Anissa Doumi, 28 ans, est avocate. Passionnée par son métier, elle analyse pour nous la complexité de sa mission : défendre quel qu’en soit le prix…
Après une licence et un Master en droit privé à Caen, suivis d’un CRFPA à Rennes et de 18 mois de formation à l’école des avocats à Paris, Maître Doumi revêt la robe. Mais ce n’est pas un monde figé ni tout tracé. C’est un espace délicat, au sein duquel elle doit jongler entre rigueur du droit et flexibilité de l’humain.
Dès ses premiers pas en faculté, Anissa choisit la voie du droit pénal. Un domaine où la justice rencontre ses contradictions, ses zones d’ombre et ses failles humaines. « Je suis là pour défendre l’humain dans toutes ses complexités ». Cette vision la guide au quotidien. Pour Maître Doumi, défendre ce n’est pas simplement protéger une personne contre les accusations de la société, mais chercher à comprendre les racines de son acte. Parce que, selon elle, « Les monstres n’existent pas », seulement des hommes et des femmes qui, pour des raisons souvent difficiles basculent dans l’inacceptable.
La victime est un nom dans un dossier
Dans cette optique, Anissa rejette l’idée simpliste de la victime et du coupable, des rôles trop souvent figés dans l’imaginaire collectif. « La victime en face, c’est juste un nom qui figure au dossier », confie-t-elle, avec une froideur qui à première vue, pourrait sembler dénuée de toute compassion. Pourtant, derrière cette distanciation, il y a un masque, une manière de se cacher derrière la rationalité pour éviter de laisser place aux émotions. En réalité, cette lucidité apparente ne dissimule-t-elle pas une profonde lutte intérieure ? Car, si elle parle de son métier avec cette assurance, c’est aussi pour ne pas laisser transparaître le poids de la souffrance humaine qu’elle affronte chaque jour. Anissa sait qu’en qualité d’avocate, elle doit se concentrer sur l’histoire de son client, sur les raisons qui ont pu le conduire à commettre un acte répréhensible. Mais au fond chaque dossier est un puzzle d’émotions, de traumatismes et de failles humaines qu’elle doit reconstituer. « Chaque histoire a sa cohérence, même dans les zones d’ombre », mais ces zones d’ombre ne sont-elles pas aussi celles où se cachent ses interrogations et ses doutes ?
Loin d’une vision idéaliste du droit, Anissa cherche à défendre ce qui semble indéfendable, non pas par idéalisme mais par une conviction profonde : « Tout le monde a le droit d’être défendu ». Parfois, l’enjeu, selon l’avocate, est de séparer l’homme de son acte. « Un violeur n’est pas un violeur. C’est un homme qui a commis un viol. » Une distinction subtile qu’Anissa tente de défendre, mais qu’elle remet en question. Parce qu’au fond, l’avocate sait que cette séparation entre l’homme et son acte n’est pas aussi évidente qu’elle voudrait l’entendre. C’est dans ce monde complexe que Maître Doumi évolue, entre la dureté des actes et la fragilité des individus. Elle défend cette approche parce qu’elle pense que même imparfaite la justice est « le moins pire » des systèmes. Mais au fond, ces mots dissimulent aussi une tentative de rationaliser l’imperfection d’un système qu’elle interroge sans cesse.
Maître Doumi est une avocate qui refuse de croire qu’il existe des « cas indéfendables ». Pourtant, au cœur de son travail, une question se pose : comment saisir l’humain, dans toute sa diversité et ses contradictions, au sein d’un système judiciaire censé être rationnel et impassible ? C’est dans cette quête qu’elle trouve sa place : être l’intermédiaire, entre le loup et la société dans un monde où la justice reste un chemin incertain.