Étudiants / Un avenir en suspens

Depuis le début de la crise sanitaire, les étudiants ont vu leurs habitudes privées et scolaires être bouleversées par les différentes mesures prises pour lutter contre le coronavirus. Clara, étudiante en première année de sociologie à l’université de Rennes 2 et très impliquée dans la cause étudiante, évoque la situation actuelle des étudiants.

On a beaucoup entendu parler de la souffrance étudiante pendant le confinement. De quoi manquaient les étudiants selon toi ?

La décision a été prise de confiner et cela a eu beaucoup de répercussions sur les cours. Il aurait été préférable de recevoir des aides plus importantes, comme de l’alimentation ou d’autres bourses. Malgré la complexité de la situation, il aurait fallu une réelle organisation pour que tout le monde ait au  moins de quoi se nourrir et se loger.

Ces problèmes financiers ont forcément eu des retombées psychologiques sachant que plus de 80 % des jeunes  déclarent être atteints psychologiquement par la crise sanitaire.

A mon échelle c’était assez impressionnant. Parmi mes amis proches je connais de nombreuses personnes qui se portaient parfaitement bien avant cet évènement, malheureusement elles ont été touchées par l’anxiété, des sentiments de culpabilité, certaines ont même dû suivre un traitement. Moi-même j’ai été confrontée à des crises d’angoisse, ce qui ne m’était jamais arrivé auparavant. Pour un étudiant, être obligé de rester chez soi, le plus souvent dans des chambres très petites, loin de ses amis et de ne faire aucune nouvelle rencontre c’est très compliqué. En plus de la solitude on manquait de nouvelles activités ou d’un apport culturel qui aurait égayé un peu notre quotidien.

Des aides virtuelles ont tout de même été mises en place, quelles autres solutions auraient pu et peuvent être appliquées pour aider ceux en difficulté ?

Durant le confinement j’aurais aimé être suivie par un psychologue, même virtuellement cela aurait été bénéfique. Cela étant, je pense qu’il y a de toute façon un besoin de voir, de toucher, de sentir les personnes, ce que le virtuel ne résout pas… Peut-être que des médecins généralistes ou plus spécialisés auraient pu aider les étudiants qui le désiraient. Proposer des espaces de parole auraient peut-être aidé les jeunes à s’exprimer librement avec leur professeurs et d’autres élèves se trouvant dans la même situation.

Vous pensez que la solidarité étudiante n’a pas été assez forte à ce moment-là ?

Je pense que le confinement a eu tendance à nous isoler et on se serait sûrement sentis mieux si on s’était plus entraidés. Peut-être que les étudiants n’ont pas été assez entendus ou compris, leur souffrance n’a été prise en compte qu’après le confinement, ils auraient aussi pu se faire aider de leurs professeurs, pour pouvoir leur parler et faire part de leurs problèmes.

Il aurait dû y avoir un suivi plus fort au niveau des cours ?

Durant les confinements, dans notre université, les cours étaient pré-enregistrés*, nos enseignants ne pouvaient pas s’assurer que le travail était fait. On n’avait donc très peu d’interaction avec les élèves et les professeurs de notre classe. Cela aurait peut-être été une bonne idée de créer des espaces sociales virtuelles en dehors des cours, juste pour que les jeunes apprennent à se connaître et à créer des liens.

Est-ce que vous ressentez les conséquences de ce traumatisme dans vos études ?

Je ressens surtout une joie de retrouver les gens, de faire de nouvelles rencontres, de profiter des cours en présentiel… Pour autant, je pense qu’on a tout de même gardé des marques de cette période, comme de l’anxiété ou un manque de confiance en soi. Mais également au niveau des cours, dans mon cas je n’ai eu que deux ordinateurs pour une famille de quatre enfants dont les deux parents étaient en télétravail, je n’ai donc pas pu suivre la plupart de mes matières. Cela m’a fait un peu abandonner les cours et j’ai eu du mal à m’y remettre. J’aurais aimé que ce problème soit assuré, on aurait pu nous proposer un prêt d’ordinateur.

Il y a eu quelques manifestations étudiantes, dont la plupart ont été annulées, est ce que les étudiants ont assez insisté pour défendre leur cause ?

Je pense que le confinement a précédé les grandes vacances et les jeunes avaient besoin de passer à autre chose. Les manifestations ont donc été moins nombreuses que ce que l’on aurait pu penser. Pendant le confinement il était interdit de sortir. Les étudiants n’ont donc pas pu manifester et leur cause n’a peut-être pas été assez mise en lumière.

Deux souffrances majeures ont été perçues durant la crise sanitaire, celle des personnes âgées et celle des jeunes. Pensez-vous qu’on aurait pu prendre davantage en compte celle des jeunes ?

On nous a peut-être trop fait peur au début de la crise en nous parlant de l’aspect concret de la maladie. C’était légitime car il y avait beaucoup de décès et notamment des personnes âgées, mais on a oublié les conséquences morales que la crise avait sur les jeunes. Les étudiants comme les problèmes de violences conjugales sont passées au second plan.

Ces jeunes vont tout de même construire le monde de demain et on les prive d’études sereines, cela va-t-il laisser des traces ?

Depuis deux ans, les étudiants vivent dans l’incertitude de ce que sera demain donc ça laissera forcément des traces. Aujourd’hui encore cette période a découragé certains étudiants dans la poursuite de leurs études et nous sommes nombreux à penser qu’il y aurait peut-être eu davantage à faire pour les aider, pour qu’ils n’abandonnent pas. Certains se sont retrouvés avec des dettes ou ont perdu leur job étudiant. J’ai aussi beaucoup d’amis qui souhaiteraient consulter un psychologue spécialisé mais il y a trop de demandes. Pour les étudiants, la crise sanitaire est très douloureuse.

Est-ce qu’aujourd’hui, vous voyez une évolution positive ?

Je suis contente de ce que j’ai et je profite des cours en présentiel car on peut se retrouver et rencontrer des personnes malgré les gestes barrières. J’ai l’espoir qu’un jour tout rentre dans l’ordre, la vie sociale des étudiants est de plus en plus riche et il y a de nouveaux évènements culturels. Cela permet aux gens de se rendre compte que c’est essentiel de se retrouver et de s’amuser, c’est primordial pour notre santé mentale.

Est-ce qu’il y a un profil d’étudiant type, dans ceux qui sont touchés par la crise ?

Je pense que la globalité des étudiants a connu une période difficile et subit les conséquences de la crise. Mais les classes les plus pauvres sont dans une situation encore plus instable, ce qui entraine un impact psychologique plus fort. Quand l’argent est ta principale préoccupation et que tu vis dans l’inquiétude de ce que tu vas manger demain, tu es plus touché que la moyenne. Je peux le remarquer aux distributions alimentaires de l’Université de Rennes 2, les jeunes les plus atteints par la précarité ont besoin de ces interactions sociales.

* Note de la rédaction : Le campus de l’UCO BS n’était pas concerné par les cours-préenregistrés

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