Depuis plusieurs années, les aides à domicile réclament une revalorisation de leur métier. Le ras le bol est total pour les professionnels du métier qui l’ont fait savoir. Et il aura fallu attendre la pandémie du covid-19 pour que le gouvernement ouvre les yeux et s’y attarde. Retour sur un métier mis en lumière lorsque le monde s’assombrissait.
Le métier d’aide à domicile fait partie de ces métiers anoblis pendant le confinement et applaudis dans les ruelles, peu avant la tombée de la nuit, par les citoyens ainsi que le gouvernement. Problème, il est bien beau de les féliciter mais ce que veulent les aides à domiciles c’est un soutien acté de la part de l’État. Or, elles n’en ont guère hormis une prime « covid » devant résoudre tous les problèmes. Une supercherie qui met en colère les auxiliaires de vie dont la restriction salariale pose problème. Une déconsidération vécue par les aides à domicile, pourtant si indispensables aux yeux des plus âgées, et qui a provoqué des manifestations ainsi que des grèves depuis plusieurs années.
Aide à domicile : un quotidien fatiguant et pesant
« C’est compliqué d’en parler en ce moment. Je ne souhaite pas mettre la tête de mes collègues encore plus sous l’eau ». Voici les mots d’une responsable de secteur d’un service d’aide à domicile public basé dans les côtes d’Armor, concernant la dégradation du métier. Les mots sont durs mais justifiés quand on connaît les difficultés du métier. Se lever à 7h, rouler quinze à trente minutes (ou moins pour les plus chanceux), faire la toilette du patient à 8h, l’habiller puis lui servir le petit déjeuner durant le temps restant, avant de repartir en ayant cinq à dix minutes pour se rendre au domicile d’un autre patient ; et enchaîner jusqu’à 20h. Bref, une journée sur les chapeaux de roue, coupée de pauses trop courtes pendant lesquelles on ne peut pas réellement se reposer. Des journées pénibles et difficiles même lorsque l’on est passionné, comme l’explique Mireille, 61 ans, aide à domicile depuis douze ans à Lorient : « Ne pas avoir d’endroit fixe est peu reposant. La plupart du temps, je suis obligée de manger dans ma voiture. Ce qui est le plus compliqué ce sont les tâches qui nous sont demandées. Par exemple, mettre les chaussettes de contention, lever ou coucher les personnes avec le lève-personne sont en principe des gestes réalisés par les auxiliaires de vie. Puisque je ne suis pas formée au métier, je crains de commettre une erreur. Même chose pour les médicaments, c’est parfois à nous de gérer cela alors que nous ne sommes pas des infirmières ». Mireille est entrée dans le monde du travail à l’usine à 22 ans avant de faire ses premiers pas suite à une demande de la femme de son patron. Des petites missions qui consistaient à aller chercher les enfants à l’école au départ, puis qui se sont transformées en un vrai métier. « Je suis officiellement devenue aide à domicile pour des particuliers, tout en gardant des petits boulots pour compléter, car ce salaire n’était pas assez élevé, je ne travaillais qu’une heure ou deux par jour chez ces personnes. J’ai donc choisi ce métier car il s’est en quelque sorte imposé à moi ».
Aide à domicile, un secteur important dans le Morbihan
En 2010, Mireille est devenue mandataire dans la société CCAS « La Passerelle » à Lorient, c’est-à-dire que ce sont les usagers qui la paient. Le Centre Communal d’Action Sociale, abrégé CCAS, est un établissement public administratif comptant plusieurs services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD). Ils désignent les organismes privés ou publics qui interviennent en qualité de prestataires, pour des actions liées aux actes essentiels de la vie, au soutien à domicile, à la préservation ou la restauration de l’autonomie dans l’exercice des activités de la vie quotidienne ainsi qu’au maintien et au développement des activités sociales et des liens avec l’entourage. Les SAAD sont plus qu’importantes dans la vie de la société, elles sont indispensables. Aujourd’hui, on en compte environ 7000 en France. Tout comme le CCAS, l’ADMR (Aide à domicile en milieu rural) est une association privée faisant partie de la convention collective de la BAD. Une convention nationale regroupant le secteur de l’aide, de l’accompagnement, des soins et services à domicile. Avec 51 associations locales adhérentes, des dizaines de bénévoles et plus de 1500 salariés dans le maintien à domicile et les soins à domicile (dont une grande majorité de femmes), l’ADMR est devenue l’une des structures les plus attractives du département.
Mises en lumière durant le confinement, les aides à domiciles de la structure demandent pourtant depuis plusieurs années une revalorisation de leur salaire. Un souhait appuyé par les employeurs et qui commence à faire évoluer la position du gouvernement. Longtemps non considérées et réduites au silence, les aides à domiciles se sont vues aider une première fois suite à la mise en place de la prime covid. En effet, le Premier Ministre avait accepté de réserver une enveloppe de 80 millions d’euros pour inciter les départements à verser une prime de 1000€ en moyenne – jugée trop insuffisante notamment dans le domaine privé. « Nous avons simplement eu une “prime Covid” en 2021 : normalement de 1000 euros, or moi je n’ai perçu que 750 euros car je ne travaille pas à temps complet. L’objectif de cette revalorisation est que le travail de l’aide à domicile soit reconnu à sa juste valeur. Nous ne sommes globalement pas assez payés pour ce que nous faisons. Nous ne sommes pas traitées de la même façon dans le secteur privé ou public » dénonce Mireille. Des propos soutenus par Yann Dody, directeur de l’ADMR 56, expliquant que la majorité n’était pas concernée par cette prime. « C’est l’État qui a dit qu’il nous donnerait une prime covid. Elle a été donnée aux conseils départementaux qui nous ont donné les critères d’éligibilité d’attribution de cette prime. Il faut savoir que pour recevoir les 1000€, il fallait que l’auxiliaire de vie ait un contrat à temps plein et qu’elle intervienne à 100% de son contrat de travail auprès d’une personne bénéficiaire de l’APA ou de la PCH. Or, c’était rarement le cas… Celles qui ont eu le droit à l’entièreté de la prime on les compte sur les doigts de la main parmi les 1 500 aides à domicile de l’ADMR 56 ».
« Avenant 43 », pour une revalorisation du métier
Non satisfaites de cette prime covid, les structures de l’aide à domicile ont décidé de réagir et de faire bouger les choses. La convention collective de la BAD a donc appelé à une revalorisation des salaires et du métier immédiatement. Son nom ? L’ « Avenant 43 » en référence au fait que seulement 43% des aides à domicile accèdent à une rémunération conventionnelle supérieure au SMIC après 17 ans d’ancienneté. Une cause soutenue par l’ADMR France et sa directrice adjointe, Laurence Jacquon : « Nous avons voulu négocier avec le ministère une refonte totale des grilles de rémunération. C’est-à-dire que nous avons voulu que le salaire soit déterminé pas seulement par rapport à l’ancienneté mais aussi via la formation et les compétences de l’auxiliaire ». Une demande agréée par le ministère et Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie, et validée en automne dernier après de longs mois d’attentes. Ainsi, depuis le 1er octobre 2021, les aides à domicile du secteur associatif (auxiliaire de vie, assistantes de vie, etc.) de l’aide d’accompagnement à domicile (SAAD) et des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) intervenant chez les personnes âgées et handicapées bénéficient d’une revalorisation de leur salaire de 13 à 15% en moyenne. Cette augmentation peut atteindre jusqu’à 300 euros par mois. Passant le salaire moyen de 1200 € à 1500 € pour un agent à domicile de catégorie A (sans ancienneté) et de 1500 € à 1800 € environ pour ceux ayant au moins dix ans d’ancienneté. « Globalement, cela a amené une revalorisation de minimum 15% et surtout une satisfaction pour celles qui étaient dans le réseau depuis longtemps puisqu’on a enfin tenu compte de leur ancienneté » déclare Yann Dody, concernant l’ADMR 56.
Aide à domicile : une solution non-revalorisée
La solution du maintien à domicile est le plus souvent préférée par les personnes âgées et pour le plus grand nombre la peur de devoir rejoindre une EHPAD se fait grande. Encore davantage depuis la polémique des Fossoyeurs au sujet de la gestion d’Orpea. Une condition d’accueil déplorable et des soupçons de maltraitance qui ont fait scandale en février dernier et qui n’ont pas favorisé le souhait des retraités de se rendre dans une maison de retraite. D’après les sondages, 90 % d’entre elles ne souhaitent pas vivre en EHPAD. Une donnée majeure dont le gouvernement ne se préoccupe pas. Une solution souhaitée par les intéressés mais qui n’est pas toujours possible faute de personnel. Il faut savoir que le métier d’aide à domicile enregistre une hausse des arrêts-maladies souvent liée à la fatigue mentale et physique et même si le métier et ses difficultés ont été mis en lumière durant les différents confinements, les conditions de travail n’ont pas évolué. Des interventions d’une demi-heure, trop courtes pour faire connaissance et créer une véritable relation avec l’usager, sont les principales causes du mal être de ces professionnels. Pour y remédier, le président Emmanuel Macron, a précisé que les interventions devraient désormais durer au minimum 30 à 45 minutes, ce qui permettrait aux patients d’avoir plus de relationnel avec les intervenants. L’objectif est donc de favoriser l’accompagnement à domicile et d’éviter la construction de nouveaux EHPAD (bien plus coûteux que le financement d’équipements aux structures d’aides à domicile). Un geste remercié par Yann Dody, même s’il espère que le président tiendra sa promesse. « On participe activement au projet humain des personnes âgées. Le confinement a remis en lumière le métier et c’est ce qui est important car le souhait numéro 1 des personnes âgées est justement de rester à leur domicile le plus longtemps possible ».
Afin de combler les arrêts-maladies qui ne finissent plus de croître (10 000 postes à pourvoir), l’ADMR France a décidé de lancer une campagne de recrutement avec une idée en tête. « Notre objectif est de surfer sur la vague du covid dans le sens où l’on a constaté deux phénomènes : d’une part, les personnes cherchent désormais un métier qui ont du sens, où ils trouvent qu’ils servent à quelque chose ; deuxièmement, il y a eu une grande fuite des grandes métropoles et les petites communes dont on s’occupe auront donc plus de chances de trouver des employés » explique Laurence Jaquon, directrice adjointe.