Damien Martin, la voix du Tour

Commentateur, animateur, speaker, Damien Martin est une voix incontournable du Tour de France et du cyclisme français. A 31 ans, le Breton vibre pour la petite reine.

Le rendez-vous aura été compliqué à caler, tant l’agenda de ce passionné de sport est chargé. Depuis plusieurs années, Damien Martin vit sa passion pour le sport au pas de course, « je ne me vois pas bosser ailleurs ». Grand passionné de football et de sports de raquette, c’est la petite reine qu’il préfère. « Le cyclisme, c’est le sport de la famille, mon héritage. J’ai baigné dedans depuis tout gamin, depuis l’âge de trois ans, je suis sur les circuits de vélo le week-end ».

Polyvalent, il endosse plusieurs casquettes (animateur, speakeur, commentateur) et jongle avec les évènements. « La complémentarité des disciplines me fait vraiment du bien, je pense que si j’étais enfermé dans une seule, je finirais par tourner un peu en rond ». Ancien cycliste à son niveau, il avait son idole : « Jaan Kirsipuu. Aujourd’hui je ne peux pas prétendre avoir une préférence, je les côtoie tous et suis censé les traiter sur le même pied d’égalité ».

« Un parcours classique », puis la bonne échappée

Il décrit son parcours comme « très classique ». C’est à 16 ans qu’il « speake » pour la première fois. « C’était sur une course locale en Ille-et-Vilaine dans la petite commune de Domagné, une course pour laquelle il n’y avait pas d’argent pour payer un speaker. Je me suis proposé, j’étais pourtant très réservé ». La machine est lancée. « C’était vraiment un test grandeur nature, prendre le micro en public pour la première fois de ma vie. Puis ça l’a fait, je me suis retrouvé dans mon élément et ça a été un déclencheur ». Jusqu’à ses 22 ans, Damien commente surtout des courses locales, à l’échelon départemental et régional. Puis il prend la bonne échappée et grimpe vers des courses plus prestigieuses. « A l’âge de 22-23 ans j’ai commencé au niveau national avec ASO* sur les grandes courses françaises ».

Arrivé très jeune dans le milieu, Damien inspire. « A l’époque, un jeune au micro ça n’existait pas, aujourd’hui il y a pas mal de demandes. Je reçois des messages de jeunes qui aimeraient se lancer. Ils ont compris que le milieu du speaking pouvait être plus ouvert que le milieu de la télé ». Des modèles, il en a et pas des moindres. S’il cite évidemment la référence Daniel Mangeas, « la voix qu’on entendait partout dans le milieu du vélo», il nomme aussi Thierry Gilardi (football) ou Patrick Montel (athlétisme). « Ce sont des voix associées à des évènements marquants, dans le sport français quand il y a eu des exploits on identifie la voix qui va avec ».

Pour autant, chaque commentateur a sa singularité. Damien aime « autant analyser que commenter, je pourrais presque faire les deux des fois ». Avec un style de commentaire qu’il veut dynamique : « essayer de proposer un commentaire enjoué, chantant, avec de l’intensité, du débit, varier un peu les intonations… » Le speaker tente de tenir son public en haleine. « Je suis comme un coureur qui va doser son effort, il faut que le rendu soit le plus agréable possible pour le public. Si on commentait les cent derniers kilomètres comme si c’était le dernier, le public ne suivrait plus. Même les blancs sont importants, « il faut en laisser au public, il y a des moments pour sortir du commentaire, d’autres c’est vraiment du direct et il faut être focalisé sur la course. C’est un fil conducteur qu’il faut essayer de tenir. » Les petites anecdotes sur les coureurs font aussi partie de la musique du speaking. « A force de les côtoyer, on a beaucoup d’histoires sportives sur eux ».

Entre les commentaires de matchs de football de National (3è division) et les courses de vélo, ses journées sont très chargées. Une semaine avant notre entretien il commentait l’une des courses à étape les plus connues des amateurs de cyclisme, Paris-Nice, l’après-midi même il animait l’inauguration d’un magasin de vélos en compagnie d’un certain Laurent Jalabert. Le lendemain, place au football avec le commentaire d’un match de National, puis direction Ouistreham quelques jours plus tard pour le Tour de Normandie (21-27 mars).

 

La Voix du Tour de France

Un agenda bien rempli donc, avec comme principal col à gravir le Tour de France. Speaker depuis 2015 sur l’épreuve la plus prestigieuse du calendrier cycliste, il prendra en juillet son 8è départ au commentaire de la Course. La Grande Boucle qui pour sa 109è édition s’élancera de Copenhague (Danemark) avec un favori, le Slovène Tadej Pogaçar et comme souvent une première semaine très intense.

Et les Français dans tout ça ? Il l’avoue, « je suis chauvin, même si j’essaie de ne pas trop le montrer au micro ». Et quoi de plus beau que de commenter une victoire d’étape française, lui qui vient de le faire à deux reprises sur le dernier Paris-Nice. Et la victoire française au classement général sur le Tour de France, comme des millions de Français, il en rêve. Plus de 35 ans depuis la dernière victoire française sur le Tour, celle de Bernard Hinault en 1985. « Le jour où ça se passera, ce sera un coup de tonnerre terrible dans le sport français ».

Et il y a cru un moment en 2019. « Le moment où j’ai vibré le plus c’est 2019, col du Tourmalet avec Thibaud Pinot. Je me suis dit « c’est peut-être cette année que je vais vivre un truc de fou, je me suis visualisé sur les Champs en train de commenter la victoire de Thibaud Pinot ». Raté, le coureur de la Groupama-FDJ sera contraint à l’abandon, blessé à la cuisse lors de la 19è étape. Des moments intenses sportivement, mais aussi personnellement. Notamment lorsque le Tour passe chez lui, dans son département bretillien. « J’ai eu la chance de faire deux arrivées en Ille-et-Vilaine, les deux fois à Fougères ». Et puis la plus belle avenue du monde chaque année pour conclure le Tour, les Champs-Élysées. « Commenter sur les Champs c’est unique. Il n’y a qu’une seule discipline qui le permet, c’est le vélo ».

Et pour mieux raconter, il a sa voix, son principal instrument de travail. Une voix calme et posée qui monte d’un cran et s’accélère au fur et à mesure que les derniers hectomètres arrivent pour les coureurs. « A ce niveau là, il faut surtout faire attention à ses cordes vocales. Faire attention aux coups de froid, bien dormir le soir… Des choses banales pour essayer de ne pas s’enrhumer et de ne pas perdre sa voix ». A lui ensuite de raconter la musique de la course. « Sur le Tour je « speake » environ quatre heures par jour ». Le 1er juillet, le Tour s’élancera de Copenhague (Danemark). Et en attendant la victoire d’un français au classement général, la voix de Damien accompagnera de nouveau cette 109è édition. Avec, chauvinisme oblige, une intensité particulière lorsqu’un tricolore lèvera les bras sur une étape.

* ASO (Amaury Sport Organisation) est un organisateur d’évènements sportifs (Tour de France, Liège-Bastogne-Liège, Paris-Roubaix, Paris-Nice, Rallye Dakar, Marathon de Paris…)

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Son analyse pour le Tour de France

« La première semaine est dingue, ça va être une classique tous les jours ». Étapes propices aux bordures, étape de pavés, Mur-de-Huy, Planche-des-Belles-Filles… Les premiers jours de course n’offrent aucun répit aux coureurs. Les spécialistes du cyclisme ont d’ailleurs l’habitude de dire que le Tour ne se gagne pas en première semaine mais peut se perdre. Pour Damien c’est clair : « Le Tour va se perdre pour certains la première semaine ». Et sur ces trois semaines extrêmement exigeantes, le speaker voit un coureur sortir du lot : le Slovène Tadej Pogaçar, tenant du titre. « Pogaçar est hyper complet, il est capable de passer sur tous les terrains mais il ne faut pas qu’il soit victime de malchance (chute, crevaison, bordure) car ça peut aller très vite. Le vélo peut nous surprendre, il peut se passer un millier de choses ».

 

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