Cette année, les Restos du Cœur souffleront leur 39e bougie, mais selon les responsables de l’association, l’aventure pourrait bientôt toucher à sa fin. La précarité frappe d’un grand coup, la flambée des prix en cause. En plein hiver, la situation s’annonce tendue pour les centres locaux. Mais Joël Vinouze, président des Restos du Cœur d’Auray (56), ne désespère pas. Bien au contraire.
Début septembre 2023. Le président des Restos du Cœur, Patrice Douret, est l’invité du JT de 13 heures sur TF1. En trois minutes, la situation est posée. Claire, percutante, inquiétante. L’inflation dévore le cœur-même de l’association. Le nombre de personnes dans le besoin est exponentiel. Pourtant, les Restos vont devoir refuser des bénéficiaires cet hiver. Manque de moyens, explosion des prix. L’association pourrait même mettre la clé sous la porte dans trois ans. Début octobre 2023. La tendance se confirme. Jean-Yves Troy, délégué général des Restos du Cœur, est auditionné à l’Assemblée nationale. « Nous ne sommes plus taillés pour répondre aux besoins ». Sur la période 2022-2023, ce sont 1,3 million de personnes qui ont été accueillies par les Restos. 171 millions de repas ont été servis, alors que l’association en distribuait 142 millions l’année précédente. En un an, 200 000 personnes supplémentaires sont venues taper à la porte des Restos. Aujourd’hui, la période d’hiver est déjà bien entamée. Alors que la situation faisait la Une des médias il y a quelques mois encore, c’est maintenant un silence radio qui plane sur l’affaire. Que devient l’association depuis les annonces et appels aux dons de cet automne ? Et surtout, comment les antennes des Restos luttent-elles contre la pauvreté en hausse partout en France ?
« Je n’ai pas de problème ici. »
Joël Vinouze, responsable du centre des Restos du Cœur d’Auray, ne semble pas inquiet. Ce matin-là, le soleil s’est tout juste levé et les bénévoles sont déjà au travail pour accueillir les bénéficiaires dans quelques heures. Loin du pessimisme des récentes annonces, l’ambiance est à la papote et comme un air de Noël flotte au-dessus des têtes. « Je n’ai pas de problème ici, confie Joël Vinouze. Aux Restos, on n’a pas envie de parler des problèmes. Je fais de belles ramasses, les magasins me donnent beaucoup tous les jours. En plus on a la chance d’être dans un département agroalimentaire, on a des industriels qui nous vendent des produits. Il y a plus malheureux que moi. » À Auray, ce n’est pas le manque de dons qui tracasse. Comme partout, le nombre de bénéficiaires est en constante augmentation. « Actuellement, on accueille 280 familles mais ce n’est pas fini. On fait des inscriptions tous les jours, entre trois et quatre. », souligne le responsable. Une quinzaine d’inscriptions par semaine. « Ça va très vite. » La précarité s’intensifie, les bénévoles peuvent l’observer chaque jour. « Dans le Morbihan, on est déjà en augmentation de 5 % sur les inscriptions. Je m’attends à avoir 350 familles d’ici la fin de la période d’hiver. », rebondit Joël Vinouze.
L’ambiance est chaleureuse parmi les bénévoles des Restos d’Auray.
De l’ambition et beaucoup de motivation
Si le nombre de bénéficiaires augmente, les Restos d’Auray ne refusent personne. Ici, chacun est accueilli à bras ouverts. Des personnes isolées, des retraités, des mamans seules et bien d’autres encore. Au mois d’octobre, la campagne de collecte « s’est super bien passée ! », s’exclame le responsable du centre. « On a récolté sept tonnes, c’est pas mal ! Et pour la dernière collecte qu’on avait fait en national au mois de mars, on avait fait 21 tonnes ! » Particulièrement soutenus par les magasins locaux, les Restos du Cœur d’Auray récupèrent tous les matins des produits frais et puis quelquefois « des vêtements neufs, des chaussures, des jouets pour les gamins ». « Ici on travaille sans sous, uniquement avec les dons. », indique Joël Vinouze. Des dons, des bénévoles, des initiatives et rien d’autre. Pour les fêtes de fin d’année, le responsable du centre n’a pas chômé. Son ambition ? Offrir un moment de convivialité à tous. Pour Noël, les Restos d’Auray ont distribué des jouets aux enfants autour d’un goûter en compagnie de quelques musiciens. Le passage à la nouvelle année a aussi été fêté au centre pour la première fois, où 150 repas ont été distribués. Une réussite. Avec de tels résultats, difficile de croire que l’association est au bord du gouffre. « Le président national est passé à la télé pour parler de la situation des Restos, mais dans les faits ça ne se voit pas trop sur l’affaire », révèle Joël Vinouze. Comment imaginer la conclusion d’une aventure bientôt quarantenaire ? Impossible. Les bénévoles de toute la France semblent plus que jamais remontés pour l’empêcher. Tant que le cœur y est, impossible de sombrer.
