Rédacteurs : Quernez Léo / Le Bras Matthis
Depuis bientôt un an, la plupart des cours en enseignement supérieur se déroulent derrière un écran. Ces jeunes, livrés à eux-mêmes, sont en détresse face à la crise sanitaire où ils semblent être les « sacrifiés » d’une nation un peu perdue. Étudiants, associations et professeurs, expriment leur « ras-le-bol » sur fond d’inquiétudes, d’épuisement et de colère.
Plus de vie sociale, plus de contact humain. D’après un sondage mené au sein de l’Université Catholique de l’Ouest à Arradon, 72 % des étudiants ont l’impression que leur santé mentale s’est dégradée depuis la crise sanitaire. 13 % d’entre eux ont traversé une dépression. La lassitude face aux restrictions de leur liberté touche grandement l’aspect psychologique et social, des maux auxquels s’ajoute souvent une précarité financière.
Cours en distanciel
Cependant leur plus grand désarroi est d’ordre pédagogique. L’aspect éducatif est LE point principal. Le nouvel handicap des étudiants. « Il n’y a pas de remède miracle, la technologie a ses limites, et rien ne vaudra les cours en présentiel et le contact social » affirme une étudiante de l’UCO BS. Les logiciels de visioconférence émergents n’ont pas toutes les vertus qu’on peut leur prêter et rester 8h devant un écran noir, dans son lit, café à la main, n’est plus possible comme contexte d’étude. Et même si 82 % des étudiants interrogés vivent cette période chez leurs parents, une grande partie d’entre eux ressent un étouffement. « J’adore mes cours et suis donc encore plus déçu de ne pas pouvoir y assister en présentiel. C’est complètement différent, j’ai l’impression de passer à côté d’un apprentissage riche, de gâcher mes études en quelque sorte » explique un étudiant en troisième année de licence information et communication.
Des chiffres alarmants sur la situation bien que des mesures aient été prises par le gouvernement. Jeudi 21 janvier, Emmanuel Macron annonce plusieurs dispositifs visant à aider les étudiants à faire face aux conséquences de la crise sanitaire. Repas des restaurants universitaires à 1€, retour du présentiel une fois par semaine, création d’un « chèque-psy ». Des décisions prises ? Enfin. Mais sont-elles efficaces ?
Mouvement « étudiants fantômes »
Un mouvement sur les réseaux sociaux a été lancé « par des étudiants fantômes, pour les étudiants fantômes. ». Le collectif, composé de jeunes montpelliérain.e.s, reconnait les formes de soutiens envoyés par le gouvernement, mais estime « qu’il faut aller plus loin ». Pour cette association en devenir, les mesures ne sont pas assez conséquentes et ne répondent pas aux problèmes majeurs de cette détresse. « Que faire pour ceux qui ont contracté des prêts pour payer des écoles privées, que faire de ceux qui sont retournés vivre chez leurs parents et continuent pourtant de payer des loyers, que faire pour ceux qui ont dû arrêter les études pour trouver un emploi alimentaire et que faire pour ceux qui ont perdu cet emploi alimentaire ? ». Voilà déjà plus d’un an que les étudiants subissent les balles perdues de la crise sanitaire. Qui a essayé de les comprendre ?
L’envie de faire bouger les choses
Les faits sont réels. La situation inquiétante. Alors que faire ? La résignation comme seule et unique solution ? Nombreux ne sont pas de cet avis. Étudiants, syndicats, associations mais aussi enseignants veulent faire bouger les choses. Florence Gourlay, en fait partie. Professeur à l’Université Bretagne Sud, en géographie et aménagement du territoire, elle a été l’une des premières à vouloir faire bouger les choses. Son geste ? Avoir invité ses élèves, le 19 janvier dernier, à assister à un cours en présentiel, l’université de Lorient étant alors totalement fermée suite aux consignes gouvernementales. Une proposition acceptée avec plaisir par une grande majorité de ses étudiants, mais un acte moins bien accueilli par la direction de l’UBS, considérant cela comme « un cours sauvage » et évoquant de possibles « sanctions disciplinaires ». Finalement, Florence Gourlay, soutenue par de nombreux étudiants et collègues venant de tout l’hexagone, ne sera pas sanctionnée. Après réflexion de sa direction…
Une initiative, simple sur la forme, qui aura pris une énorme ampleur, entrainant une multitude de réactions. Symbole du ras le bol des étudiants ? Florence Gourlay en est persuadée « Les conséquences de ma démarche sont pour moi la preuve d’un épuisement général. La période actuelle fait des ravages chez les étudiants. J’en connais certains qui décrochent, d’autres qui dépriment. J’ai des jeunes en master qui veulent tout arrêter. Certains que je tiens à bout de bras depuis décembre. Il y aussi une grande fragilité psychologique, certains sont isolés. Je suis très inquiète pour le présent et l’avenir. » Nous le répéterons surement jamais assez. La situation actuelle de notre jeunesse est profondément inquiétante.
Des manifestations étudiantes
Les jeunes, aussi, veulent faire bouger les choses. A Vannes, nombre d’entre eux se sont mobilisés. Le 26 janvier dernier, 150 étaient dans la rue. Pancartes en mains, ils ont scandé haut et fort leurs revendications, « Libérez les universités ! » en mot d’ordre. D’autres étaient adressés au gouvernement « Je ne veux pas d’un psy, je veux mon amphi », « T’es à l’Élysée, moi dans ma chambre ».
Adrien Le Bideau, en licence 3 de droit à l’UBS à Vannes, était l’un de ses organisateurs, déterminé, Adrien veut porter la voix de ceux les plus en difficulté, ceux en décrochage, ceux dans un profond désarroi… « De nombreux étudiants sont en détresse. Bien plus que l’on ne le pense. On est privés de cours, d’amphi, de petits boulots, de vie sociale tout simplement. Ce n’est pas cliché de dire que nous sommes réduits à être de petits robots devant nos écrans ».
Une profonde injustice
Depuis fin janvier, un mois et demi est passé. Sous l’impulsion d’actes de « désobéissance » comme celui de Florence Gourlay, certains étudiants ont eu la chance de retrouver les bancs de la fac. Les premières années de licence sont les « privilégiés » de la stratégie adoptée par l’État pour faire revenir les étudiants à la fac’. Une reprise des TD (travaux dirigés) en présentiel, seulement depuis début février, et ce dans la limite de demi-groupe. Un retour dit « progressif ». C’est le moins que l’on puisse dire. C’est pour le moins le moyen décidé par le gouvernement, pour contrôler au mieux la situation sanitaire.
Pourtant, un paradoxe fait surface. Lycéens, étudiants de classes préparatoires mais aussi de grandes écoles sont actuellement en cours. De manière totalement normale ou presque. Des effectifs, parfois importants, qui se retrouvent dans de petites salles de classe, couleurs étroits ou self bondés. Alors pourquoi laisser enfermer nos étudiants universitaires chez eux ? Pourquoi ne pas rouvrir, à tous, les grands amphithéâtres et salles de classes ? Pourquoi ne pas mettre en place des protocoles sanitaires, certes strict, mais permettant un véritable retour des étudiants dans leur lieu de travail ?
On remarque de profondes injustices. Un traitement inégal de nos jeunes en France, et c’est le fer de lance de Florence Gourlay. « Aujourd’hui, je ne conteste pas la dangerosité de la pandémie. Je conteste les inégalités de traitement au sein de notre jeune génération. Et je trouve dommage que les institutions ne disent rien ». En effet, la situation perdure. Pourtant, très peu de décisions fortes sont prises.
Mouvement national ce mardi 16 mars
Mais les étudiants ne veulent pas lâcher. Ils seront une nouvelle fois, dès mardi 16 mars, dans la rue pour manifester leur colère. Et ce, partout en France. 14 syndicats et mouvements appellent à la mobilisation. Plan d’urgence d’1,5 milliard d’euros, augmentation des bourses et des APL, ouverture du RSA aux jeunes de moins de 25 ans en insertion, suppression des contrats précaires pour aller vers le CDI. Voilà leurs principales revendications pour faire face à la précarité. Les demandes sont claires. Les réponses apportées sont pour le moment fragiles. Le combat, lui, semble loin d’être terminé.
©Carlioz Augustin
Instagram : @carlioze
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