LA FRANCE, ENTRE PUISSANCE ET NUISANCE

La France : 6ème puissance économique mondiale, 1er pays touristique au monde, 2ème empire maritime et 3ème puissance nucléaire. Marqué par sa diversité, sa richesse, son histoire, sa culture ainsi que par son influence à travers le monde, il est appelé « pays des Lumières ». Et pourtant… Certains dossiers viennent tardivement ternir les acquis du passé. Le dernier en date concerne les révélations du média d’investigation en ligne « Disclose » sur les conséquences des essais nucléaires français. Après deux ans d’enquête, les recherches concluent que les niveaux réels de radioactivité en Polynésie ont été sous-estimés.

17 juillet 1974, 8h, la France teste sa 41ème bombe nucléaire à Mururoa (Polynésie Française). Nom de code : Centaure.

24h avant l’explosion, les conditions météorologiques sont idéales. Selon les prévisions de l’armée, le vent est censé emporter le nuage atomique vers le Nord, en direction des atolls* de Turea et Hao. Le tir a bien lieu. Mais rien ne se passe comme prévu. Calculé pour atteindre 8000 mètres d’altitude, le champignon atomique ne s’élève finalement qu’à 5200 mètres au-dessus de la mer. Et cela change tout, car à cette hauteur, le nuage radioactif ne se dirige non pas vers le nord mais vers l’Ouest en direction de Tahiti, peuplé par 80 000 habitants à cette période. 42 heures après l’explosion, les pluies toxiques ont tout contaminé sur leur passage : Puits, denrées alimentaires, rivières et sols. Fait surprenant, les autorités françaises n’ont même pas pris la peine d’alerter la population, ni mis en place quelques restrictions, les laissant s’hydrater avec de l’eau de pluie et se nourrir avec des denrées irradiées. Des milliers de personnes ont été exposées à de forts taux de radiations, créant même dans certains endroits des épidémies de cancers et de leucémies, l’armée française gardant le silence et se dédouanant même de toutes responsabilités.
2008, soit 42 ans après les premiers essais, la France envisage de reconnaître son rôle dans l’incidence des rayons ionisants sur la santé en Polynésie entre 1966 et 1996. Deux ans plus tard, la loi Morin, projet de loi accordant réparation aux victimes des essais nucléaires est adoptée par le parlement.

Une enquête tardive

Disclose, en collaboration avec le programme Science & Global Security de l’université de Princeton aux Etats-Unis, prétend que la France ainsi que le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) a minimisé les niveaux réels de contamination. En effet leurs estimations sont 2 à 10 fois supérieures en moyenne. Cela est imputable au fait qu’ils ont pris en compte, contrairement au CEA, le fait que la population locale buvait de l’eau de pluie. Une habitude de l’île pourtant bien connue. Résultats de l’investigation : C’est 110 000 personnes qui pourraient potentiellement prétendre à une indemnisation. À ce jour, le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) – institué par la loi Morin – a attribué une indemnité à 63 civils polynésiens.

A la lecture de cette situation, quelques questions se posent. Les essais nucléaires français étaient-ils inoffensifs ? L’armée a-t-elle pris toutes les mesures possibles pour éviter des conséquences sanitaires ? L’indemnisation des victimes a-t-elle été et est-elle aujourd’hui convaincante ? La réponse est non. L’enquête nous dévoile ainsi des conséquences bien lointaines des affirmations de l’armée qui considérait ces essais comme « propres » après le rendu d’un rapport du CEA en 2006 dans lequel Disclose met en avant des erreurs de calcul. C’est pourtant sur ce dernier que le Civen se penche pour attribuer une indemnité. Mais rassurons le gouvernement, encore quelques années et il en sera fini de cette affaire embarrassante, pour la simple et bonne raison qu’il n’y aura plus de survivants pour porter plainte.

 

*atoll : Île des mers tropicales, formée de récifs coralliens qui entourent une lagune centrale d’eau peu profonde, le lagon.

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