Margaux Le Paih Guérin, de la parfumerie d’enfance au grand concours new-yorkais

Margaux Le Paih Guérin, 26 ans, est créatrice de parfum, autrement dit un « nez ». Titulaire d’un master en création et management à l’École Supérieure du Parfum de Paris, elle travaille aujourd’hui pour la maison de composition Flair. L’année dernière, elle a remporté un concours international d’art olfactif à New York.

  1. Comment en êtes-vous arrivée à remporter un aussi grand concours ?

Tout a commencé très tôt. Enfant, j’étais tout le temps dans la parfumerie de ma mère. Les parfums, les flacons, les arômes… C’est assez évident que la passion me vient de ces souvenirs. Mes fragrances préférées ? J’aime beaucoup le numéro 22 de Chanel, mais l’odeur de peau des gens que j’aime, les odeurs réconfortantes, celles de chez moi, celles qui renvoient vraiment à une émotion directe ont une saveur particulière. Mais étonnamment, pour ce concours, c’est une odeur synthétique que j’ai choisie et qui m’a permis de gagner. 

      2. Racontez nous l’histoire de cette odeur ?

Tous les ans, l’exposition d’été lance un appel à projets pour des candidatures de différents artistes, cela peut être autour d’un sujet ou pas. Cette année, c’était le minimalisme dans l’art. Je voulais faire quelque chose d’original, qui change et me démarque des autres. Je me suis creusée la tête et j’ai pensé à l’indole qui est une matière première traditionnellement utilisée comme un indice, à l’arrière-plan. C’est un matériau synthétique puissant et solide, une senteur qui est à la fois florale et animale. Je l’ai passé en sujet principal, autour duquel j’ai travaillé différents accords, notamment la rose et le jasmin. On se rend alors compte que la première odeur n’était qu’une illusion, il faut prendre le temps de le sentir, d’en sentir les facettes et de comprendre que l’arrière-plan est maintenant sur la scène et que le petit détail est devenu la pièce maîtresse de l’œuvre. Cette odeur a été choisie et exposée l’été dernier dans cette galerie à New-York, faisant de moi la gagnante du concours de cette édition. 

      3. Qu’est-ce que le monde du parfum représente pour vous ? 

Il est simpliste de penser que c’est juste une histoire d’odeur, c’est bien plus complexe. Culturellement il est intéressant de constater qu’en fonction de notre éducation, de la religion, de la culture, nous allons avoir des affinités pour certains types de parfums. Lorsque j’étais vendeuse chez Nose, des clients aux personnalités et aux physiques à priori très timides pouvaient acheter des parfums au gros « signage », avec du caractère. Je suis certaine qu’un parfum peut aussi être une aide au quotidien pour s’affirmer, une aura transparente.

      4. Aujourd’hui vous travaillez pour une maison de composition, Flair, quel est votre rôle exactement ?

C’est assez particulier parce que je suis dans une petite maison de composition au sein de laquelle nous sommes quatre parfumeurs. Mes missions sont donc différentes de celles que je pourrais avoir dans une multinationale. Entre formulation, réglementation, évaluation, recherche de nouvelles matières premières et commerciale, il y a de quoi faire. Pour la création, les clients nous laissent parfois carte blanche, et là c’est le bonheur. L’inspiration peut alors venir de tout et de n’importe quoi. Une région, une simple balade en forêt, les voyages durant lesquels je découvre de nouvelles saveurs. Mon objectif est avant tout de transmettre des émotions. 

      5. Pensez-vous que le monde du parfum change ou évolue comme le monde des cosmétiques avec les nouvelles tendances naturelles et écologiques ?

Effectivement, il change constamment. Mais, je ne pense pas qu’il soit en concordance avec le monde de la cosmétique. En effet, la note de la naturalité ne prend pas du tout en parfumerie. Il y a des gens qui essaient de faire des marques 100% naturelles, mais ce n’est pas forcément ce qui fonctionne le mieux. En revanche, il y a des tendances qui s’imposent, notamment aujourd’hui, la cerise, la vanille, les fruits, tout ce qui se mange s’invite en parfumerie. Donc oui, il y a des évolutions avec lesquelles nous tentons de travailler quand nous sommes à la recherche de nouvelles matières premières. 

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