Anthony Sainty tatoueur professionnel a ouvert le salon Tattoo Squad au Poulfanc, il y a maintenant presque trois ans. Le point sur un métier artistique.
Tenue de basket, short, marcel au mois de février, le garçon est décalé. Même la casquette est à l’envers. Tatoué de la tête aux pieds, ses dessins et ses mots ancrés dans la peau le protègent probablement de la froidure. Aujourd’hui tatoueur, il a fait tous les métiers : plaquiste, étanchéiste, déménageur, livreur, démolisseur, poseur de sol, maçon… autant d’activités physiques qu’il n’a pas souhaité poursuivre. Sorti d’un apprentissage en mécanique automobile avec un détour par de l’intérim et des travaux dans le bâtiment, il est passé par ces domaines sans réellement avoir accroché sur la durée : « Dès que j’avais fait le tour du travail en lui-même ou de l’entreprise dans laquelle je me trouvais, je m’ennuyais. Je voulais changer d’air, renouveler, casser la routine. » Ne jamais s’ennuyer est son crédo mais également ne jamais céder à la pression.
Souvent confondu avec les videurs de boîte de nuit lors de ses sorties, Anthony a le caractère bien trempé et n’apprécie pas les directives, que ce soit dans sa vie professionnelle ou personnelle : « Je ne voulais pas avoir de patron. » « Un tatoueur peut se permettre de refuser un projet qui n’est pas dans son style ; c’est un luxe mais également une franchise puisqu’il faut aussi savoir l’expliquer au client. On doit être honnête avec nous-même, on ne sait pas et on ne peut pas tout faire. »
Pour autant c’est un travailleur acharné et obstiné et c’est un peu par hasard que sa vocation a été trouvée : « Je n’avais jamais songé au métier de tatoueur, adorer le tattoo en tant que client était une chose mais passer de l’autre côté en était une autre. » Une chose à laquelle il n’avait jamais pensé auparavant mais une rencontre fut décisive : « Nico, tatoueur avec lequel je travaille actuellement tenait un shop à Grand-Champ, j’étais l’un de ses clients. Je m’y rendais sur mes temps libres que je me fasse tatouer ou non, j’étais encore maçon. ». Le courant passait bien, l’ambiance était plaisante et Anthony s’est progressivement adapté et a pris les devants : « J’ai commencé à prendre mes aises, à aller vers l’accueil et la clientèle pour lui donner un coup de main ; jusqu’au moment où je me suis rendu compte que c’était ce métier-là que je voulais faire. »
Une passion qui l’aiguillonne
Minutieux et rigoureux, quand il termine sa journée au salon, il en entame une seconde : « Je prépare mes dessins le soir, c’est là que je suis le plus inspiré. » Dans sa bulle, il ne fait pas les choses à moitié, ombrages, montages, il puise son inspiration dans ce qui l’entoure.
Dans un style noir et gris, son registre de dessins favoris comporte mandalas, lettrage (US, latinos) et réalisme. Mais pas seulement. Déterminé à élargir son potentiel, il n’hésite pas à prendre certains risques : « J’essaie toujours de repousser mes limites en essayant de nouvelles choses. Il y a certaines idées qui ne sont pas dans mon style que je n’arrive pas et que je n’arriverais jamais à faire. » Pour autant, il ne craint pas les heures passées sur sa tablette. Il travaille sur le numérique : « Le dessin prend du temps, on y passe des heures, parfois plus de quatre heures sur un projet qui ne plaira finalement pas au client ; alors on recommence. » Il a parfois même des demandes surprenantes : « Des phrases personnelles au sens étrange, louche, des zones spéciales, on voit de tout. »
Mais Anthony a sa propre définition de ce milieu artistique : « Pour moi, il n’y a pas de barrières, le monde du tatouage est particulier et c’est ce qui fait que l’art n’a pas de limites. » Une vision des choses qui lui permet de diviser son travail en deux parties bien distinctes : « Pour moi le travail c’est la création du dessin, le tatouage c’est de la détente. »
Passage au prochain round
Tatoueur à son compte depuis maintenant six ans, il ne manque pas d’ambition et n’hésite pas à prendre le taureau par les cornes : « J’ai commencé à Grand-Champ, j’ai adoré mais je voulais un shop plus grand, en ville, afin de faire venir plus de clients et augmenter les demandes. » Un changement de salon certes mais aussi une décoration personnelle ; têtes de morts, casquettes, Marvel, posters, tout y est : « J’en ai également profité pour faire un salon dans un mon style, avec des éléments qui me correspondent ».
Autodidacte, il forge ses propres techniques artistiques : « Il y a des façons de procéder mais pas de méthodes à adopter. Tout se passe dans le ressenti, l’aisance, les techniques se créent au fur et à mesure. » Depuis un an et demi maintenant, il effectue ses dessins sur tablette et non plus sur papier : « Le principe est exactement le même, c’est une simple feuille blanche numérique. Cela me permet de faire des petites retouches rapidement en gommant ce qui m’intéresse par rapport à la demande du client, en m’évitant de tout recommencer pour un ou plusieurs détails. Le dessin reste soigné. » Un gain de temps conséquent, tout le monde est content ; et lui l’est parfaitement depuis six ans.
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