INTERVIEW CROISÉE : DEUX JEUNES PROFESSEURS DANS LE GRAND BAIN

Noémie et Antoine* ont 22 ans. Étudiants à Rennes et dans le même temps enseignants de français et d’histoire-géographie dans deux collèges du Morbihan, ils ont vécu, au mois de septembre dernier, leurs premiers moments « seuls en classe ». Ils nous proposent leur retour d’expérience.

 

Selon vous qu’est-ce qu’un professeur ?

Antoine : Un professeur accompagne les jeunes durant leur scolarité afin de les aider à grandir, que ce soit sur le plan personnel ou scolaire, un enseignant qui doit considérer avec bienveillance chacun de ses élèves. Son rôle n’est pas uniquement de transmettre des connaissances et des compétences même si c’est une partie centrale de ce métier, mais il s’agit également d’être dans une posture d’accompagnateur pour qu’ils progressent quelles que soient leurs capacités au départ. La condition à cela, c’est que les deux parties doivent se donner les moyens et le temps d’y parvenir.

Noémie : On doit donner l’envie d’apprendre. Il est nécessaire de varier les activités durant une heure de cours pour stimuler les élèves. On doit les rendre acteurs de leurs apprentissages. C’est-à-dire leurs donner l’occasion d’agir, de réfléchir et d’interagir avec le cours. Pour cela il existe plusieurs méthodes. Par exemple, la classe inversée. Ça consiste à leurs donner des documents dont c’est à eux de trouver les pistes ou la bonne réponse pour comprendre une notion nécessaire à la construction du cours. Personnellement, j’aime réaliser des cartes mentales avec les élèves. Ils donnent les idées par eux-mêmes et à partir de celles-ci nous faisons un bilan tous ensemble.

 

Le jour de la rentrée scolaire, quels ont été vos ressentis, vos impressions face aux élèves ?

Antoine : La première impression est l’appréhension. D’autant plus qu’il s’agissait des premières minutes de la première heure de la première année de nos carrière de professeurs, nous n’avions jamais eu l’occasion de faire une rentrée auparavant. Les stages que nous avions faits les années passées commençaient fin octobre, la relation prof-élèves était déjà tissée. Ensuite, l’appréhension a fait place à l’excitation ! En effet, après avoir passé 20 ans assis sur une chaise il est enfin l’heure de passer de l’autre côté. 20 ans de travail pour arriver à ce moment. Finalement, ces premières heures avec mes élèves se sont très bien déroulées. D’autant plus que le collège organisait une après-midi d’intégration pour le premier jour. Et personnellement j’ai adoré.

 

Comment vivez-vous cette transition d’étudiants à celle de professeurs ?

Noémie : Le premier jour, je suis arrivée avec beaucoup d’interrogations, notamment sur les réactions que je devais avoir selon les situations avec les collégiens. Mais finalement ça s’est fait assez naturellement. J’ai finalement mieux ressenti cette transition que ce que je m’imaginais. On transmet des savoirs que l’on a reçus depuis longtemps alors l’étape entre le « être élève » et le « être professeur » est mieux préparée. Cela m’aurait sûrement paru différent avec des lycéens.

Antoine : Oui je suis d’accord. Il y a aussi le fait que nous possédions déjà plusieurs semaines de stage, ce qui nous a permis d’être un peu plus à l’aise pour le jour J.

 

Quels changements avez-vous observé entre les collégiens actuels et ceux de votre génération ?

Noémie : Pour ce qui est de la mentalité, il est difficile de se comparer à eux car nous même n’étions pas matures. Désormais, on les perçoit différemment car nous sommes devenus des adultes. Vis-à-vis des capacités dans ma matière, il y a une grosse chute de la lecture. Il est compliqué de trouver de la motivation pour détacher les élèves des écrans et surtout pour qu’ils reprennent le livre.

Antoine : Oui, en Histoire-Géographie les plus gros problèmes des collégiens sont la rédaction et l’orthographe. Par ailleurs, aujourd’hui il y a beaucoup plus de jeunes dyslexiques ou dysorthographiques. Le nombre d’AESH (Accompagnants d’Élèves en Situation de Handicap) dans nos salles a considérablement augmenté depuis notre passage en tant qu’élèves. Ce sont des adultes qui viennent aider ces adolescents ayant des difficultés.

 

 

Quels sont vos parcours ?

Noémie : Avec un baccalauréat littéraire et une licence en lettre moderne. Je me suis dirigée en première année de Master MEEF (Métier de l’Enseignement de l’Éducation et de la Formation) à Angers. J’ai obtenu mon concours, le CAPES de lettre moderne. Aujourd’hui je suis en M2 alternant. J’y suis à la fois professeur stagiaire de français dans un collège, et étudiante à Rennes.

Antoine : Mon parcours est le même que Noémie bien qu’il soit en rapport avec ma matière qui est l’histoire-géographie. À la fin du lycée je me suis orienté vers une licence à l’UBS de Lorient. Après ma licence et avec Noémie, nous sommes allés à l’UCO d’Angers pour préparer ce même Master MEEF. Dès la première année, j’ai réussi le concours ce qui nous a obligés d’aller à Rennes pour la seconde année de Master, celui-ci étant devenu un diplôme en alternance à la suite de l’obtention du CAPES.

 

Avez-vous rencontré des difficultés durant vos parcours ?

Noémie : D’une manière générale, ça s’est bien passé. Je n’ai pas eu affaire aux rattrapages. La plus grosse difficulté du parcours a clairement été le concours. Le CAPES n’est pas facile à avoir, notre M1 était une année où nous sommes peu sortis voir des amis ou de la famille afin de pouvoir le travailler au maximum. Ça n’aurait pas été une fatalité de ne pas l’avoir du premier coup mais c’est toujours mieux pour avancer. Cette année n’est pas facile non plus, en revanche c’est beaucoup moins de pression.

Antoine : En effet, cette année il y a les cours des collégiens à préparer ainsi que des dossiers pour l’université de Rennes à rédiger, notamment le mémoire à rendre pour la fin de l’année. C’est équivalent en quantité de travail mais moins stressant.

 

Il y a-t-il eu des facilités ?

Antoine : Les bons points de nos parcours n’ont pas été les cours en tant que tels mais les personnes que l’on a rencontrées. Nous avons toujours été dans des petites structures. Cela m’a permis d’échanger et d’avoir des retours avec mes camarades de promotions. Par exemple, dans le groupe d’étudiants avec lequel j’ai travaillé en M1, nous étions sept amis à préparer tous nos oraux et des sujets d’entrainements ensemble. On était très soudés et sur les sept, cinq d’entre nous sont parvenus à obtenir le concours. C’est un très beau chiffre lorsque l’on sait que le taux de réussite est de 20%.

Noémie : Pour ma part, en licence nous étions seulement vingt étudiants. Grâce à cela, nous avons gardé de très bonnes relations avec nos anciens professeurs. L’année dernière je communiquais souvent avec certains professeurs concernant le concours. D’une manière, ils ont continué à me suivre et à m’aider alors qu’ils ne m’avaient même plus en cours.

 

Maintenant que vous avez plus de recul, comment améliorerez-vous le système éducatif si vous en aviez la possibilité ?

Noémie : Pour améliorer l’orthographe il y a des choses qui sont déjà faites comme la réintégration de la grammaire au lycée depuis la réforme de cette année. Maintenant, c’est à chaque professeur de réussir à rendre son cours intéressant et à montrer que lui-même est passionné pour parvenir à transmettre des notions à ses élèves.

Antoine : Je pense aussi qu’il faut être plus bienveillant avec la jeunesse. Elle a besoin de prendre confiance en elle. Il y a même une récente loi à ce sujet, il s’agit de « l’école de la confiance ».

*Nom d’emprunt car l’interviewé n’a pas souhaité témoigner à visage découvert

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