GASPILLAGE ALIMENTAIRE : QUE RESTE-IL ?

Le gaspillage alimentaire, trop bien connu, mais pourtant toujours présent. Car oui, dix millions de tonnes ! dix milliards de kilos ! C’est le poids du gaspillage alimentaire, chaque année, en France. Des pertes de nourriture déconcertantes lorsque l’on sait que 800 millions de personnes dans le monde font face à la sous-nutrition. Un gâchis qui se retrouve dans tous les maillons de la chaîne de distribution alimentaire.

 

Une notion sans définition

Aujourd’hui, il n’existe pas de définition commune aux pays du monde ni à ceux de l’Union européenne par rapport à cette notion malheureusement connue de tous. Bien que décrit dans le Pacte national « anti-gaspi’ » de 2013 visant à réduire de moitié le gaspillage alimentaire à l’horizon 2025, celui-ci correspond à « toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à une étape de la chaîne alimentaire, est soit perdue, soit jetée, soit dégradée ».

C’est pourquoi il est important de faire la nuance entre gaspillage et déchets alimentaires ! Puisque ces deux termes n’englobent pas exactement les mêmes idées. Trop souvent confondues, les déchets alimentaires comprennent tout ce qui est considéré comme inévitable. C’est notamment le cas des coquilles d’œufs ou encore des peaux de banane. Tandis que, le gaspillage alimentaire, représente tout ce qui peut être évité.

Dans les faits

Selon une étude de l’ADEME[1] datant de 2016, « 18% de la production alimentaire destinée à la consommation humaine est gaspillée chaque année ». Ces pertes se répartissent ainsi : 32% lors de la production agricole, à 21% lors de la transformation des produits, à 14% lors de leurs distributions, à 14% lors de la restauration (que celle-ci soit collective ou commerciale), et enfin à 19% lors de la consommation à domicile.

Comme on peut le constater, ce sont tous les secteurs d’activités qui sont donc concernés par le gaspillage à leur niveau. Les raisons sont les suivantes : surproduction, critères de calibrage, rupture de la chaîne du froid, mauvaise gestion des stocks, déséquilibre entre l’offre et la demande, date de péremption trop courte…

Ainsi, Vannes n’est pas épargné et les commerces de la chaîne agro-alimentaire font aussi face à ce fléau. Gauthier, un jeune apprenti boulanger à Baden témoigne : « les produits frais non utilisés (pour les sandwichs ou les gâteaux de la pâtisserie) sont jetés. Il n’y a aucune solution de mise en place pour éviter de les mettre à la poubelle ». Il a bien sûr le droit, comme tous les autres employés, d’emporter quelques produits chez lui lorsque ceux-ci ne sont pas vendus et ne peuvent pas être mis au congélateur. Mais rien ne l’empêche d’avoir ce « goût amer de tout devoir jeter dans les poubelles souvent trop pleines ». Pourtant, il explique et rappelle « la possibilité pour les fermiers ou les clients, d’emporter chez eux les sacs de pains rassis » qui sont donnés gratuitement, il suffit d’en demander à la caisse.

Pour ce qui est des grandes surfaces comme Super U, Leclerc ou encore Intermarché, elles sont interdites, depuis la loi de lutte contre le gaspillage de 2013, portée par le député socialiste Guillaume Garot et adoptée à l’unanimité au Sénat : en effet, il ne leur est plus possible de jeter ou de détruire la nourriture consommable invendue et ont l’obligation de signer un protocole avec une association de solidarité afin de faciliter les dons alimentaires.

Le soutien d’acteurs locaux et solidaires

Pour autant, de nombreux acteurs se sentent concernés et sont impliqués pour faire face à ce problème, c’est notamment le cas des associations. Les restos du cœur de Vannes, sont composés de bénévoles qui, comme dans tout le pays, apportent une assistance aux personnes démunies, notamment dans le domaine alimentaire par l’accès à des repas gratuits. Ces repas luttent contre le gaspillage alimentaire depuis bien longtemps. « Cela fait plus de dix ans que nous récupérons dans les magasins les produits qui sont arrivés en fin de vie » explique Phillipe Lorho, président de l’antenne vannetaise. C’est lui-même qui était allé « prospecter » auprès de tous les supermarchés locaux.

Grâce à cela, Les Restos du Cœur de Vannes peuvent recevoir jusqu’à « quatre voire cinq tonnes de marchandises chaque semaine » qui ne finiront pas à la poubelle. Désormais, il lui arrive même d’observer un changement de comportements de la part des magasins. Ils ont tendance à faire plus attention aux déchets. « Dans les faits, ils commandent moins auprès de leurs fournisseurs ». Par ailleurs, il raconte que, d’une manière générale, ces grandes surfaces n’ont aucun problème à donner « d’autant plus qu’ils bénéficient de remise fiscale ». Hormis la grande distribution, les entreprises industrielles du secteur alimentaire agissent aussi pour lutter contre le gâchis de nourriture. Actuellement en partenariat avec « D’Aucy », Les Restos du Cœur reçoivent 30 000 boites de conserves par an.

D’autre part, il existe une convention entre les restaurants du cœur et l’atelier boucherie du Centre de Formation d’Apprentis de Vannes. « L’association récupère de la viande auprès de Métro (un magasin grossiste) que les bénévoles transportent au CFA et eux la transforment dans le cadre de leurs formations ». Ainsi conditionnée dans des barquettes, elle peut-être redistribuée sans avoir provoqué de pertes.
Malheureusement, les petits restaurants sont moins sensibles au fait de pouvoir donner. Effectivement, la chaîne de froid ne pouvant pas être interrompue, il est trop difficile de conditionner les aliments ne terminant pas dans nos assiettes.

Finalement, les particuliers ont aussi la possibilité d’agir. Avec « Too good to go », une application mobile lancée en 2016, qui met en relation des commerçants ayant des invendus en fin de journée, avec ses utilisateurs. D’après Ouest France, en février 2020, il y avait « 28 commerçants partenaires à Vannes, pour quelque 5 000 utilisateurs ». Depuis juin 2018, ce sont 25 000 paniers repas qui ont été sauvés localement.

 En savoir plus en quelques chiffres :

  • « Jeter une baguette de pain, c’est laisser se vider une baignoire entière, jeter un kilo de viande de bœuf, c’est 15 000 litres d’eau gaspillés » (ces chiffres correspondent à l’empreinte d’eau nécessaire à la production, lors de l’élevage ou de de culture), a lancé en décembre 2015 Jean-Pierre Decool (député Les Républicains), ajoutant que le gaspillage alimentaire représente chaque année en France « 56 repas par foyer ».
  • Au niveau national, les pertes et les gaspillages alimentaires représentent dix millions de tonnes de produits par an, soit une valeur commerciale estimée à seize milliards d’euros.
  • Le gaspillage alimentaire a aussi des effets néfastes sur l’environnement. Selon France Nature et Environnement, une fédération d’associations environnementales, l’empreinte carbone annuelle du gaspillage alimentaire serait de près de 15,5 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an en France, rien d’étonnant lorsqu’on sait que l’alimentation représente à elle seule 36% des émissions nationales de gaz à effet de serre.

 

[1] L’agence de la transition écologique, anciennement appelé « Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie ».

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