Dépressions, suicides, burn-outs… TikTok est-il coupable ? Ep final

Le problème n’est pas TikTok : c’est nous

Il faut arrêter de nous faire croire, que les mots scroller, algorithme, harcèlement ou encore suicide sont apparus il y a cinq ans avec TikTok. Il est tentant de pointer du doigt le réseau social lorsqu’un drame survient. Avec ses vidéos courtes, son algorithme puissant et sa popularité fulgurante chez les jeunes, la plateforme chinoise est devenue une cible facile. Aujourd’hui, TikTok est accusé : sept familles françaises l’attaquent en justice pour avoir joué un rôle dans des tragédies impliquant leurs enfants. Douleur légitime, cri d’alarme compréhensible. Mais il faut prendre le problème à sa racine, accuser uniquement TikTok, c’est comme arrêter le dealer du coin et croire qu’on a résolu la question du trafic de drogue dans le quartier. Comme si ce réseau portait à lui seul la charge des souffrances adolescentes. Illusoire.

Commençons par le plus évident. Pardonnez-moi, mais il n’a pas fallu d’algorithmes ni de vidéos virales pour que des jeunes apprennent à se faire du mal. TikTok n’a rien inventé, ni le harcèlement, ni la solitude, ni ce vertige insupportable qui pousse parfois nos jeunes au bord du gouffre. En somme, il n’a pas inventé la souffrance humaine. TikTok fait du mal ? Peut-être, mais bien avant les écrans, il y a les coups bas de la cour de récré, les regards qu’on lance dans les couloirs, les mots que l’on murmure à l’oreille, ou les silences qui laissent seuls avec les pensées. Même le colin-maillard cachait parfois des humiliations.

De plus, il n’est pas le seul sur la liste : Twitter, Instagram, Snapchat, YouTube… tous ont été le théâtre de dérives similaires. Rappelez-vous les polémiques autour des contenus violents, du cyberharcèlement et maintenant de la pornographie sur Twitter, des filtres Instagram qui alimentent les complexes physiques, ou encore des challenges viraux qui, bien avant TikTok, pullulaient sur YouTube. Les réseaux sociaux n’ont fait qu’amplifier ce que nous avons laissé prospérer : L’obsession de la performance, de l’apparence et de l’immédiateté avec une société qui valorise ces attributs. L’algorithme n’y est pour rien, mais les exigences que nous avons créées peuvent l’être : être parfait, rapide, visible. Ce qui se passait jadis dans un cercle restreint est aujourd’hui amplifié à l’échelle du numérique. Le problème n’est pas TikTok : c’est nous.

Et si nous parlions de responsabilités ? Qui a offert ce premier téléphone, ce portail vers l’infini d’internet, à des mains encore trop jeunes pour en saisir les dangers ? Bien souvent, ce sont les parents. Qui échoue à faire du harcèlement scolaire une priorité malgré des décennies de discours ? L’Éducation nationale et l’État. TikTok n’est qu’un alibi, un écran derrière lequel se cachent des années de désintérêt. Nous sommes en 2024, la réalité est implacable : le harcèlement scolaire ne recule pas.

Ensuite, accusons-nous l’outil ou son usage ? L’algorithme de TikTok est certes redoutablement efficace pour capter l’attention, mais il n’est pas intrinsèquement malveillant. Non, il fait son travail, s’adapte aux habitudes de ses utilisateurs — et j’en suis un. Il me montre seulement ce que je cherche, ce qui m’intrigue, ce qui me fait rire ou ce qui me hante. Vous trouvez ça effrayant ? Moi, je trouve ça logique. Si un adolescent vulnérable se retrouve face à des contenus dangereux, ce n’est pas seulement un échec technologique, c’est un échec collectif. Où sont les mains tendues ? L’accompagnement ? L’éducation aux médias et aux addictions ? Le cadre posé par les adultes ? Nous avons laissé les smartphones devenir des baby-sitters, et nous nous étonnons maintenant qu’ils ne savent pas éduquer.

Alors voilà : regardons là où ça fait mal. Dans les écoles, dans les foyers, dans les institutions, Tik Tok n’est pas la cause. Juste un miroir. Si ce qu’il montre fait peur ou choque, c’est peut-être parce que l’on veut pas voir ce qu’il reflète. Certains, eux, le voient tous les jours, dans les regards, dans les silences, dans nos absences.

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