SAPEURS-POMPIERS FRANÇAIS LE TORCHON BRÛLE

En septembre dernier, se tenait le 126ème congrès national des Sapeurs -Pompiers à Vannes. L’occasion de mettre en lumière les problèmes rencontrés par cette profession de plus en plus sollicitée. Les soldats du feu le disent, ils sont à bout de souffle et le torchon brûle…

Mercredi 17 février, 5h du matin, les sapeurs-pompiers du service départemental d’incendie et de secours de Vannes sont appelés pour intervenir sur un feu d’habitation dans la commune de Sarzeau. Sur une journée, 424 appels ont été passés au centre de secours et 87 interventions ont été programmées. “Nous sommes en constante sur sollicitation”. Yann Gillet est pompier professionnel à St Nazaire (CFR portrait dans les échos vannetais). Ce n’est pas loin de 8 000 interventions qui ont été mises en place sur la couronne vannetaise. L’homme à l’instar de ses collègues du département, tire un constat alarmant sur l’avenir de sa profession. “Le système s’essouffle. Nos interventions n’ont plus de sens et nos conditions de travail se dégradent” d’après Serge Bellec, pompier professionnel à Auray. L’aide à la personne est le sacerdoce du métier de sapeur-pompier : intervenir, secourir et sauver sont les maîtres mots du métier. Mais depuis plusieurs années, les secouristes sont appelés pour de nouvelles formes d’interventions, “nous sommes sollicités pour fermer un robinet, réparer les piles des systèmes d’alarme de logements individuels, certaines personnes ne sont plus autonomes”. “Il est inconcevable d’être appelé pour un dépannage de serrures cassées ou pour des entorses de la cheville datant de trois jours. Lors d’interventions de ce type, nous mobilisons toute une équipe, qui ne peut alors pas intervenir sur un sinistre plus grave”. explique Stéphane Tatibouet, pompier professionnel à Vannes. Cependant, la régulation du centre d’appel doit prendre chaque signalement avec sérieux et ne pas laisser place au doute.

Ces appels inconsidérés ont des conséquences. En effet certains cas graves peuvent être mal pris en charge et de ce fait, les concitoyens perdent  confiance en un corps de métier jusque-là intouchable. Stéphane nous raconte qu’il lui est déjà arrivé de se faire jeter des pommes, et même des canettes de soda lors d’interventions. Ce qu’il n’arrive pas à accepter.

Un métier à risque

Insultes, violences physiques mais également manque de considération, Serge Bellec rappelle qu’ils ne sont pas reconnus comme un métier à risque au niveau du droit du travail à l’inverse des professions d’égoutiers, de policier, ou de gendarme par exemple. “Quelque chose d’aberrant”. Un profond malaise s’est installé, et les relations entre les hommes de terrain et les hautes instances se dégradent de façon exponentielle. Les sapeurs-pompiers se sentent délaissés, leurs appels à l’aide ne sont pas entendus. A ce malaise s’ajoute le manque d’effectif. “Nous ne sommes pas assez nombreux, malgré dix nouvelles recrues, mais ces dernières comblent tout juste les départs en retraite” nous dit Serge Bellec, qui après une longue carrière prendra un repos bien mérité dans trois ans. Le personnel n’est pas remplacé en totalité. Actuellement, cela devient compliqué de trouver des personnes motivées et disponibles pour devenir également pompier volontaire par exemple. “Les employeurs sont de plus en plus réticents pour signer des conventions avec le centre, et libérer leurs employés, si ces derniers doivent quitter le travail pour intervenir sur un sinistre” rétorque Yann Gillet.

Pour autant, les exigences imposées aux pompiers sont inchangées. Pour devenir professionnel, la réussite du concours est obligatoire, « ce dernier est difficile et les places vacantes peu nombreuses » d’après Stéphane. Néanmoins, la totalité des sapeurs-pompiers interrogés est unanime pour dire que l’augmentation des moyens humains est primordiale afin d’assurer un service de qualité à contrario des moyens matériels, et de ce côté-là, les casernes morbihannaises sont largement équipées et opérationnelles. Également, selon le service de communication des sapeurs-pompiers, “un départ de camion sur cinq ne nécessite pas l’envoi d’une équipe d’intervention”. De plus en plus d’appels nous obligent à nous substituer aux ambulances privées afin d’accompagner les patients jusqu’aux différents hôpitaux. “Mais pendant ce temps, si toutes les équipes sont en intervention, ce sont les casernes d’Auray et/ou Questembert qui viendront sur Vannes. C’est une chaîne sans fin. Par exemple, j’ai été appelé pour un feu de voiture à Quiberon, mais le temps que je fasse le trajet, il ne restait malheureusement presque plus rien du véhicule” rappelle Serge.

A l’automne dernier, entre 7 000 et 10 000 sapeurs-pompiers ont défilé contre le manque d’effectif, de reconnaissance et pour sauvegarder leur système de retraite. Le malaise sociétal étant si profond, que de nombreux affrontements ont eu lieu avec les forces de l’ordre. “Nous sommes divisés, alors qu’avec la police et la gendarmerie, nous devrions être solidaires et travailler main dans la main”. répond Serge. La colère est bien présente et les pompiers sont à bout. Le port de l’uniforme est pris pour autorité et “les gens mettent toutes les congrégations dans le même panier”.

Une prime pour respirer

Un petit rayon de soleil est apparu par l’intervention du 1er ministre Christophe Castaner qui augmente la prime de feu de 19% à 25% et les jours de garde payés 17h au lieu de 16h pour 24h travaillées. Cependant, cette prime est laissée au libre arbitre des départements gérant les centres de secours. Donc tout le monde ne pourra bénéficier directement de cette prime. Cela prendra du temps.

Malgré toutes ces ombres au tableau, tout n’est pas si négatif pour nos professionnels. Ils sont unanimes pour dire qu’ils exercent ce métier par passion. “Il faut du courage et une réelle envie d’aider la collectivité  et non une âme de super-héros” selon Yann Gillet.

Ce métier donne surtout la satisfaction du devoir accompli. Si certains se sont vus décerner, pour un ou plusieurs  actes de dévouement, de courage ou de bravoure, à titre symbolique une médaille, il n’en demeure pas moins que le sentiment majeur qui ressort, est celui d’aider les personnes, de sauver les vies et les biens personnels de la population. “Ces hommes restent discrets  et il en ressort une très forte humilité”. Sans leurs interventions et leur soutien logistique, la population serait bien embarrassée. Il ne faut pas généraliser le comportement de certains. Fort heureusement, nos soldats du feu sont pour une grande partie de la population fortement appréciés et le succès du bal annuel  des pompiers de Vannes montre que nos sapeurs gardent une forte crédibilité et un énorme respect de la population morbihannaise.

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