À 21 ans, Quentin transforme ses souvenirs en images. Rencontre avec un jeune photographe, un étudiant en commerce et un amoureux du Japon.
Carnac, 14 heures. La brume enveloppe le village, le crachin breton est de la partie. Du côté du bourg, une ruelle à l’abri des regards et un bistrot qui fait l’angle. Quentin vient y passer du temps, parfois. Vêtu de jean de la tête aux pieds, il tient à la main un casque de scooter, son appareil photo en bandoulière. Il l’a acheté il y a un an, depuis, il ne le quitte jamais, comme un prolongement de lui-même. Son appareil immortalise des moments de vie, les siens et ceux des autres.
Ce que les autres ne voient pas
« Moi ce que j’aime, c’est montrer le ‘’vrai du vrai’’. » Les clichés de Quentin sont empreints d’une essence particulière, criants de vérité, d’une authenticité bouleversante. Tout a commencé, il n’y a pas si longtemps, un an tout au plus, lorsqu’ il a dû élaborer un projet marketing pour son école de commerce. « La photographie est venue complétement par hasard. Pour ce projet, je devais vendre une bouteille de whisky à travers quatre photos. À ce moment-là, j’ai commencé à aimer, sans vraiment savoir pourquoi. » Son premier appareil photo ? Un Fujifilm qui imite « un faux argentique » pour des dizaines de clichés dérobés à des inconnus dans la rue, des scènes de vie singulières, des paysages insolites. Le jeune homme photographie tout ce qui accroche son regard, souvent à l’instinct. Dévoiler « ce que les gens ne voient pas, c’est ça mon approche de la photo. » Son départ pour Kyoto a intensifié son goût pour le troisième art. À 10 000 kilomètres de chez lui, il a rapidement compris que le « vrai Japon » n’était pas celui idéalisé partout ailleurs. « Mon objectif était de montrer le Japon qu’on ne voit pas sur Internet et les réseaux sociaux. Bien sûr, j’ai quelques photos de cerisiers en fleurs mais ce que je préfère c’est montrer le ‘’sous-Japon’’, celui qu’on ne connaît pas. »
« Le petit Français qui parle japonais »
« Le Japon… Je veux habiter là-bas plus tard. » À l’évocation du pays, le regard de Quentin se noie dans sa tasse de café. Mi-pétillant, mi-nostalgique. Il est parti pour Kyoto au printemps dernier grâce à son école. Depuis, il ne pense qu’à y retourner. Son école de commerce, l’EMBA Business School de Quimper, rayonne à l’international et donne des cours de japonais à ses étudiants. Une heure et demi par jour. Beaucoup plus de temps pour Quentin, qui s’entraîne dès qu’il le peut. « Le marketing je trouve ça insupportable, mais le japonais ça me passionne, je commence à parler presque couramment. » Son séjour parmi les Kyotoïtes a été une véritable révélation. Pendant plus de quatre mois, il y a suivi des cours pour renforcer son apprentissage de la langue, mais c’est au fil de ses rencontres, de ses déambulations et autres aventures qu’il a tout appris. Des anecdotes, Quentin en a des dizaines. « J’ai fait des choses que je n’aurais jamais osé en France. Dès que je le pouvais, je partais à vélo, en train, en stop. J’ai fait des rencontres incroyables. » Bien loin des clichés, les locaux ont accueilli « le petit Français qui parlait japonais » à bras grands ouverts. Sans aucune peine, Quentin a enjambé la barrière de la langue et a tissé à Kyoto des amitiés indéfectibles.
Loin des clichés
Le Japon a été une source d’inspiration intarissable pour le jeune homme. Il y a photographié des dizaines de visages, des moments de vie étonnants. « J’aime bien les trucs un peu ‘’gores’’, qui sortent de l’ordinaire », révèle Quentin.
Comme pour illustrer ses propos, il fait défiler une profusion de clichés sur son ordinateur, qu’il a spécialement apporté pour l’interview. Parmi eux, cette photo. L’une de ses préférées. Échouée à même le bitume, une jeune femme affaiblie par une soirée manifestement bien arrosée. « Ce soir-là, j’étais parti manger un ramen (ndlr) avec des amis. Juste devant l’échoppe, il y avait cette fille presque par terre. Soit elle avait un peu bu, soit elle avait trop mangé ; les ramen là-bas sont vraiment consistants. », plaisante Quentin.
Il y a aussi ce cliché, parfait mélange d’une beauté ancienne et moderne. Le jeune Carnacois raconte : « Dans le centre de Kyoto, il y avait un magasin avec plein de vieux livres, des sortes de reliques. Je ne sais même pas si un jour je serai capable de les lire. Je trouvais ça marrant de voir le mec fixé à son téléphone, entouré d’autant de culture. »
Au cœur de Kyoto et son million et demi d’habitants, Quentin place son voyage sous la métaphore de l’effet papillon. Certains événements en ont amené d’autres, « des trucs vraiment incroyables », confie-t-il. Par exemple, sa rencontre avec les membres d’un groupe de rock local a radicalement transformé le cours de son séjour. Sans être devenu ami avec eux, il n’aurait jamais eu l’opportunité d’exposer ses photos à l’étage d’une salle de concert. « C’est venu de nulle part ! », s’exclame-t-il. Pour cette exposition improvisée, Quentin a affiché ses clichés favoris. Du Japon bien sûr, mais aussi de France et de Bretagne. L’événement s’est presque transformé en expérience sociologique. Les points de vue culturels se sont croisés. Le Japon vu par un Français, la France vue par les Japonais. « Quand on parle de la France à un Japonais, il va penser Paris, Tour Eiffel, immeubles haussmanniens… Jamais il ne pensera aux paysages bretons par exemple. Je voulais montrer ma vraie France. », explique Quentin. Pour preuve, certains ont été surpris par les paysages du Golfe morbihannais.
Rentrer… Pas pour longtemps
Si Quentin n’est rentré qu’en juillet dernier, il compte bien repartir pour le pays de ses rêves. Il y fera sa vie, il en est convaincu. « Un jour, j’y habiterai, j’y travaillerai, je m’y marierai. » En attendant, le jeune homme repart en avril pour un stage de trois mois dans une distillerie de whisky sur l’île d’Hokkaido. Un choix pas si atypique au regard de ses projets. « Je suis passionné par le whisky. J’ai envie de travailler dans ce milieu plus tard, au Japon. Le rêve ce serait d’avoir ma propre distillerie. » La photographie ne restera sûrement qu’un passe-temps pour Quentin. « Je veux juste continuer à partager ce que je vois et ceux que je rencontre. » Un moyen de capturer des souvenirs, et de les garder pour toujours au creux de sa pellicule.
Ndlr :
Ramen : Nouilles japonaises servies dans un bol de bouillon.