Lois IVG : accompagner. Encadrer. Informer

Depuis une vingtaine d’année, le nombre d’IVG, Interruption Volontaire de Grossesse, est stable en France : 225 000, mais selon un rapport parlementaire publié en 2000, c’est entre 3000 et 4000 femmes, à la grossesse trop avancée, qui partiraient avorter à l’étranger. Pour autant, le délai de recours à l’IVG vient justement d’être allongé de 12 à 14 semaines depuis le 23 février 2022. Mais cette intervention soulève une question : comment les femmes sont-elles entourées psychologiquement avant, au moment et après l’acte d’IVG ? Léa Patourel, représentante de l’ensemble des conseillères conjugales et familiales du Centre de Planification et Education Familiale de l’Hôpital de Lorient, revient sur cette question.

Revenons tout d’abord sur une récente actualité : il y a peu, le 23 février 2022, un projet de loi a été adopté, celui d’allonger de 12 à 14 semaines le délai de recours à l’IVG, qu’en pensez-vous ? 

Il faut savoir que de nombreuses femmes se rendent dans d’autres pays qui disposent de délais plus longs que les nôtres ! C’est une réalité. Si cette proposition a été faite et validée, c’est qu’il y a une demande et des besoins, pour permettre justement à ces femmes qui seraient sur des délais trop courts pour pouvoir bénéficier d’une interruption de grossesse dans un cadre de loi  française via le système hospitalier français.

Selon un rapport de l’Assemblée nationale, ce sont justement les déserts médicaux, le nombre insuffisant de praticiens et le fait que les femmes ignorent souvent à qui s’adresser pour pratiquer une IVG, qui rendent l’avortement tardif selon la date limite. Est-ce selon vous pour tout cela que ce projet de loi a été adopté ? 

Probablement.  En effet, cela aura peut-être plus de sens, sur certains territoires. Les grandes villes, sur le secteur morbihannais, disposent de centres IVG (qui sont d’ailleurs en train de changer de nom ; qui vont s’appeler centres de Santé Sexuelle). Ces derniers sont présents à Lorient, à Vannes ou bien dans les plus petites villes. Mais dans d’autres secteurs, dans les terres par exemple, on peut imaginer que c’est beaucoup plus compliqué d’y avoir accès donc cela paraît important qu’il puisse y avoir cet allongement.

Simone Veil, dans son discours très marquant pour la dépénalisation de l’IVG en France, disait que l’avortement était « un drame, et restera toujours un drame », est-ce qu’en effet l’impact psychologique pour la personne qui y a recours peut être plutôt négatif ?

Globalement, ce que l’on entend dans les retours des femmes après une IVG, c’est que cet acte est plutôt vécu comme une forme de soulagement, bien sûr lorsque cela s’est bien passé et qu’il n’y a pas eu de complications… L’acte en lui-même est rarement traumatisant, ce qui peut l’être, en effet, c’est si l’accompagnement n’a pas été bon, ou bien si la décision initiale ne relevait pas de la patiente, puisque parfois certaines femmes subissent des pressions, cela peut être de la part du conjoint, de la famille.

 

On peut se dire que, le traumatisme, lorsque l’acte d’IVG est vécu comme tel, peut parfois survenir à long terme, donc est-ce possible pour elles de vous consulter peu importe la date à laquelle remonte l’intervention ?

Oui, il y a des femmes qui, parfois, rappellent le centre plusieurs mois, voire même plusieurs années après, c’est tout-à-fait possible, il n’y a pas de fin de prise en charge. Nous pouvons recevoir toute personne qui le souhaite pour ces questions-là ou pour toute question sur le plan relationnel. 

Comment faire pour que cet évènement soit vécu sans traumatisme ?

En tant que conseillères conjugales et familiales, nous allons rencontrer les femmes avant la consultation médicale, ce qui permet d’avoir un temps d’échange, de leur apporter des réponses plutôt informatives sur le déroulé de l’IVG, mais également de les rassurer sans les juger et bien évidemment sans tenir un discours moralisateur. Ce dernier est un facteur qui peut aggraver ou induire des sentiments de tristesse ou de culpabilité. Puis, si elles le souhaitent, on peut aussi échanger avec elles sur ce qu’elles ressentent, il s’agit d’un accompagnement qui est proposé avant ou après l’IVG. Il y a des femmes que l’on peut parfois revoir pour s’assurer qu’elles vont bien, et revenir sur leur expérience si elles en ressentent le besoin. 

Donc le suivi est à la demande des femmes ? 

On peut le proposer, elles peuvent le demander, les deux sont possibles. 

La Cour Constitutionnelle de Colombie, le 21 février, a dépénalisé l’avortement jusqu’à 24 semaines de grossesse, alors que jusqu’à présent, l’IVG n’était autorisé qu’en cas de viol, si la santé de la mère était en danger ou lorsque le fœtus présentait une malformation. Ce délai de six mois, est-ce, selon vous, quelque chose qui pourrait être bénéfique pour les femmes en France ? 

Je ne sais pas… Ce qui paraît important c’est qu’elles aient accès à l’IVG et sans restriction. « Jusqu’à quand ? » est une question qui peut être assez compliquée d’un point de vue éthique ou bien médical. Ce sont des actes qui sont faits par des médecins, donc cela soulève de nombreuses questions et, de mon point de vue, il est difficile d’y répondre. De plus, tous les pays ne disposent pas des mêmes accès aux soins, et bien sûr la question de l’égalité Femmes-Hommes est différente partout, ainsi le parallèle peut être compliqué à effectuer. 

Pour recentrer sur ces consultations psycho-sociales qui ont lieu avant l’IVG, pouvez-vous nous expliquer comment elles se déroulent ? 

Nous n’avons pas de déroulé type. Il est important de se pencher sur la manière dont on ressent la patiente, d’être attentive à ce qu’elle a envie d’aborder ou pas néanmoins la question que l’on pose systématiquement est celle liée aux  violences, actuelles ou passées. A la fois pour rappeler que nous sommes un lieu ressource sur ce sujet des violences, mais également pour s’ajuster ; en effet s’il y a des choses qui ont été vécues et qui peuvent être réveillées dans le parcours de l’IVG, il est important qu’on le sache pour pouvoir les accompagner au mieux. Sur tout le reste du contenu, nous avons un rôle informatif sur le déroulé, l’hospitalisation, les complications éventuelles… Mais l’important est de réellement comprendre ce que la patiente a envie d’éclairer, et ce qu’elle préfère ne pas aborder. Parallèlement à l’IVG, notre travail consiste également à accompagner les femmes dans leurs réflexions autour d’une grossesse découverte tardivement, avec la possibilité de poursuivre la grossesse, d’accoucher sous X, ou encore de s’orienter vers l’étranger. 

Qu’est-ce qui donne du sens à votre métier, qu’est-ce qui vous rend épanouie et vous anime ?

Notre métier est très riche, à la fois dans l’accompagnement qu’il propose pour les jeunes filles, les femmes, mais également pour les couples. Nous avons à cœur d’être à l’écoute des émotions, des vécus, dans le champ relationnel, le rapport à l’intime ; le tout au regard des évolutions sociétales, dont la place des femmes.

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