Lass de Guinée

La rencontre avec Condé Alhassane, dit Lass, est une leçon de vie. Une claque ! Né à Matoto il se retrouve dès 16 ans orphelin. Il aurait pu s’écrouler. Il en a fait une force et sa vie ressemble à un roman. Tour à tour, manœuvre, mineur, ouvrier, il a au fil de ses aventures traversé la Guinée, le Mali, l’Algérie, la Libye, l’Italie !  À seulement 23 ans.

Le début d’une longue aventure

À 16 ans, il part sans attache de Guinée, meurtri, seul dans la vie mais avec une force de vie plus forte que tout, « j’avais besoin de vivre des aventures, de découvrir le monde. Je suis parti travailler dans les mines pendant un an, puis le travail commençant à se faire rare, j’ai décidé de changer d’air avec mes petites économies ». Prochaine étape, l’Algérie ! Lors d’un périple semé d’embûches, il ne se retourne pas « dans un premier temps, nous avons dû contacter des Touaregs pour nous faire traverser le Mali jusqu’en Algérie, mais la somme demandée n’était finalement pas suffisante ». Le voyage aurait pu s’arrêter là. Ce serait mal le connaître « n’ayant pas la somme nécessaire, j’ai donc dû rester deux semaines dans une petite ville à la frontière de l’Algérie ». Mais comment trouver cet argent, dans un endroit qu’il ne connaît pas à seulement 17 ans ? « Ce ne fut pas si compliqué, j’ai contacté un ami de Guinée pour qu’il vende mon scooter et qu’il m’envoie l’argent ». Objectif atteint, Lass peut se reposer à Oran ( à la frontière Algérie/Maroc ) après cette longue excursion « à peine arrivé j’ai commencé à chercher du travail, ce fut difficile au début car personne ne me connaissait et donc personne ne voulait m’embaucher pour travailler, j’ai dû rester sur un rond-point plusieurs nuits ne pouvant payer le voyage de retour », mais peu importe que cela soit difficile physiquement et mentalement, son seul objectif étant de trouver un travail «  j’ai finalement été pris comme manœuvre pour travailler sur des chantiers, une fois les fonds obtenus, je suis parti dans un petit village à côté d’Alger ». De 2015 à 2017, il reste dans cette ville pour y travailler et le temps étant une chose précieuse, il en profite pour apprendre d’autres métiers, maçon, carreleur pour finalement travailler à son propre compte. Mais « au bout de deux ans, j’avais l’impression de tourner en rond ». Cap sur l’Europe et plus précisément l’Italie.

La réussite est toujours au bout du chemin pour ceux qui n’abandonnent pas.

« J’ai encore une fois dû faire appel à des passeurs pour cette traversée malgré mes mauvaises expériences avec eux ». Ce trajet lui coûte une grande partie de ses économies, 110 000 Dinar soit 700 euros pour un voyage en deux temps, une semaine pour aller en Libye, puis deux semaines jusqu’à Lampedusa ( petite île à côté de l’Italie ). À aucun moment Lass ne doute de son arrivée à destination « pour être franc le trajet sur un zodiac avec 110 personnes ne m’a pas effrayé, mais à un moment, j’ai douté, l’horaire établi pour venir nous chercher était dépassé depuis un moment, notre bateau commençait à se dégonfler ». Mais l’espoir est au bout du chemin, « finalement un bateau est arrivé pour nous ramener sur les côtes où une association nous a pris en charge pour vérifier notre état de santé et notre identité, puis on nous a séparés dans plusieurs centres en Italie ». Enfin un point de repère pour Lass. « Le soir, nous allions jouer au foot, mais les enfants des locaux ne voulaient pas trop de nous et nous empêchaient de jouer, je n’aimais pas trop l’ambiance qui régnait, on me faisait trop ressentir ma différence ». Alors un matin avec seulement dix euros en poche, il part « j’ai pris le train sans payer, pendant un mois j’ai vécu dans les trains, j’ai fait trois frontières différentes Autriche, Suisse, France. C’était le mois de Carême et je rencontrais souvent d’autres personnes comme moi, ils m’aidaient à me nourrir. Je n’avais pas peur de me faire prendre, qu’est qu’il pouvait m’arriver ? ».

L’optimisme de ce garçon semble sans limite « après plusieurs tentatives pour rentrer en Suisse, j’ai décidé de changer d’objectif et de tenter ma chance en France », il atterrit donc à Vintimille ( ville frontière Italie/France ) exténué, dans un camp de la croix rouge, il se prépare avant de s’attaquer à son prochain périple franchir la frontière. Après plusieurs tentatives infructueuses, il change sa stratégie et traverse la forêt avec d’autres personnes, mais rapidement ils n’arrivent plus à se repérer, le groupe décide alors de rebrousser chemin, Lass se retrouve une nouvelle fois seul, « Moi, je voulais aller au bout du chemin, j’ai sorti mon téléphone même sans Internet j’ai ouvert une “application MAP”, et j’ai continué ma route, le soir exténué je me suis endormi dans un tunnel de train, le lendemain j’ai persévéré jusqu’à arriver au camp de Cédric Herrou à Breil-Sur-Roya ».

 

Au bout du chemin, il y a encore un chemin.

Notre “AS” est enfin au bout de son périple, orienté vers une association à Nice où il fait une rencontre qui changera sa vie, « c’est là que j’ai fait la connaissance Hubert Jordan, qui n’est désormais plus de ce monde, il m’a recueilli chez lui, je me souviendrai toute ma vie de ce moment chaleureux, tous les soirs, en rentrant de son travail il me regardait jongler avec le ballon sans dire un mot, j’en garde un merveilleux souvenir aujourd’hui ». En voyant la passion que Lass avait pour le foot Hubert décide de contacter des proches en Bretagne du côté de Rennes, « c’est à cette période que j’ai rencontré David Gargnion chez qui je loge actuellement, j’ai alors commencé mes démarches pour rester en France. Puis j’ai été pris dans un petit club de foà Saint-Samson-sur-Rance », ce qui lui permet de renouer avec sa passion, laissée de côté pendant son voyage, le foot. En 2019 Lass a l’occasion d’aller à l’école comme bénévole chez “les compagnons bâtisseurs”, il réussit à passer un CAP maçonnerie qu’il a récemment obtenu. Désormais un nouveau challenge pour lui : « J’ai monté un dossier pour ma demande d’asile qui a été refusée, j’ai donc dû faire appel à un recours pour la CNDA*, il m’a fallu aller à Paris répondre à plusieurs questions pendant un entretien, refusé aussi, après j’étais complètement découragé ». Mais étant père depuis peu, c’est grâce à sa fille qu’il trouve la force de continuer face à cette montagne de paperasse et ce refus perpétuel. C’est en Août dernier qu’il obtient un laissez-passer lui permettant d’être embauché et bientôt d’obtenir son propre logement. « Je sais qu’il me reste encore un long chemin à parcourir, mais je sens du progrès, la machine est lancée ! ».

 *CNDA : Cour nationale du droit d’Asile

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