Au sein d’une société de plus en plus accro aux réseaux sociaux, la place du handicap est peu représentée. Pourtant, certains souhaitent libérer la parole. Jianinn Bérénice est de ceux-là.
Jianinn, 23 ans, Martiniquais et joueur du Vannes Olympique Club depuis cet été nous a donné rendez-vous au centre sportif du Perenno. Formé au stade Rennais dès ses huit ans, le jeune homme a côtoyé l’international français Ousmane Dembélé. À la lecture de ces premiers mots, on pourrait croire que l’on va effectuer le portrait d’un footballeur. Mais non, ce qui nous intéresse c’est son implication dans le soutien au handicap sur le réseau TikTok, un soutien lié à la maladie de sa tante « Séverine (sa tante) a aujourd’hui 41 ans et souffre de la drépanocytose[1],une maladie du sang, c’est-à-dire qu’elle a plus de globules blancs que de globules rouges. Lorsque ma tante était jeune, elle a malheureusement fait une crise qui a bouleversé sa vie. Son poignet a été paralysé, aujourd’hui, elle comprend mais ne parle plus ». La drépanocytose est une maladie récurrente aux Antilles mais aussi héréditaire. « Ma mère porte également ce syndrome en elle mais en souffre moins ». Le lien avec sa tante Jianinn l’a construit au cours de son enfance en Martinique, île où il a grandi jusqu’à ses 8 ans. « Ma mère et ma tante allaient toujours ensemble à l’hôpital, pour cette maladie, les médecins vont te donner du sang et tu y restes pratiquement toute la journée. Je me souviens, lorsque ma mère partait avec ma tante, je restais avec ma grand-mère, elles étaient toutes très soudées, très solidaires et moi aussi je me sens vraiment très proche d’elles. ». Une tante qu’il considère aujourd’hui comme l’un des piliers de sa vie et dont le nom est gravé sur son corps. « J’ai tatoué l’initiale du prénom de ma tata accompagnée d’une couronne sur mon bras gauche, si je réussis aujourd’hui c’est aussi pour que ma famille se porte au mieux ».
Les réseaux sociaux créent du lien avec le handicap
Son aventure sur Tiktok, Jianinn l’a débutée en décembre 2020 lorsqu’il fait une surprise en rendant visite à sa famille. « Pendant le premier confinement j’étais resté à Rennes, j’ai donc voulu faire la surprise de revenir en Martinique pour les vacances de Noël. J’ai filmé la scène et dès le moment où j’ai partagé les vidéos j’ai directement reçu des messages bienveillants. » La plateforme vidéoludique TikTok, qui a émergé durant le premier confinement, a permis, aussi, de mettre en lumière un sujet qui peut parfois déranger, le handicap et même si les insanités fusent sur les réseaux sociaux, Jianinn croit en son message. « Les personnes en situation de handicap ont tendance à ne pas se montrer sur les réseaux sociaux, ils craignent d’être moqués et humiliés. J’ai pu lire par exemple « elle ressemble davantage à un titan qu’à une femme ». Je sais qu’il y a de nombreuses personnes qui critiquent le physique de ma tante. C’est choquant, vraiment ». Mais le plus grand nombre d’abonnés est bienveillant et suivi par maintenant plus de 400 000 « followers », les vidéos de Jianinn (son prénom et son pseudo à la fois) brisent les préjugés. « Je reçois des messages, notamment sur Instagram, où l’on me félicite pour ce que je fais. C’est beau de voir que les gens pensent comme moi ». Les vidéos avec sa tante ont été visionnées des millions de fois par les utilisateurs de l’application. Mais pour lui les chiffes comptent peu, l’essentiel c’est ce qu’il veut transmettre et son message est simple : aider les gens à « kiffer la vie ». « Malgré sa maladie, ma tante mène une vie tranquille et quand je lui montre les vidéos cela lui donne le sourire. Pour moi, rien que cela est une victoire ».
La fin des préjugés
Le handicap sur TikTok est désormais de mieux en mieux perçu et la cruauté des plus « stupides » se fait de plus en plus rare. Jiannin se fiche des critiques, ce qu’il souhaite c’est faire évoluer les regards sur le handicap. Certes les réseaux sociaux sont parfois superficiels mais sa démarche est sincère et lorsqu’on le rencontre, on découvre une personne qui ne vit que pour sa famille. Sa parole est douce, bienveillante, calme, les mots bien choisis et à seulement 23 ans ce qui frappe chez lui c’est une époustouflante maturité. « Quand on grandit avec une personne handicapée, notre regard change. Je ne peux pas en vouloir aux autres car ils ne savent sûrement pas ce que c’est de vivre avec cela. Je pense que tout est une question d’éducation ». Son énergie sur TikTok est comme sur un terrain de foot : débordante. Il aime ce qu’il fait et cela lui fait du bien. « J’aime filmer le moment pour pouvoir le revivre, du coup je suis toujours en train de filmer (sourire). Parfois j’ai des coups de mou… alors je vais voir les vidéos et je vais tout de suite mieux ». La vie n’est pas simple, notamment lorsqu’on est une femme, et d’autant plus lorsqu’on doit vivre avec un handicap. Jianinn le sait, et le mot qui sort le plus souvent de sa bouche lorsqu’il évoque sa tante, sa mère et sa grand-mère est celui du respect : « ce sont des battantes ! ».
[1] La drépanocytose se manifeste par des signes variés : anémie aiguë ou chronique, plus grande sensibilité aux infections, crises douloureuses causées par une mauvaise circulation sanguine, en particulier dans les os, etc. Les manifestations de la drépanocytose sont très variables d’une personne à l’autre.