REINSERTION SCOLAIRE, REFUSER LA STIGMATISATION

Ils sont des dizaines de milliers en France, et le chiffre tend à augmenter. Les enfants déscolarisés sont de plus en plus nombreux, en particulier parmi la nouvelle génération. Manque d’envie, harcèlement, choix des parents, les raisons sont multiples pour les collégiens et lycéens. Il convient de ne pas laisser ces enfants de côté car au total ce ne sont pas moins de 260 000[1] étudiants français qui suivent une formation professionnelle. (Moins d’1 % de déscolarisés par âge avant 14 ans, 1,5% pour les jeunes de 14 et 15 ans puis pratiquement 5% pour les adolescents de 16 ans).

Classes à Vannes

C’est pourquoi divers établissements ont ouvert des classes de réinsertion. A Vannes l’ICAM propose une classe de production mais également le CFA et le lycée Saint Joseph, des parcours professionnels et/ou en alternance.

« Il faut comprendre ces jeunes qui ne veulent plus aller à l’école » explique Arthur*, élève de la filière production à l’ICAM de Vannes. Il y a toujours une raison derrière « cette période étrange et parfois compliquée » et chaque jeune a une raison particulière. « En ce qui me concerne, lorsque je suis arrivé à l’ICAM, les encadrants ont été compréhensifs par rapport à mon parcours, ils ne jugent pas ». Et il est certain que  parmi les causes de ces « décrochages » le regard des autres est une donnée qui revient souvent et qui évidemment peut causer d’importants dégâts à l’adolescence. « Avoir le soutien des enseignants est un plus et je pense que tous les élèves qui ont vécu ce processus de déscolarisation pourront dire de même. Selon les responsables, l’objectif est de redonner le goût d’apprendre aux élèves ».  Concrètement, l’emploi du temps est organisé de manière à avoir cours le matin et à produire l’après-midi afin de redonner du sens au savoir. D’accord mais produire quoi ? La classe de production se spécialise dans la fabrication de pièces grâce à l’imprimante 3D de l’école. Ces pièces sont ensuite vendues à des entreprises, liées par un contrat à l’ICAM. Pour les élèves c’est « une nouvelle occasion d’apprendre » nous confie Arthur, qui effectue sa première année au sein de la classe. Cela faisait deux années qu’il était déscolarisé. La perte d’envie fut pour lui sans doute liée aux moqueries connues au collège, une des causes souvent retenues quant aux « déscolarisations ». Peu importe, en ce qui le concerne, l’étape est passée et ce nouveau chapitre lui plaît. Mieux encore qu’une réinsertion, l’ICAM propose plusieurs diplômes au sein de cette filière, allant de BAC à BAC+2 avec la possibilité d’obtenir un DUT ou un BTS. Les parcours non généraux donnent une chance à ces élèves, il y a du concret derrière la théorie et cette manière de voir les choses correspond parfois davantage à certains enfants.

Pour de nombreux jeunes qui vivent sereinement cette nouvelle étape, pour d’autres, ce n’est pas toujours aisé. En effet, derrière ces effectifs en formation professionnelle se cache parfois beaucoup de mal-être. Pour Stéphanie Nizan, enseignante avec des élèves du tertiaire, la très grande majorité de ses élèves n’ont aucune motivation pour venir suivre cet enseignement car « ce sont des jeunes qui n’ont aucun appétit scolaire, ils rêvaient globalement de s’orienter vers l’enseignement général pour ne pas être stigmatisé par rapport aux autres ». Oui, le problème vient effectivement de là. Pourquoi les étudiants en parcours autre que général seraient-ils différents ? Depuis toujours en France, le bac pro est considéré comme moins glorieux que le général. La société ayant baissé, sans doute inconsciemment, la reconnaissance d’un diplôme professionnel, les élèves se sentent inférieurs aux autres. « Chez certains se développe un sentiment d’infériorité, parfois présent également au sein de leur propre famille avec les frères et sœurs. » Pour autant, l’enseignante insiste sur le fait que le parcours professionnel n’est pas un cadeau pour les adolescents, qu’il est nécessaire de tout faire pour les mettre en confiance, ils n’attendent souvent que ça mais sont parfois trop fiers pour le reconnaître. « Certains élèves sont arrivés en seconde très abimés par les années collège, persuadés d’être bons à rien et deviennent de bons élèves en bac professionnel parce qu’ils ont trouvé leur place. »

Chacun doit trouver sa voie

Personne n’est bon à rien mais tout le monde ne trouve pas sa place aussi facilement. Les moqueries ne cesseront jamais de faire des dégâts dans les cours de récréation mais les élèves doivent poursuivre leur objectif malgré l’adversité. Dans certains cas, le parcours professionnel est décidé très jeune. C’est d’ailleurs la situation de Valentin Gatinel, menuisier de 24 ans, qui possède aujourd’hui son entreprise après avoir suivi une formation au CFA de Vannes. Choisir ce parcours était une évidence puisque depuis tout petit « je voyais mon père travailler le bois et faire des choses extraordinaires ». L’amour du métier, un cas rare mais qui lui a permis de garder son objectif en tête, sans avoir à regretter un éventuel parcours général. De toute manière, les cours n’étaient pas appréciés par le jeune homme « Je prenais plus de plaisir à aller travailler que d’aller à l’école donc après la troisième j’ai décidé de partir au CFA, en alternance, pour passer un diplôme de menuisier. ». La chambre des métiers donne l’occasion de se former dans les métiers manuels au contact de professionnels, ce sont des chances en or de prouver sa valeur et de se faire engager derrière. Néanmoins, un jeune de 15 ans peut vite se sentir déstabilisé dans ce nouvel environnement. « J’étais jeune, j’appréhendais un peu la rentrée et au final tout s’est bien passé, on était tous mis au même niveau, pas de différence, on était tous là pour la même chose. On savait tous pourquoi on était là, c’était pour travailler.» Les enseignants de ces parcours peuvent parfois se montrer conciliants et rassurants, comme Stéphanie. Ils savent que ces jeunes ont besoin d’être mis en confiance afin d’exploiter au maximum leur potentiel.

Reste que ces « parcours professionnels sont trop souvent laissés de côté. On n’en parle pas assez, les gens ont tendance à sous-estimer cette formation alors qu’au CFA, les élèves apprennent plus que dans les lycées professionnels où de nombreux enseignements restent théoriques ». Valentin est clair, ce parcours lui a permis de réaliser son rêve, être menuisier. Chacun de ces enfants doit pouvoir réaliser ses propres envies. Être boulanger, pâtissier, mécanicien etc… Toutes ces formations sont accessibles, il suffit de se renseigner en profondeur car ces dernières sont moins mises en avant par l’éducation nationale.

La société évolue mais les stigmatisations concernant la scolarité des enfants restent les mêmes. Aux yeux de certains, une formation professionnelle vaudra toujours moins qu’un diplôme obtenu dans le général malgré toute la pratique qu’ils auront acquise. Il faut se mettre en situation pour chaque élève et le plus tôt possible. S’il présente des difficultés mais aspire à suivre des cours professionnels il faut le laisser prendre son envol. Laissez chacun vivre son rêve et faire ce dont il a envie.

 

[1] Chiffre de 2017 selon l’éducation nationale.
*Nom d’emprunt pour raison d’anonymat.

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