DROIT DE RÉPONSE A ZONE INTERDITE : LA PROTECTION A L’ENFANCE, UNE REMISE EN QUESTION NÉCESSAIRE ?

Dimanche 19 Janvier, M6 diffuse un nouveau reportage choc dénonçant les dysfonctionnements de l’aide à la protection de l’enfance en France. Un séisme. Violence, prostitution, drogue, un constat préoccupant qui fait grand bruit. Comment de telles défaillances ont-elles pu s’installer au sein d’une institution à la politique sociale forte ? Quelle est la vérité cachée derrière ces dénonciations ?

Après une année d’investigation, c’est un lourd documentaire qui a conduit les journalistes de la chaine à s’infiltrer en caméra cachée dans plusieurs foyers accueillant des enfants placés. Un tableau sombre se dessine. Nous pouvons y voir un reporter embauché sans aucun entretien, plus tard chargé de la distribution des médicaments sous aucun contrôle d’infirmier et pire parfois sans vérification du casier judiciaire. C’est aussi l’histoire de jeunes filles de 13 ans se prostituant à la sortie du foyer d’Avignon, les proxénètes les attendant au portail de celui-ci. Des dérives stupéfiantes, conséquences d’une politique publique chancelante.

Des mesures préventives ?

Officiellement, selon une étude provenant de la Haute Autorité de Santé, les Conseils départementaux déclarent la mise en place des mesures administratives visant à protéger les enfants en danger.

En 2014, ce même service assure consacrer 7,7 milliards à la politique de la protection de l’enfance, soit 28% de la dépense d’aide sociale. Ce budget important est-il réellement appliqué de manière pertinente ? Sur le terrain, la vérité est toute autre.

« Clairement le système de protection de l’enfance manque de moyens. Nous avons eu une réalité qui le démontre. Quand on voit que des enfants de 14 ans sont mis dans des hôtels sociaux par manque de place dans les foyers ça interroge. » Karine Le Landec*, bretonne d’origine a travaillé durant trois ans en fonction d’éducatrice dans un foyer parisien. En fonction oui. Car elle l’assure « Je ne dispose pas de diplôme d’éducatrice je suis diplômée conseillère en économie sociale et familiale. J’ai postulé à différents endroits à Paris et j’ai été prise à ce poste. Je n’avais pas d’idée précise mais ce foyer recherchait un travailleur social au sens large du terme ». En effet, il est à noter que les candidats au poste se font de plus en plus rares. « Il y a énormément de turn-over dus aux difficultés du métier : les contraintes horaires, le public complexe. On ne peut y rester des années, encore moins une carrière entière, c’est un rythme épuisant ». Des éducateurs qui tentent d’agir dans l’intérêt de l’adolescent mais qui ne possèdent souvent pas les clés pour y parvenir. Manque de formation, carence financière, des défaillances qui poussent parfois à des situations complexes et ingérables. Sur les cas de prostitution rapportés en caméra cachée par l’équipe d’M6, Karine raconte : « il est vrai que dans certains foyers nous avons affaire à des situations de prostitution, ce n’est pas un mythe. Mais les éducateurs ne sont pas formés à ce cas de figure, il est très délicat de l’appréhender avec un jeune qui pense maîtriser son corps ». La Bretonne travaille désormais au sein d’un centre d’hébergement pour femmes en situation de prostitution. Elle assure que des évolutions apparaissent et que ses collègues interviennent désormais auprès d’éducateurs afin de les préparer au mieux à ces problématiques. De les sensibiliser aussi. « Pour ne pas prendre le jeune de front, car ce n’est pas comme ça que ça marche » dit-elle.

La prostitution oui. Mais la violence aussi. Dans plusieurs foyers différents, Zone Interdite dévoile des séquences saisissantes de haine. À peine visionnables. « Je n’ai pas fait face à ce type de débordements. Il est vrai que des disputes éclataient quotidiennement mais cela ne prenait pas d’ampleur inconsidérée, on apprend à temporiser » assure-t-elle. Des mots rassurants qui font état des situations singulières et propres à chaque foyer.

Des foyers aux portes closes

Ce sera l’unique interview accordée, non sans efforts. Des professionnels dans la tourmente qui se renferment face à une quelconque discussion. « Les retombées ont été frappantes. Les réactions sur les réseaux sociaux ont été vives. C’est difficile de se positionner car c’est notre métier, il ne faut pas tout généraliser sans décrire le monde des bisounours en évinçant les défaillances que l’on connait tous. Je pense que certaines personnes préfèrent s’autocensurer plutôt que de créer la polémique » explique l’ancienne éducatrice.

Cependant, les failles évidentes n’écartent pas les témoignages aux perspectives positives.

« Je suis arrivée au foyer Claire Amitié à Troyes en octobre dernier, ils m’ont sortie de la rue, réinsérée sur le chemin de l’emploi ». Après avoir quitté le foyer maternel prématurément, Mélodie*, 18 ans, est retournée vivre chez son père, à qui elle n’avait pas parlé depuis de nombreuses années. Des relations tendues avec sa belle-mère l’ont contrainte à partir en urgence. Une nouvelle fois : « Je n’avais nulle part où aller, j’étais livrée à moi-même » affirme-t-elle non sans émotion. Son arrivée à Claire Amitié fut un soulagement : « je n’avais pas d’autres choix, c’était ma dernière solution ». Contrairement au portrait d’M6 dépeignant des jeunes déscolarisés et laissés à l’abandon Mélodie décrit des journées bien remplies. « J’ai intégré la Garantie Jeune depuis peu, c’est un dispositif mis en place par la Mission Locale. Je passe donc mes journées à l’extérieur du foyer selon mon planning. Au sein de la Garantie Jeune nous nous appliquons dans différents ateliers pour trouver du travail. CV, lettre de motivation, des réunions appelées expériences positives pour nous intégrer au monde professionnel. Avant cela, j’ai effectué un service civique dans une radio locale, j’étais animatrice radio. ».

Mélodie a évolué à travers ce système qu’elle juge « perfectible mais efficace la concernant ». « Je n’ai pas été toujours facile avec les éducateurs c’est vrai, je leur en ai fait baver mais ils ont su garder leur calme et être à mon écoute malgré tout ». Aujourd’hui la jeune femme a quitté le foyer pour se réinsérer dans « la vie d’adulte » comme elle l’appelle. Une vie qu’elle veut désormais mener seule. Un témoignage aux antipodes du tableau délétère dressé par l’émission d’M6. Rempli d’espoir. Un discours rassurant qui dessine une éclaircie parmi les nuages.

*Noms d’emprunt car les interviewées n’ont pas souhaité témoigner à visage découvert

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