PHILIPPE LORHO, RESPONSABLE DES RESTOS DU CŒUR DE VANNES, UN BEL ENFOIRÉ

Philippe Lorho, 66 ans, consacre tout son temps aux Restos du Cœur. Responsable du centre de Vannes depuis douze ans, l’arradonais évoque ce « métier » qui s’apparente davantage à une profession de foi.

Il est des réalités que l’on ne veut pas affronter. Ni même envisager. Celles que l’on se cache. Lui s’y confronte tous les jours, du lundi au vendredi. À l’arrière d’un entrepôt vétuste, une large porte ouvre sur une cuisine au sein de laquelle se trouvent une trentaine de personnes, des femmes, des hommes, des enfants heureux de se retrouver autour d’un repas. Un jeudi midi comme les autres aux Restos du Coeur de Vannes. Au centre de la pièce, un homme, tout droit sorti d’un western américain des années 70. La barbe grise, épaisse. Tu vois le mec au chapeau ? C’est lui. Une sorte de Charles Bronson dans « L’évadé », les traits tirés et la voix rauque. Philippe Lorho : le gars des restos.

Depuis douze ans

Après un arrêt-maladie qui le contraint à arrêter sa profession prématurément, Philippe Lorho s’engage dans la mission de Coluche en 2008 : « après avoir été graveur de pierres funéraires, je n’avais plus envie d’effectuer un métier classique, je voulais faire quelque chose qui compte vraiment et j’ai flashé sur les restos ». Flashé. Une électrocution soudaine au contact de cette humanité, de cette nécessité, comme un coup de foudre. Et depuis douze ans, douze campagnes d’hiver, l’homme donne sans compter, évitant les questions sur sa propre vie, comme un boxeur qui esquive les coups. Ce n’est que lorsqu’il s’agit des restos, qu’il devient intarissable  « 11 000 repas servis chaque semaine, c’est un rythme soutenu, une implication de chaque instant ». Concrètement, 45h par semaine à l’entrepôt. Un boulot de dingue et un défi quotidien à relever puisqu’en plus des repas, les bénéficiaires peuvent profiter d’une bibliothèque, d’un coiffeur, de vestiaires et d’un organisme de micro-crédits. Une véritable ville dans la ville.

Les restos du cœur partout en France

Situés au cœur de Vannes, ville bourgeoise au salaire moyen de 2400 euros, les restos sont présents, hélas présents. Le plus gros centre du Morbihan accueille une fréquentation de plus en plus importante. +2% d’inscrits chaque année. Le chiffre est douloureux. Des familles, des personnes seules qui souffrent de précarité financière certes, mais ce n’est pas le seul problème, il y a aussi cette solitude qui frappe comme une double peine. « C’est un des principaux stigmates de l’exclusion, un des facteurs qui marquent au fer rouge ». Ces gens parfois très jeunes, le plus souvent isolés sont à la recherche d’un moment convivial et ont, pour la plupart, trouvé refuge dans la rue, essayant difficilement de trouver leur place. « La population accueillie a énormément évolué, nous recevons de plus en plus de jeunes couples, d’étudiants, c’est un fait ». Au quotidien, les 800 m2 ne manquent pas d’animation et les challenges sont à relever tous les jours. Peu importe, il est fidèle au poste et entame sa treizième année en tant que responsable des Restos, véritable chef d’orchestre de 150 bénévoles. « Je n’aime pas le mot responsable car je ne suis pas une personne directive, je ne veux rien imposer si ce n’est le respect de la charte, des religions, des idéologies politiques, le respect des autres ». Une main de fer dans un gant de velours. Magnanime mais ferme. « Les candidats au poste ne courent pas les rues, dès qu’on en tient un on ne le lâche plus ». Et pour que tous ces efforts soient encore plus efficaces, Philippe Lorho n’hésite pas à mutualiser les initiatives. Depuis quelques mois, la mission locale du Pays de Vannes, conventionnée avec l’association, intervient chaque jeudi afin de réintégrer les inscrits dans le chemin de l’emploi, ce qui permet une réinsertion sociale et professionnelle indispensable. Pour faire quelque chose qui compte vraiment.

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