INCESTE : SECRET DE FAMILLE

Il y a trois ans, circulait sur les réseaux sociaux – l’hastag me too – suite à l’affaire Weinstein. Ce mouvement dénoncait les abus sexuels et libérait la parole des victimes jusque-là impuissantes.

Depuis mi-janvier, c’est #metooinceste qui prend le relai de la libéralisation de la parole. Des milliers de personnes sortent du silence pour dénoncer les agressions sexuelles au sein de leur propre famille.

Impossible de passer à côté, ce mouvement a pris une telle ampleur qu’il y a eu pas moins de 80 000 témoignages en à peine deux jours, à tel point que des personnalités publiques tel que Samuel Etienne ou encore des personnalités politiques de tout bord comme Aurore Bergé (LREM) ou Daniel Obono (FI) ont réagi à ces nombreux témoignages pour adresser leur soutien aux victimes.

L’élément déclencheur de ce mouvement est la parution du livre « La familia grande » dans lequel, l’auteure, Camille Kouchner, une avocate et juriste française, dénonce les violences incestueuses que son frère jumeau a subi de la part de son beau-père Olivier Duhamel, célèbre politologue français. Un ouvrage choc qui a brisé l’omerta sur les violences incestueuses au sein de notre société.

Même Jack LANG, ancien ministre de la culture et de l’éducation nationale, s’est indigné de ces crimes odieux « C’est une honte ce qui a été accompli par Olivier Duhamel, il n’y a pas de mot pour designer l’inceste et la pédophilie. Cela me révolte d’autant plus que je l’ai connu comme collègue, je suis professeur de droit comme lui. Nous avons participé ensemble à la réforme constitutionnelle de Nicolas Sarkozy « . Pourtant, Mr LANG avait, en 1977, signé une tribune visant à dépénaliser la pédophilie. Il s’explique par un simple « c’était une autre époque » !

A l’heure où je vous parle, selon une étude, entre 5 et 10% de la population ont déjà été victimes d’inceste. Un chiffre qui fait froid dans le dos et pourtant personne n’en parlait… jusqu’à aujourd’hui… « J’avais 4/5 ans et il en avait 9 de plus que moi, c’était mon demi-frère #metooinceste », « J’avais 9 ans. Prisonnière de ses mains et de son corps pendant 5 ans. Ma vie brisée, sous le poids de ses actes, mon corps trop impuissant, écrasé, mon frère m’a violée. #metooinceste ». Voilà quelques exemples des atrocités que l’on peut lire sur les réseaux sociaux, une parole qui se libère enfin pour des personnes qui ont gardé le silence et qui n’ont pas pu se reconstruire pendant des années.

Le problème, est que certains agresseurs ne pourront sans doute jamais être condamnés à cause du droit de prescription, qui est encore de vingt ans après la majorité. En clair, les victimes d’agression sexuelle ont jusqu’à 38 ans pour se manifester. Au delà, leurs plaintes ne pourront plus aboutir. Toutefois, depuis la loi Schiappa du 6 août 2018, ce délai a été repoussé à 30 ans après la majorité du mineur victime de viol, mais cela ne concerne que les viols et non les « délits sexuels » (tout ce qui peut être fait en dehors de la pénétration…). C’est en raison de cette prescription que de nombreuses personnes, qui sont sorties du silence, ne peuvent plus porter plainte contre leur agresseur. Le plus souvent, ils ne parlaient pas en raison d’une culpabilité pernicieuse que décrivent les victimes. « J’avais 10 ans et mon oncle 18. J’ai culpabilisé pendant des années parce que je pensais que c’était ma faute » mais aussi à cause de la pression familiale qui ne voulait pas « avoir d’ennui » pour ne pas ternir l’image familiale, quitte à voir votre enfant se détruire de l’intérieur. Et surtout, les victimes de ces incestes sont, la plupart du temps très jeunes et ne se rendent pas compte de ce qu’on leur a fait.

Heureusement, grâce à ce mouvement, les langues vont enfin se délier, la parole va enfin pouvoir être libérée et les agresseurs vont enfin arrêter de vivre en toute impunité sans affronter les conséquences de leurs actes. Certes, le temps s’est écoulé mais ce n’est pas pour autant que les victimes se sont reconstruites, ce n’est pas pour autant que ces personnes doivent restés impunies. Certains pourraient voir cet hashtag comme la dernière tendance sur les réseaux mais c’est bien plus que cela, c’est un moyen de faire bouger les choses afin que justice soit faite et que la peur, la honte et le désespoir des victimes se fassent entendre.

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