Le rideau numérique, un fléau de notre société

Retard de langage, perte de repères, problèmes relationnels, trouble du sommeil, anxiété (…) les médecins alarment les pouvoirs publics… La santé mentale des jeunes inquiète… Enquête sur un phénomène aux causes multiples

On comptabilise onze écrans en moyenne par foyer en France ! Pour Guillaume Jégousse, vice-président de l’association Douar nevez, « ce temps d’écran toujours plus présent ne cesse d’augmenter », ! 15 h 11 en moyenne pour les 7-12 ans d’après l’enquête Ipsos (Juniors Connect 2017), entraînant des troubles du sommeil, de l’échec scolaire, une baisse de la vue ou encore des troubles du comportement alimentaire, selon L’INSERM (institut national de la santé et de la recherche médicale, NDLR). Alors même si le sujet reste peu analysé il semble que les écrans aient un bien un impact sur la santé.

Le contrecoup de l’ère 2.0

L’OMS reconnaît les comportements problématiques liés aux écrans comme une addiction (juin 2018) au même titre que l’addiction à la cocaïne ou aux jeux. Et il est prouvé que les applications et portables avec leurs notifications incessantes activent « le système d’alerte du cerveau », insiste Damien Mascret, médecin et journaliste en influençant le système de récompense des enfants en accentuant leur surconnexion. Or, l’adolescence est une période sensible de construction de soi : « ils ont besoin de nouer des relations, d’avoir des contacts », explique encore Damien Mascret, le temps passé sur les écrans les en prive. Par ailleurs, « le scrolling infini » créé par Aza Raskin, invention miracle nous rendant toujours plus accros, questionne. Pourquoi son inventeur même se dit regretter et milite aujourd’hui pour un « anti-scrolling ».

La réalité brute

Les réseaux sociaux impactent également la sphère scolaire, et le harcèlement à l’école qui a toujours existé, a aujourd’hui des conséquences dramatiques puisqu’il est impossible d’y échapper une fois les crayons rangés. Les réseaux sociaux prennent le relais de la violence à la maison autrefois sanctuaire. « Insultes, injures, menaces étaient mon quotidien au collège, mais aussi chez moi à travers les réseaux », témoigne Bastian, onze ans au moment des faits. Les enfants, tous innocents, ne se rendent pas forcément compte qu’ils sont harcelés : « Il m’a fallu plusieurs années pour comprendre que c’en était » avoue Bastian. Ses plateformes qui anonymisent les détracteurs les confortent sans les sanctionner. Comment peuvent-ils grandir et garder leur innocence s’ils se font rabaisser à longueur de journées ?

« Le harcèlement m’a fait perdre ma confiance en moi et a changé mon rapport aux autres », confie Bastian.

Par ailleurs, les adolescentes plus vulnérables aux violences sexistes, stéréotypes et injonctions sociales accentués sur ses plateformes, en diffusant des normes irréalistes. TikTok, et sa façade ludique et divertissante, cache un algorithme vicieux qui enferme les personnes dans une bulle de vidéos faisant la promotion du suicide, de l’automutilation ou encore des troubles alimentaires. La nouvelle tendance « skinnytok » qui promeut l’extrême maigreur, montre des jeunes femmes partageant des astuces coupe-faim, des régimes restrictifs et des comportements à risque. TikTok diffuse un message toxique à grande échelle sans aucune nuance ou avertissement. Ce contenu aux normes de beauté inatteignables favorise la comparaison à l’heure où l’estime de soi est en pleine construction. Marie, 15 ans pour toujours, a commis l’irréparable et TikTok s’est vu assigner en justice par onze familles « reprochant au réseau social et à son algorithme d’avoir exposé leurs enfants à des contenus qui les ont mis en danger » explique Laure Boutron-Marmion, avocate de la défense.

L’incompréhension des adultes face au monde et aux codes des ados a été brillamment mis en lumière par Netflix dans la série « Adolescents » et a fait souffler un vent de panique dans notre société et au sein de la sphère politique. Une prise de conscience générale, des actions commence à émerger. À l’image de l’Australie qui interdit tous réseaux sociaux au moins de seize ans, Meta et ses comptes « mineur » gérés par les parents ou encore les cafés « off-line » en plein boom. Et si on se rendait enfin compte des dangers réels de cette spirale connectée ?

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