Alors que la Cop 21 a été critiquée par certaines personnalités – notamment Greta Thunberg – et que les gouvernements peinent à s’investir sur la question de l’environnement et de l’écologie, des actions bénévoles se mettent en place. Depuis le 7 octobre dernier, le « Green Challenge pays de Vannes » mise sur la jeunesse afin de développer des solutions pour la transition écologique du territoire. Cette initiative initiée par la commission Éducation à la transition écologique de l’association Printemps de l’entreprise territoire apprenant se clôturera le 22 mars 2022 par la présentation des projets des lycéens et des universitaires. Julie Pasquer-Jeanne enseignante chercheuse à l’UCOBS est une des personnalités à l’origine de ce projet.
Comment est né ce projet ?
Il y a une urgence climatique, des phénomènes de dômes de chaleur, de grosses inondations, de glissements de terrain, se sont produits or tous ces phénomènes inconnus n’étaient pas prévus par les scientifiques. Il y a urgence à vivre d’une autre façon. Même si nous n’avons pas la main sur les décisions gouvernementales, nous pouvons tout de même essayer de faire bouger les choses à notre échelle, et si on est nombreux, on pourra faire bouger les lignes. C’est peut-être par la consommation que l’action peut être efficace : le développement du bio, du vrac, la suppression des gobelets et des pailles en plastique, en est l’illustration. On a envie d’agir dans ce sens.
Si ce projet existe, c’est qu’il y a une nécessité de réfléchir aux enjeux de la transition écologique, pensez-vous que le pays de Vannes puisse être encore plus engagé ?
Oui bien sûr, et malgré des initiatives, il y a une marge d’amélioration dans cette ville sur l’énergie renouvelable. À Berlin il y a cette dimension, on sent qu’il y a de nombreuses personnes qui essaient d’aller dans cette direction, à Nantes aussi, il y a des éco lieux, des personnes qui se mettent en réseau, des fermes urbaines. Il y a tellement de choses qu’une ville peut faire sur la biodiversité, la gestion des déchets, l’allumage des vitrines.
Vous souhaitez que ce challenge soit éducatif. Pensez-vous que les jeunes qui y participent ne sont pas assez éduqués sur les enjeux de la transition écologique pour leur avenir ?
Les enjeux de la transition écologique se jouent dans les temps d’éducation et je crois que l’on peut faire mieux sur l’intégration de l’écologie dans les maquettes pédagogiques. Les pratiques écologiques devraient être apprises dès le plus jeune âge à l’école. Le rectorat a ainsi des objectifs d’éducation au développement durable. Le projet the Shift Project propose à tous les étudiants de toutes les formations d’avoir des cours sur les enjeux écologiques. Pour l’instant, quelques initiatives se mettent en place, des éco-écoles et un label engagé se déploient, autre belle initiative, une directrice d’école maternelle, bénévole à printemps de l’entreprise, est parvenue à « débétonner » sa cour d’école pour avoir de la terre, des potagers. À l’échelle d’un campus on pourrait réduire la consommation de gobelets en plastique, avoir des jardins potagers, des temps de troc d’objets. Les parents ont aussi un rôle à jouer pour sensibiliser les générations suivantes sur l’écologie. Si dès petits, les enfants ont intégré de faire les courses en vrac ou à la ferme, il n’y a pas de raison qu’ils ne soient pas éduqués sur les enjeux de la transition écologique.
Pourquoi ces éco-écoles ne s’étendent pas ?
Cela dépend des volontés individuelles de l’enseignant, de la directrice d’école, du maire. Tout le monde n’a pas envie de prendre en compte le développement durable et nous savons que certains la négligent complètement quand d’autres ne croient pas à la crise climatique. Je pense aussi que l’école souffre d’un manque de moyens de manière générale, sans compter la fatigue du corps enseignant avec notamment la crise du COVID, il y a d’autres urgences à gérer.
Êtes-vous satisfaite du nombre de jeunes qui a souhaité participer à ce green challenge ?
Très satisfaite, parce que c’est une première édition, nous comptons environ quatre-vingts jeunes et treize établissements impliqués. Néanmoins, la réalité, c’est que certains viennent parce qu’ils n’ont pas le choix et que ce sont des injonctions liées aux cours. Ils ont un double objectif : participer au Green Challenge et valider des compétences. C’est le cas de mes étudiants pour eux c’est un projet comme on en a tous les ans. Cette année, j’ai amené le projet du green challenge, je ne suis pas certaine que d’eux-mêmes, ils auraient choisi un projet sur ce thème.
Est-ce que tous les groupes ont aussi un objectif pédagogique ?
Nous constatons deux profils différents de jeunes. Certains ont un objectif pédagogique et vont être notés, c’est le cas des deux groupes à l’UCO, les étudiants de la licence pro tourisme, et ceux en master 2 communication numérique et conception multimédia, ainsi que l’ICAM. D’autres sont sur la base du volontariat dans des lycées comme Saint-Paul à Vannes. Ces lycéens sont des éco-délégués sur leur temps libre.
Qu’est-ce qu’être éco-délégué ?
Un éco-délégué est un lycéen volontaire ayant une appétence pour l’écologie. Il s’investit pour proposer un projet, afin d’améliorer son campus, en termes d’écologie. Malheureusement, les échos que j’en ai montrent que ce statut est assez limité à la gestion des déchets. Néanmoins, leurs accompagnants ont la volonté de leur montrer que l’écologie, ce n’est pas seulement gérer les déchets, ramasser les papiers. Je souhaiterai des éco délégués à l’université. Il faudrait réfléchir à leur apport.
Pensez-vous que ces lycéens aient des compétences pour proposer des solutions viables pour leur établissement ?
Bien sûr ! Ils ont la compétence d’avoir des idées et il ne faut pas oublier qu’ils sont accompagnés. Tout le groupe de cette commission éducation à la transition écologique peut venir en aide aux étudiants ou lycéens. Personnellement, les étudiants que j’accompagne je les vois toute la semaine en cours.
Le nombre de jeunes représente-t-il l’importance de la prise en compte de leur avenir ?
Non parce qu’ils ne sont pas tous volontaires. Pour donner un exemple concret, j’avais lancé l’atelier fresque du climat l’année dernière à l’UCO en contactant les mille étudiants. Seulement deux sont venus. Et on les a incités à venir.
Avez-vous des retours des jeunes s’ils se sentent impliqués et utiles ?
Sur la journée du lancement du 7 octobre, certains jeunes ont trouvé l’animation de la fresque de la renaissance écologique enfantine, pour d’autres, c’était une journée dense. Cependant, les jeunes ont aimé être embarqués sur des projets avec les treize établissements représentés. Ils ont apprécié cuisiner le repas du midi, avec des invendus et l’association les Cuisiniers solidaires qui était présente. Lors de cette journée, le festival la P’Art belle à Sarzeau a lancé un défi de développer un projet de sensibilisation à la pollution des océans pour les enfants. Les étudiants en Master 2 de l’UCOBS ont proposé une infographie interactive avec des poissons, des histoires mais quelle que soit l’efficacité des projets, l’important est bien la sensibilisation et l’implication pour cet évènement.
Êtes-vous satisfait des acteurs du territoire du pays de Vannes qui ont répondu à votre appel ?
On a reçu de nombreux souhaits pour lancer un défi aux jeunes dans le cadre du Green Challenge de Vannes, on a même dû en refuser, le besoin est donc identifié, et confirmé au regard du nombre de participants qui se sont manifestés. Une deuxième édition sera ainsi proposée et les entreprises vont devoir afficher quelque chose autour de l’écologie. Ce qui importe c’est l’intérêt du sujet et la sensibilisation auprès des entreprises.
Quelles sont les caractéristiques communes aux acteurs du territoire du pays de Vannes qui vous témoignent leur intérêt ?
Majoritairement des associations engagées sur la thématique de l’écologie ont répondu présentes parce qu’elles ont repéré la thématique. Clim’actions, les Cuisiniers solidaires, les Petits Débrouillards, la P’art belle, les ostréiculteurs qui travaillent en huître naturelle ont eu envie de valoriser leur projet. Biocoop nous a aussi contactés pour proposer un défi sur le gaspillage alimentaire, mais ce sera peut-être l’année prochaine. Ce n’est pas étonnant que ce soient les associations qui se soient manifestées en premier. La ville de Vannes n’est pas grande donc les acteurs sur l’écologie se connaissent et se repèrent vite. On peut espérer qu’il y aura d’autres entreprises qui n’ont pas forcément cette fibre verte qui nous contacteront à la suite de l’exposition des projets le 22 mars.
Julie Pasquer-Jeanne est maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’UCO-BS et chercheuse. Engagée dans l’Association printemps de l’entreprise, depuis un an et demi, en tant que pilote de la commission Éducation à la transition écologique.
L’association Printemps de l’Entreprise organise le Green challenge pays de Vannes. Elle a été créée en 2018, à l’initiative du club entreprises du pays de Vannes ainsi que de la volonté des membres de la semaine printemps de l’entreprise, de la proroger sur l’année. Sa motivation est d’unir les acteurs locaux afin de constituer un territoire apprenant sur l’éducation, la collaboration et le numérique pour tous les citoyens.