Depuis plusieurs années, le talent de Bong Joon-Ho n’est plus à démontrer. Fier de ses nombreux Oscars, Césars ou autres Golden Globe, notamment pour son film Parasite de 2019, son nom s’est désormais imposé comme un incontournable du cinéma, et c’est pourquoi son retour dans le monde du Blockbuster à l’américaine était attendu au tournant.
Dans l’univers de science-fiction de Mickey 17, l’Humain cherche à coloniser de nouveaux mondes. Mickey, campé par Robert Pattinson, est un « remplaçable », soit un être génétiquement recréé à chaque mort qui peut pour autant conserver les souvenirs du corps précédent… Ce qui lui permet de poursuivre sa mission sans que la mort ne puisse l’entraver.
Derrière un concept pouvant faire écho à un drame, le réalisateur nous offre ici une comédie de science-fiction, teintée d’une touche de satire morale et politique (toute ressemblance de l’antagoniste avec un certain président américain serait, bien sûr, fortuite).
Malheureusement, Bong Joon-Ho se perd dans un mix d’idées et de commentaires, perdant très vite en subtilité. Entre références au nazisme sorties de nulle-part, caractères graveleux et poussés à outrance et sous-entendus cannibales, la caricature part peut-être trop loin dans ce qu’elle cherche à critiquer (bien qu’elle singe une personnalité déjà caricaturale).
Là où Parasite brillait par sa maîtrise du sous-texte et sa critique sociale subtile, Mickey 17 choisit la surenchère, multipliant les clins d’œil appuyés et les dialogues explicatifs là où un regard ou une mise en scène plus évocatrice auraient suffi. Il en résulte une œuvre qui, bien qu’ambitieuse, donne parfois l’impression de surjouer son propre message, au risque d’en perdre l’impact.
Le cinéaste, pourtant maître de la pratique du « Show, Don’t tell », nous propose ici de longues minutes d’exposition parlée, narrée par le personnage principal, sur fond visuel de scènes peu inspirées visuellement. Critique qui ne sera cependant pas valable tout du long, le sens du spectacle hollywoodien étant plutôt conservé pour un final grandiose et assez bluffant. Malheureusement, ce climax ne suffit pas à rattraper un ensemble inégal, qui laisse un arrière-goût d’occasion manquée, tant dans sa mise en scène que dans son rythme.
Car si la première partie du film installe un rythme intrigant, oscillant entre moments absurdes, parfois un peu too much malgré quelques rires décrochés, et développement plus sérieux, la seconde moitié s’embourbe dans un enchaînement de scènes parfois confuses, où l’enjeu dramatique semble s’effacer au profit d’un spectacle plus grandiloquent. Bong Joon-Ho, pourtant habitué à jongler habilement entre les registres, peine ici à maintenir l’équilibre entre la satire, la comédie et la science-fiction pure.
Robert Pattinson, en revanche, s’en sort avec les honneurs. Sans spoiler, il nous montre ici son talent d’acteur vaste, pouvant camper de nombreux rôles avec une étonnante aisance.
Son interprétation d’un Mickey désabusé, piégé dans une boucle existentielle absurde, parvient à insuffler une véritable humanité au personnage, malgré un scénario qui le malmène parfois en le réduisant à un simple outil narratif. À ses côtés, le casting secondaire oscille entre le caricatural et le sous-exploité, un comble pour un réalisateur qui a souvent su faire briller tous ses personnages.
Mickey 17 reste, malgré des défauts évidents, un très bon divertissement, à la hauteur des standards blockbusteresques actuels, mais bien loin du génie habituel des productions du petit prince du cinéma coréen.
Note : 6,5/10