RC VANNES, LE CŒUR OVALE

Né il y a 70 ans, le Rugby Club Vannes est devenu dès 2016, le premier club breton de rugby à évoluer au niveau professionnel. Au sein d’une région qui n’a d’yeux que pour le football, le RCV a réussi à s’imposer dans le cœur des Vannetais et des Bretons. Il dépasse les frontières régionales et part à la conquête de la nation toute entière puisque le club se rapproche du Top 14, élite du rugby français. Retour sur l’histoire d’un succès et d’une équipe qui porte les valeurs de sa région.

« Maintenant la Terre est ovale en Bretagne » lance David Robo, Maire de Vannes et supporter du RC Vannes depuis son arrivée dans le chef-lieu morbihannais dans la fin des années 90. Créé en 1951 par un régiment de parachutistes basé à Meucon, le RC Vannes a gravi les échelons avec prudence jusqu’à atteindre, aujourd’hui, la première place de Pro D2, deuxième division nationale.
David Robo, qui était assistant social à Ménimur en 1996 se rappelle avoir été présent à chaque match à domicile de l’époque : « Le RC Vannes jouait encore à Jo-Courtel, dans le nord de la ville, en Fédérale 2 puis en Fédérale 1. Le club n’était pas très connu et nous n’étions pas nombreux à assister aux matchs. Mais il a grandi, et a su le faire sans brûler les étapes ».

Le rugby très ancré à Vannes 

Neuf ans en Fédérale 2 puis autant d’années en Fédérale 1 avant l’accession au rugby professionnel, le RCV a une constante : son manager sportif. Jean-Noël Spitzer, arrivé au club à 10 ans, est, depuis 16 ans à la tête de l’équipe première. L’évolution du club, c’est lui qui en parle le mieux : « nous avons longtemps eu un mode de fonctionnement « amateur » avec la présence de nombreux passionnés de rugby. Le niveau de pratique, l’exigence et l’environnement étaient très simples. Progressivement, en Fédérale 1, on a adopté une démarche plus professionnelle jusqu’à accéder au monde pro ».
Et c’est en 2016 qu’il a fallu donner une réelle structure au projet vannetais : « Auparavant, on était dépendant des résultats sportifs et l’on devait faire avec les moyens du bord. Quand on est monté en pro D2, on avait le 12ème budget de Fédérale 1 avec beaucoup de joueurs qui travaillaient à côté des entraînements tous les soirs et un staff qui n’était pas non plus professionnel ». Comme si rien n’était préparé pour que la vague bleue marine et blanche déferle sur les pelouses de rugby professionnel.

 

David Robo, Maire de Vannes depuis 2011 et fervent supporter du RC Vannes depuis l’arrivée du club en Fédérale 2.

 

Et pourtant. Malgré le fonctionnement amateur, certains éléments pouvaient laisser paraître que Vannes allait bien être la première ville Bretonne à posséder une équipe professionnelle de rugby. Car, forte de son passé historique, la ville de Vannes transmet, aussi, cet héritage rugbystique. « Le rugby est très ancré dans la ville depuis longtemps, notamment chez les jeunes Vannetais. Ils pratiquent et connaissent le rugby » appuie Jean-Noël Spitzer qui a lui-même intégré le RC Vannes dès ses dix ans et son entrée au collège.
Car oui, le rugby est pratiqué dans certains collèges de Vannes dont Notre Dame le Ménimur qui abrite la section sportive du RC Vannes.  « Le lycée Lesage est le pôle espoir du RC Vannes depuis trois ans et les espoirs sont également premiers de leur poule nationale » tient à rappeler le Maire vannetais. « le RC Vannes c’est l’équipe première qui est leader de ¨ro D2 mais c’est aussi un club qui compte 500 gamins qui jouent tous les soirs et tous les week-ends. En tant que Maire, la formation importe beaucoup ».

 

 » On n’est pas une équipe de Bretons. On est une équipe multiculturelle qui évolue en Bretagne et qui joue aussi de cette identité « 

 

Au-delà de l’éducation au rugby pour les très jeunes, le RC Vannes puise également sa force dans son identité bretonne qu’elle expose fièrement. Avant la pandémie de Covid-19, l’hymne breton retentissait sous le chant de la foule et des Bagad avant chaque match à la Rabine (le Bro Gozh continue de retentir dans l’antre vannetaise en cette période de huis-clos). Un match où l’on voyait l’Hermine portée sur le logo du club et les lancements de touche effectués en breton. Une forte identité culturelle dans une équipe professionnelle très multiculturelle.
Le coach Jean-Noël Spitzer inclut d’ailleurs cette spécificité dans son management : « On travaille beaucoup sur la culture d’équipe, le fait de créer un environnement naturel autour de l’équipe sur une seule saison. On n’est pas une équipe de Bretons, on est une équipe multiculturelle qui évolue en Bretagne et qui joue aussi de cette identité ». Une sauce « made in Spitzer » qui créé une force collective primordiale au très haut niveau.

 

« On est une équipe de besogneux…On est très centrés sur l’entraînement que d’autres aspects plus clinquants »

 

Le collectif avant l’individu, une des nombreuses valeurs des troupes de Jean-Noël Spitzer. « C’est un club qui ne se la raconte pas mais qui avance. Le RCV a des valeurs d’humilité car il n’est pas dans la communication ni dans l’exubérance, il est dans le travail. Et le travail, ça paie toujours » insiste David Robo. Ce que confirme le manager vannetais : « on est une équipe de besogneux, c’est ce qui nous caractérise. On est très centrés, sur la démarche d’entraînement plutôt que d’autres aspects plus clinquants. La réussite, c’est celle des joueurs qui s’appliquent cette rigueur ».
Et sur ces valeurs de travail, d’humilité et sur la forte place donnée à l’identité bretonne dans le club, Paga Tafili, pilier au club depuis cinq ans, a beaucoup à dire : « Ici, le rugby c’est beaucoup de travail mais aussi le plaisir et l’humilité. Beaucoup de travail car en plus des entraînements par équipe, chacun s’entraîne dans l’ombre pour s’améliorer » révèle le Wallis-et-Futunien. « On se tire vers le haut : si je joue beaucoup, je vais aider mon remplaçant pour qu’il progresse et ce, jusqu’à ce qu’il joue. C’est une force chez nous et qui ressort moins sur les autres clubs. C’est aussi ce qui explique que l’on peut faire tourner l’équipe en gardant un très bon niveau ».

 

Un petit coin de Bretagne dans la France entière 

Ce serait alors une erreur de jugement de penser que l’engouement de la Bretagne pour le RC Vannes ne trouve sa source uniquement dans les résultats. Élu meilleur public de France en 2018/2019, l’engouement régional pour le RC Vannes favorise indéniablement les joueurs pour déplacer des montagnes. Dans un stade de la Rabine situé au centre-ville et en fusion à chaque match, le support est de taille, se souvient Paga Tafili : « Malgré mes cinq ans passés à Vannes, je suis toujours en extase à la Rabine, l’atmosphère me transcende. Tu ne peux pas rester insensible, t’es obligé de te battre pour ça, ça transcende. Puis à la Rabine, il y toute la Bretagne purée ! ».  David Robo, Maire de Vannes en témoigne : « Un Caennais faisait l’aller-retour entre le vendredi midi et le samedi matin rien que pour aller à la Rabine pour chaque match à domicile avant la pandémie ! Venir à la Rabine c’est une fête, un moment de partage extraordinaire ». Et la conquête ne semble pas prête de s’arrêter puisque le RC Vannes « s’exporte tous les 15 jours pour les matchs à l’extérieur » rappelle Frédéric Pinsard qui poursuit : « on a une richesse culturelle importante qui, avec la bonne image que l’on véhicule lors des déplacements, fait parler en bien du RC Vannes dans les grands bastions du rugby français ». Une marque de fabrique corroborée par le Maire :« On voit que le RC Vannes a des bases solides ici et commence à s’exporter en Top 14, donc c’est une vraie réussite ».

 

 » On a une richesse culturelle et une bonne image qui font parler en bien du RC Vannes dans les grands bastions du rugby français  »

 

Le RC Vannes en Top 14 aurait pu paraître une hérésie il y a encore un an mais l’est beaucoup moins désormais. Le projet à long terme, entrepris par le club, est solidement soutenu par la ville de Vannes, une évidence pour son Maire : « La ville a toujours su accompagner le RC Vannes mais c’est surtout grâce au staff et ses joueurs que le club continue à grandir. Et puis, modestement, j’ai aussi fait des choix politiques qui me font me dire qu’ à ma modeste place, j’ai contribué à aider le RC Vannes à accéder à la Pro D2 ». Une implication importante que Jean-Noël Spitzer n’a pas de mal à reconnaitre : « Vannes soutient toutes les associations sportives, de loisir ou de compétition. Au RC Vannes, on a toujours pu compter sur la ville, on a toujours été écouté par la municipalité et même lorsqu’on était amateur, elle était notre premier partenaire ». Comme l’atteste la pose d’un troisième terrain synthétique au stade Jo-Courtel, terrain d’entraînement du RC Vannes. Ce qui permettra aux 22 équipes du RC Vannes de s’entrainer dans de bonnes conditions et épargnera les joueurs professionnels de voyages quotidiens à Grand-Champ qui a mis son terrain synthétique à disposition de l’équipe.

 Jean-Noël Spitzer, meneur de projet idéal

Si le projet vannetais a pris autant d’ampleur, c’est qu’il a à sa tête, un véritable meneur : Jean-Noël Spitzer, actuel manager de l’équipe première. Arrivé au club à l’âge de neuf ans, il a pris la tête de l’équipe première en 2005 à la suite de sa carrière de joueur (au RC Vannes, évidemment). « C’est un homme qui a beaucoup donné pour ce club et qui donne encore beaucoup. Il y a cru et a fait croire à tout le monde que Vannes pouvait aller en Pro D2. Si on en est là, aujourd’hui, c’est grâce à lui. C’est un très grand coach, un porteur de projet. Il sait ce qu’il fait, ce qu’il veut et il sait comment parler à ses hommes » dévoile Paga Tafili. Mais ne lui parlez pas de statue devant la Rabine si son équipe monte en Top 14 : « Cela ne m’apportera pas de fierté personnelle car je suis inscrit dans le projet, cela ne change rien que je sois là depuis longtemps confie-t ’il. Je suis là pour respecter les ambitions très élevées que l’on s’est fixées. Je ne suis pas un vrai sentimental, je suis froid avec les émotions ».

 

Jean-Noël Spitzer, véritable leader du projet Vannetais, est au club depuis ses 10 ans. Crédit photo : RC Vannes

 

Tous les voyants sont au vert avant la demi-finale d’accession au Top 14 qui se disputera à la Rabine le dernier week-end de mai. Une fin de saison qui pourrait marquer l’Histoire du club et à laquelle Paga Tafili se réjouit de prendre part : « Ce serait un rêve d’atteindre le Top 14 et cette année, j’y crois très fort, je vais tout donner pour faire partie de ceux qui vont marquer l’Histoire de la Bretagne pour être le premier club à accéder à l’Elite ». David Robo préfère nuancer cette ambition grandissante : « En tant que supporter, j’aimerais que le RC Vannes monte en Top 14 mais, le Maire que je suis, pense qu’il faut continuer à grandir en Pro D2. Les exemples d’Agen et Brive nous montrent qu’une montée trop rapide peut être une mauvaise idée ».

Et si la montée en Top 14 n’est pas obtenue en fin de saison, le RC Vannes aura tous les fondements pour y arriver au moins à moyen terme car, une chose est sûre, le cœur ovale du RC Vannes continuera à battre longtemps.

 

 

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