VACCIN : COMMENT EN SOMMES-NOUS ARRIVÉS LÀ ?

Conditions de travail dans les hôpitaux particulièrement difficiles, campagne de vaccination parfois incohérente, politique européenne et française critiquées ; après plus d’un an à lutter contre la Covid-19, il est temps de faire un premier bilan sur la gestion de cette crise. Si la France est ouvertement sur la sellette pour les décisions prises, elle n’est pourtant pas le pays affichant le pire bilan.

Reprenons. 12 mars 2020. L’information tombe : écoles, collèges, lycées et universités vont devoir fermer leurs portes pour une durée indéterminée. Le 14, c’est au tour des bars et restaurants de clore les lieux. Pendant près de deux mois, la France va vivre au ralenti, confinée, à grand renfort de télétravail, d’attestations et de restrictions. Une première depuis la Seconde Guerre mondiale.

S’ensuit un ballet de déclarations toutes aussi politiques qu’incohérentes. A commencer par celle de Sibeth N’diaye : “Les Français ne pourront pas acheter de masques dans les pharmacies parce que ce n’est pas nécessaire quand on n’est pas malade”. Chacun leur tour, Olivier Véran, Gérald Darmanin, Elisabeth Borne, Christophe Castaner, … y vont de leurs petites phrases visant à discréditer les masques.

Valse des annonces

Néanmoins, après huit semaines, le gouvernement change de position. A l’aube du déconfinement, les masques deviennent quasi-obligatoires partout, pour tous. Entre le 11 et le 14 mai, le déconfinement est annoncé tout comme la reprise des cours et des sports collectifs. Seules les universités ne sont pas autorisées à reprendre. Les partiels se déroulent à distance. C’est le début d’une gestion qui posera beaucoup de questions du côté des étudiants.

Mais ils ne sont pas seuls à remettre en question les mesures prises par le gouvernement. Le personnel soignant se montre aussi surpris. Surtout par ce qui s’est passé l’été dernier : “On se doutait que la pandémie allait revenir” argumente Delphine. “Les infirmières voyaient leur stress augmenter. Les personnes âgées n’étaient pas prioritaires. On a un peu eu le sentiment d’avoir été abandonnés« . Et la peur d’attraper à nouveau le virus était présente. Le manque de matériel en début de pandémie a été tout particulièrement problématique pour les soignants : “En octobre, avant de parler de Covid, on avait déjà des manques de masques en prévision de la grippe. Cette dotation, on ne l’a jamais reçue”.  D’autant plus qu’à partir du 20 août, les chiffres concernant la Covid-19 inquiètent. L’épidémie repart à la hausse. En conséquence, le masque est rendu obligatoire dans tous les lieux clos et progressivement pour tous les déplacements extérieurs. Pour les vacances de la Toussaint, un couvre-feu localisé est mis en place. Puis à partir de novembre, la France se retrouve à nouveau confinée jusqu’aux vacances de Noël. Entre couvre-feu, confinement, re-couvre-feu et re-confinement, les Français en ont assez. L’unique espoir de sortir de la pandémie : le vaccin. Pfizer/BioNTech, AstraZeneca, Johnson&Johnson et Moderna sont les seuls à pouvoir enrayer la Covid_19 à l’heure actuelle. Mais cela reste très “fragile” en raison des opinions françaises qui restent partagées sur la question du vaccin.

Une politique française menée par l’Europe

Aujourd’hui la situation sanitaire n’a guère évolué. Bien que des décisions plus strictes comme le couvre-feu et la fermeture de certains petits commerces dits “non essentiels” aient été annoncées, le nombre de cas positifs ne descend pas et repart même à la hausse. Alors comment faire pour contrer ou en tout cas freiner le virus ? : “la seule solution c’est le vaccin” affirme un biologiste spécialisé. L’objectif du gouvernement est que d’ici la fin de l’été, “tous les Français qui le souhaitent se soient fait vacciner” déclarait E. Macron en février dernier. Si nous ne remettons pas en doute l’intention du président, nous pouvons tout de même nous questionner sur la faisabilité. Il est évident que la lourdeur administrative française mais également celle de l’Union européenne ont freiné l’efficacité de la campagne de vaccination sur le territoire.

A cet échec, s’ajoute celui des instituts de recherche français et de l’institut Pasteur “Il y a peut-être eu un manque d’investissement dans la recherche. Je trouve frappant que la France possède des laboratoires industriels pharmaceutiques, leader mondial dans la fabrication des vaccins mais que nous ayons échoué”. La France, donc, incapable de fournir un vaccin efficace alors qu’elle domine pourtant dans ce secteur, se voit dans l’obligation de dépendre d’autres laboratoires et d’autres pays pour vacciner sa population.

L’imbroglio AstraZeneca

Au-delà du retard pris sur la campagne de vaccination – si l’on compare à d’autres pays – la crédibilité de certains vaccins actuellement sur le marché est sur la sellette. Pfizer – BioNTech, premier vaccin mis en route sur le marché, n’a pas mis de temps à convaincre. Selon une étude, presque 600 000 personnes ont reçu au moins une dose de ce vaccin. Estimé à 95% d’efficacité, ce vaccin est donc fort logiquement celui qui est le plus utilisé et ce loin devant les autres, même si, dans certains cas, des effets secondaires se font ressentir juste après la seconde dose. “La première dose je n’ai rien ressenti après (…) par contre on dit qu’on ressent plus la deuxième et cela est vrai mais cela dure au maximum une journée”.

Du côté des deux vaccins américains, d’abord Moderna, il reste peu utilisé en France car son utilisation ne consiste pas à “tuer” le virus mais plutôt à éviter les formes graves et en raison de son prix, environ 12$ plus élevé que le Pfizer/BioNTech. Pour Jensen, du laboratoire Johnson & Jonhson, il est tout récent et donc encore peu utilisé. Les médecins préfèrent aujourd’hui privilégier le Pfizer car son rôle est le même. En revanche, le vaccin AstraZeneca a posé beaucoup plus de problèmes.

En effet, le 15 mars 2021, le gouvernement français retire le vaccin britannique de la campagne de vaccination. Après plusieurs pays, dont le Danemark, l’Allemagne et l’Irlande, la France se rend à l’évidence et les quelques cas de thromboses et effets secondaires non-connus, potentiellement liés à l’injection d‘un lot du vaccin, ont forcé les équipes sanitaires à pousser les enquêtes sur AstraZeneca. Après quelques études approfondies, le laboratoire britannique s’est vu confier le droit de continuer de produire ces doses puisqu’elles seront administrées dans les pays de l’UE. La proportion de Français déjà réticents à l’idée de se faire vacciner a largement augmenté après cet imbroglio. Mais la campagne de vaccination en France repose essentiellement sur ce vaccin britannique. Et pour cause, son coût s’avère bien moindre que les doses américaines. La campagne centralisée de l’Union Européenne a débouché sur une négociation de tous les prix des vaccins. Contrairement au Royaume Uni ou aux USA, qui ont payé rapidement les doses pour être sûrs de posséder les vaccins, l’UE a fait baisser les prix avant de posséder les vaccins. Ce qui explique en partie ce grand retard dans le taux de personnes vaccinées en Europe. En comparant le Royaume-Uni et la France, on se rend compte que les britanniques ont vacciné la moitié de la population alors que seulement 19% des Français ont reçu leur première dose.

Passeport vaccinal : Une bonne idée ?

Afin de revenir à la normale, le gouvernement réfléchit de plus en plus à la mise en place d’un passeport vaccinal. L’idée est de permettre à toutes les personnes vaccinées de pouvoir revenir progressivement dans les cinémas, restaurants, concerts et tout autre lieu public. Pour le moment rien n’a encore été officialisé mais le projet passerait par le numérique et un code digital attribué à chaque personne vaccinée, ainsi les forces de l’ordre n’auraient qu’à contrôler leurs passeports juste en flashant, ce qui est plus pratique et plus rapide.

Cependant, il faudra tout de même le faire accepter aux Français, et cela ne sera pas chose aisée. Le risque est de creuser le fossé déjà existant entre les citoyens et le gouvernement mais aussi les personnes vaccinées et non vaccinées. Le biologiste interrogé pense que “le danger est que la société se coupe en deux : vaccinés / non vaccinés, avec ceux vaccinés qui pourront sortir, aller au restaurant et le reste qui en sera empêché”. Pourtant, dans un contexte difficile aujourd’hui, l’enjeu n’est pas de séparer les Français mais au contraire, de rester soudés. Et c’est le reproche majeur formulé à l’encontre de ce projet. En plus d’augmenter la fracture entre les Français, le passeport vaccinal réduit une nouvelle fois les libertés individuelles et un certain ras le bol déjà existant pour plusieurs raisons (confinements, couvre-feu, fermeture des commerces non essentiels, etc) pourrait se transformer en véritable colère à l’encontre du gouvernement.

Alors quelle statégie utiliser pour Emmanuel Macron dans l’optique des prochaines élections présidentielles de 2022 ? Mais ça, c’est un autre sujet…

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