A 57 ans, Serge Hardy, professeur à Brest, a décidé de faire une pause d’un an afin de se consacrer à ses passions : les voyages et l’alpinisme de haute montagne. Après un périple en Grèce, il repartira l’été prochain pour une ascension au Pakistan.
« J’ai des projets pour trois vies au moins ! » A 57 ans, il prépare le K2 pour la troisième fois. Le K2, un autre monde pour le commun des mortels, le graal pour Serge qui n’est pas encore monté au sommet malgré ses deux premières tentatives. Manque de temps pour la première fois, météo capricieuse pour la deuxième. L’été prochain il remet le cap vers le massif du Karakorum, à la frontière sino-pakistanaise pour défier les 8 611 m de ce deuxième sommet du monde après l’Everest.
Mais qu’est ce qui fait grimper si haut ce prof, ingénieur de formation, brestois et par conséquent vivant au niveau de la mer la plus grande partie de l’année ? Qu’est ce qui le pousse à défier le danger et l’altitude ? Le dépassement de soi ? Pour lui, l’alpinisme n’est pas un sport comme les autres, l’implication et l’immersion totale sont des notions essentielles afin de négocier le risque. « S’il n’y a pas de danger, il n’y a pas d’engagement ». Sans compter la promesse des paysages inoubliables et des liens humains puissants « c’est dans ces moments que tu noues de solides amitiés ». C’est pour ces moments-là et ces rencontres que Serge prend de tels risques.
Car le danger est bien présent, surtout pour ceux, comme lui, qui n’utilisent pas d’oxygène. Notamment sur l’Everest, où actuellement environ 95% des grimpeurs y ont recours. « C’est un vrai problème, il n’y a plus de place pour les autres. Avec les embouteillages en partie terminale, quand tu es coincé à 8 500 mètres sans oxygène ce ne sont pas tout à fait les mêmes conditions, c’est gelure assurée ».
Un prof au sommet
C’est souvent une fois engagé dans l’ascension qu’il prend pleinement conscience des véritables défis. « Tu pars mais tu ne sais pas comment ça va se terminer ». Au-delà des exigences physiques, chaque pas plus haut révèle les pièges du froid extrême risquant les gelures, des chutes en crevasses ou de sérac ainsi que le risque d’œdème cérébral ou pulmonaire. « Le problème c’est qu’il faut arrêter avant qu’il ne soit trop tard ». Serge se souvient d’une ascension, sans possibilité d’être secouru, au cours de laquelle ses camarades et lui avaient perdu leur matériel. « A deux on avait une paire de chaussures, tu te dis quand il y en a un qui va mourir, le survivant la récupérera, ce n’est pas terrible donc on est resté soudé et personne n’est mort ». Arrivés en bas, ils se sont rendu compte qu’ils allaient peut-être perdre leurs orteils mais qu’ils étaient bel et bien vivants. « On s’est tombé dans les bras et on a pleuré ».
Pourtant, il n’était pas prédestiné à devenir ce grimpeur au palmarès impressionnant. Après des études d’ingénieur en électronique, il devient professeur à Brest. Enfant, son expérience montagnarde se résume aux randonnées. Il est bercé dans le sport avec des parents amateurs de séjours en montagne et amoureux des altitudes. Mais c’est dans sa trentaine que tout commence. Un été, il part avec des copains alpinistes. Mal équipé… « J’ai cru que j’allais mourir, c’était terrifiant ». Pourtant rien ne l’arrête, c’est ce qu’il veut faire.
Loin d’être découragé, Serge s’entraîne dur et se lance dans une quête de sommets des plus audacieux. Le Mont Pelvoux dans le massif des Écrins, quasiment 4 000 mètres, est le premier sommet d’alpinisme grimpé par Serge en 1999. Depuis, il en a monté de nombreux autres, notamment les cinq sommets les plus hauts de l’Union Soviétique, au Kirghizistan et au Tadjikistan, tous à plus de 7 000 mètres. * « Au départ je n’étais pas parti pour ça et puis une fois que tu en as fait trois tu te dis bon bah allez on va faire les deux autres ». Ce véritable exploit lui vaut le titre de « Léopard des Neiges » en 2011, une récompense honorifique de l’Ex-URSS.
Serge envisage maintenant des projets ambitieux pour les années à venir. Il souhaite repartir au Tadjikistan, grimper des sommets moins hauts mais également moins fréquentés. L’été prochain, il prévoit de partir pour la troisième fois au K2, deuxième sommet le plus haut du monde situé à la frontière sino-pakistanaise pour une ascension de deux mois… Il poursuit ce rêve perché à plus de 8 000 mètres, avec l’intensité et la passion qui l’animent depuis toujours.
NDLR : Le Jengish Chokusu, le Pic Pobeda, le Pic Ibn Sina, le Korjenevskaya, le Khan Tengri et le Ismoil Somoni Peak.