Parolière, rappeuse, Asena a parié sur la scène pour toucher son public. Passionnée, la toute jeune artiste mène sa barque à vue, sans savoir où cela la mènera.
« Les gens disent que je suis grande gueule, téméraire aussi, alors que selon moi je suis timide, je ne veux pas déranger les gens ». Asena est une timide qui n’en a pas l’air, surtout quand on discute avec elle et qu’elle ne nous lâche pas du regard ou lorsqu’elle chante sur scène et rappe dans un milieu très souvent masculin, elle nous bluffe alors par son assurance. Une assurance acquise par l’expérience car depuis maintenant cinq ans, la jeune rappeuse lorientaise de 22 ans écume les salles de Bretagne. Scène ouverte, Open Mic, ou encore premières parties de rappeurs confirmés comme Hatik, Chilla ou Jok’air, elle a pu s’affirmer alors qu’au départ, rien ne la destinait à faire de la musique. « Pour moi, le rap c’était du divertissement, on en écoutait pour s’ambiancer avec mes potes ». Cependant, rattrapée par sa passion pour l’écriture, elle commence à mettre ses mots sur des instrumentales trouvées sur Youtube et c’est en 2017, qu’elle tape alors dans l’œil de deux amis de son lycée qui cherchent à monter un groupe « ils m’ont donné la motivation et le courage de montrer mes textes. On se donnait rendez-vous pour rapper ensemble, se faire écouter nos freestyles ». Le groupe décide de se lancer en concert à peine quatre mois plus tard et remporte un tremplin local. Toutefois tout ne s’accélère pas comme à la télévision « on acceptait toutes les propositions, tout ce qu’on voulait c’était rapper » en rit aujourd’hui l’intéressée. « On a joué dans des kermesses, des fêtes de quartier devant quinze personnes qui nous écoutaient à peine ». Toutes les bonnes choses ayant une fin, le groupe se quitte au terme des années lycée.
De son côté, Asena persiste et continue de s’enregistrer, avant de s’inscrire sans grande conviction à Buzz Boosters en 2019, concours cherchant à mettre en avant les nouveaux talents de la scène hip hop. Sans être sélectionnée pour la suite de la compétition, « Hydrophone », association de musiques actuelles de Lorient, la choisi pour son programme d’accompagnement. « Grâce à eux, j’ai pu travailler ma prestance sur scène. J’ai fait des résidences de 9h du matin jusqu’à minuit. ».
Un parcours semé d’embûches
Les textes d’Asena, teintés d’idées sombres et de mélancolie, contrastent avec son apparente joie de vivre, comme pour rappeler que les choses auraient pu se passer bien différemment pour elle. En 2017, après avoir manqué son bac, la maison familiale est victime d’un incendie « je ne sais pas si cela a impacté ma manière d’écrire, mais d’un point de vue matériel j’ai quasiment perdu tous mes textes. Depuis je n’écris que sur téléphone par peur de voir tout disparaitre à nouveau. » Et puis, la crise du covid frappe une deuxième fois et annule ses deux premiers concerts en solo, « j’ai perdu toute motivation à ce moment-là, je n’ai pas réussi à écrire pendant six mois ».
D’autant que les chances pour réussir sont plus minces quand on vient d’une petite ville comme Lorient « la scène rap lorientaise est remplie d’artistes motivés et talentueux, mais la visibilité est minime pour nous. » Asena en est consciente : être une fille dans un milieu essentiellement masculin peut aussi l’aider à faire sa place. « Pour une raison de diversité, je sais que des portes me sont plus facilement ouvertes mais cela ne va pas me faire moins travailler. »
Voir plus loin
Grâce à ces différentes premières parties, Asena se voit rémunérée pour la première fois par son activité musicale « en un mois, j’ai gagné 450 euros pour mes concerts ! Cela me parait encore complètement dingue ! » Évidemment, ce n’est pas assez pour vivre pleinement de sa vie d’artiste « mais de toute manière, je ne compte pas m’y mettre à plein temps pour l’instant. » Comme de nombreux étudiants, quand il s’agit de parler d’avenir, tout devient plus hésitant. La lorientaise termine actuellement sa licence d’anglais, sans être totalement emballée « si ça ne tenait qu’à moi, j’aurais surement déjà arrêté, mais ma mère veut que je la finisse…» Avec cela, elle s’imagine trouver du travail en Angleterre, en Italie ou alors dans le pays de ses parents, la Turquie « être traductrice ou hôtesse d’accueil dans un hôtel, ça m’irait »
Et la musique dans tout ça ? Asena hésite encore. « Le monde de la musique et son fonctionnement, c’est encore quelque chose de très étranger pour moi », son entourage la pousse pourtant à sortir un premier projet mais elle veut prendre son temps. En attendant, elle prépare, avec sa sœur qui s’est lancée dans le beatmaking, un morceau qu’elle espère mettre en clip d’ici le début de l’été. « Je veux lancer la machine sans me prendre la tête. Ce que je vis c’est déjà énorme alors je veux en profiter au maximum »