TEMOIGNAGE D’UN JEUNE AGENT DE POLICE

En poste dans le commissariat d’une grande métropole française, un policier, sous couvert d’anonymat, a accepté de répondre à nos questions. Violences policières, lien brisé avec la population, amalgames généralisés… Il lève le voile sur les problèmes avec les forces de l’ordre en France.

 

L’affaire Michel Zecler a réveillé de vives tensions entre les forces de l’ordre et une partie de la population. Quelle a été ta réaction après avoir découvert la vidéo puis le tourbillon médiatique qui s’en est suivi ?

« Le fait de « balancer » une grenade lacrymogène dans le studio de Michel Zecler est une énorme faute, le bâtiment aurait pu prendre feu…  Quoi qu’il ait pu faire, rien ne justifie cette violence. Sur une longue durée, et avec excès, c’est une violence illégitime.

Mais je souhaite ajouter que les termes de bavures et de violences policières utilisés dans les médias me gênent, je préfère parler de violences légitimes et illégitimes. Quand un individu se rebelle contre toi, te met des droites, toi aussi tu dois te défendre. Pour moi, cela s’appelle de la violence légitime. »

Dans ces situations-là et en plein dialogue sur la Loi « sécurité globale », quel rôle jouent les caméras et les vidéos amateurs ?

« Il faut savoir que l’on se fait filmer en permanence, à chaque intervention, tout le monde est à sa fenêtre avec son portable. On ressent un sentiment spécial ainsi qu’une forte pression puisqu’à chaque fois, les gens autour de nous se disent : « Lui (le policier) il va faire une c…, il faut que je filme »… On ne fait que contrôler et tout le monde pense qu’il va y avoir « bavure ». »

« La réalité c’est que peu de gens ont confiance en nous »

 

Comment cette attitude de la population est perçue dans les rangs des forces de l’ordre ?

« Ça reste dérangeant en général, très dérangeant pour certains collègues, pour moi peut-être un peu moins. Mais à propos des rebellions que j’évoquais précédemment, il y aura forcément des personnes qui vont mettre des vidéos en ligne. Et certains vont montrer la vidéo à partir du moment où on se défend, forcément, cela va être interprété comme des violences illégitimes, des « bavures ». »

Serait-ce un symbole de la défiance totale entre les deux parties ?

« Quand on est incessamment filmés, on a l’impression qu’il n’y a presque pas de lien de confiance entre la population et les Forces de l’ordre. La réalité c’est que peu de gens ont confiance en nous. »

Comprends-tu ce constat ?

« Le syndicat Alliance atteste que 99,96% des interventions se passent bien, sans violence de part et d’autre. Seulement, dans les médias, sur les réseaux sociaux on montre les 0,04% des interventions qui se terminent mal et les gens les retiennent davantage. Je comprends, c’est normal car on croit ce que l’on voit… Mais la réalité est mal diffusée. Par exemple, concernant l’intervention policière sur les migrants à Paris, il ne faut pas croire que les policiers aient fait ça par plaisir, il s’agissait d’un ordre hiérarchique, d’une obligation. Et si les policiers n’exécutent pas l’ordre de leur supérieur, ils peuvent avoir une sanction, comme dans toutes les organisations. Il y a une pression subie et les gens voient ce qu’ils veulent voir, des amalgames se créent. Il ne faut pas tout mettre sur notre dos. »

 

« Malgré tout, j’adore mon métier »

Sur les réseaux sociaux, on voit souvent le #ACAB, All Cops Are Bastard (tous les policiers sont des bâtards), c’est cet amalgame là que tu regrettes ?

« ACAB ça veut plutôt dire “All cops are beautiful” non? (il rigole).

L’amalgame c’est de dire que tous les policiers sont racistes ou violents, tous extrémistes, l’erreur de l’opinion publique se situe peut-être dans cette idée un peu grossière. Pour autant, certains policiers peuvent également faire des amalgames et accuser les minorités de tous les délits. Il y a des raccourcis des deux côtés comme souvent. »

Comment imagines-tu la suite de ta carrière dans la police ?

« Je veux continuer mon boulot, sans écouter toutes les critiques, mais cela pose questions de voir qu’autant de monde n’aime plus la police, n’a plus confiance en nous. On est là pour aider et j’adore mon métier. Quand on se rend sur des scènes de cambriolages interpeller les individus, protéger la population etc, c’est une juste cause et c’est pour toutes ces bonnes raisons que je voulais être flic. »

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