crise du logement et exiger une politique ambitieuse et des mesures courageuses. Les mêmes rassemblements ont été observés en Bretagne, à Belle-Île, Groix, Guérande, Huelgoat, Guingamp, Morlaix ou Perros-Guirec, St Malo…. D’après certains professionnels, ce constat se confirme, largement.
En Bretagne, Laurence Morio du service urbanisme de la mairie de Plœmeur témoigne : « le marché immobilier est très tendu depuis la crise du Covid 19 » … « Il y a très peu d’offres donc ça part vite, les prix augmentent de manière automatique ». Une tendance qui s’observe et se confirme quand nous prenons le pouls des agences immobilières bretonnes. D’après Mélanie Josse, conseillère immobilière de l’agence Century 21 à Rennes : « la ville fait des efforts dans les projets de construction d’habitations et de logements sociaux, la mairie a considérablement accru son investissement dans ce domaine, mais il est clair que cela n’est pas suffisant… » En effet, les agences débordent de demandes sans, le plus souvent, pouvoir y répondre positivement. « Nous sommes clairement en position de force, il ne faut pas se le cacher, nous avons même changé de méthode de vente pour l’acquisition d’un bien », nouvelle méthode selon laquelle les agences ne mettent plus en annonce les maisons ou appartements à vendre – notaires et conseillers immobiliers gérant les transactions avec leur portefeuille d’acquéreurs – !

Un marché tendu amenant une surenchère financière et entrainant une difficulté pour de nombreux ménages à s’installer ou à construire sa maison, ce phénomène accentuant davantage les inégalités entre les Français : “ les dépenses concernant le logement des locataires pauvres et modestes correspondent à 45% de leurs revenus, alors que ce « taux d’effort » n’est que de 7% pour les propriétaires aisés libérés de leur emprunt » rapporte l’Insee. 

 Une concurrence entre acquéreurs : classe populaire, moyenne marginalisées 

 “C’est simple, aujourd’hui les plus précaires mais aussi maintenant les classes moyennes ne peuvent plus devenir propriétaires même une simple location devient compromise au regard de la hausse des prix “ remarque Aurélie Jouanno, chargée de mission pour l’Abbé Pierre Rennes. Au-delà de cela, un tri, une hiérarchisation s’opère entre les potentiels acquéreurs car la demande est trop importante. Alors, inévitablement “le bailleur préfère choisir son futur locataire en priorisant le plus à l’aise financièrement, c’est une sécurité pour lui”. En face, les autres, moins aisés, se voient refuser des logements et des acquisitions de maisons. C’est le cas pour Clément, un Lorientais qui peine à s’installer dans le Morbihan avec sa femme : « J’habite à Lorient et je travaille depuis près d’un an à Quimper. Avec ma compagne, on cherche une location pour se rapprocher de mon travail dans un rayon de 45 minutes alentour, c’est quand même assez large. » Lui est en CDD, sa femme est auto-entrepreneuse, et cela fait six mois qu’ils essuient les refus auprès des agences ou des particuliers. « C’est toujours la même chose, dès qu’ils voient qu’on n’est pas en CDI on n’a plus de réponse. Je n’ai pourtant jamais eu de soucis pour louer un appartement en Bretagne auparavant. » En six mois, Clément a bien eu quelques visites, mais il n’a jamais été rappelé. Même son de cloche pour un couple de Locquirec, commune du Finistère au sein de laquelle ils souhaiteraient fonder une famille. Hélas, ils vont devoir déménager pour accueillir leur bébé puisque les seules locations disponibles sont soit trop chères, soit saisonnières. Pire, “les délais d’attente pour les logements sociaux sont beaucoup trop longs” constate Manuella Vinot… Alors la question se pose de partir s’installer plus loin, mais en attendant ils vivent au camping !

Refus, Pénurie, Inaccessibilité mais aussi compétition entre acheteurs et propriétaires, les maisons secondaires posent aussi problème sur la côte ouest et spécifiquement en Bretagne. D’après les experts économiques, mais aussi la fondation Abbé Pierre, cette forte concentration des logements possédés par des particuliers dérègle le marché immobilier et « accentue l’écart des inégalités”.  

Finalement, qui peut se loger dans cette région attrayante ? La question se pose… D’autant que les villages, les villes en périphérie s’inquiètent pour leur devenir incertain, pour les vies de quartier qui se meurent et la vie en deux temps qui s’installe pour cause de saisonnalité. Conséquences, des classes ferment, les garderies se font rares parfois, les commerces baissent les rideaux dès l’automne et la question devient  sociologique. Les plus modestes se voient refuser des biens, et les classes plus aisées achètent parfois des appartements, maisons, sans même se déplacer pour visiter. Un déséquilibre amenant certaines villes ou villages à s’embourgeoiser, laissant de côté des habitants de longue date parfois…  Une concurrence qui peine à se réguler au regard des solutions timides qui sont pour le moment apportées… 

 

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     Point démographique

 La France est de plus en plus peuplée, en vingt ans la population française est passée de 61 millions à 68 millions d’habitants. Sans compter le changement des mœurs (plus de célibataire donc plus de logement individuel, davantage de séparations etc.…). Une évolution démographique qui favorise cette pénurie de logement mais aussi un contexte économique avantageux pour les ménages : des taux d’intérêt historiquement bas et des durées d’emprunt plus longues. Mais cela a aussi eu un effet pervers. Grâce à ces taux intéressants, les ménages peuvent se permettre d’acquérir un bien plus élevé. Automatiquement, la concurrence entre acquéreurs s’accroît et les prix augmentent. 

     Promesses et solutions, en temps présidentielle 

Le logement est un chantier colossal, vitale mais fatal… Fatal lorsqu’il percute les ménages, les étudiants, les jeunes couples, retraités… Après ce constat, un œil sur les propositions.  

Les associations comme l’Abbé Pierre se mobilisent pour résoudre ce problème de la précarité du logement. Aurélie Jouanno, chargée de mission nous explique son action : “Notre objectif n’est pas seulement de trouver un logement pour les plus démunis, le but est d’accompagner chaque personne et surtout venir vers eux.” En effet, les 300 000 sans abris encore répertoriés en France ont besoin pour s’en sortir, d’avoir un toit mais aussi d’envisager une perspective d’avenir. Une action pour interpeller les politiques et tenter de réveiller les consciences. Selon eux, les trois mesures à mettre impérativement en place : Produire du logement social ; au moins 150 000 logements pour répondre cette pénurie grandissante. Encadrer le marché immobilier qui nécessite, ils reconnaissent, une forte volonté politique (le fait de se positionner contre le marché financier). Sans oublier la rénovation des logements catégorisés comme des “ passoires énergétiques”.  

 

 

 

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