Un nouveau collectif féministe à Vannes.
A l’initiative du collectif « la Lutte des Clit ’ », destiné depuis février 2018 à libérer la parole des femmes, Annette Berthon, jeune femme de 23 ans, a déjà un parcours protéiforme. Kinésiologue, étudiante, intervenante dans les prisons, elle croit tout particulièrement au pouvoir de la libre parole.
Bonjour Annette, quel parcours pour une jeune femme de 23 ans !
Oui c’est vrai, j’ai fait beaucoup de choses ! Mais je crois que tout est assez lié : travailleuse sociale, « éducatrice populaire », conférencière, praticienne en kinésiologie… en fin de compte, le dénominateur commun, c’est l’humain ! D’ailleurs, le Collectif la lutte des Clit’ participe à ce souci du bien-être collectif.
Je l’ai d’ailleurs créé avec une amie. Avant cela, mon expérience de bénévole en prison, lors d’ateliers d’écriture avec détenus que j’ai tenus pendant trois ans, m’a aidée à libérer la parole en groupe.
Quel est votre rapport avec le féminisme ?
Pour moi, c’est une lutte quotidienne. J’ai toujours entendu parler du féminisme, mais je n’avais jamais vraiment approfondi le sujet. Comme je travaille en formation sur les rapports de dominations sociales à l’université, j’ai commencé à me questionner.
Finalement, on s’est réunies avec une amie, et on s’est aperçues que nous avions une expérience commune concernant le sexisme. Il nous semblait important de ne pas laisser les femmes qui partagent notre expérience seules, d’où l’idée de rejoindre un collectif. On s’est renseignées, mais il n’y avait rien à Vannes. C’est comme ça que La Lutte des Clit’ est né !
Quels étaient vos objectifs ?
J’avais pour objectif de rendre visibles les oppressions, et de mettre en place des ateliers d’émancipation, de coopération, et de fonctionner sur l’éducation populaire. C’est vraiment basé sur l’affranchissement, sur la liberté, sur la co-construction de savoirs : c’est l’idée que l’on s’éduque tous les uns les autres. Ici on se construit ensemble, on a tous des savoirs en fonction de notre histoire de vie, de ce qu’on a vécu, etc. C’est l’idée que l’on peut tous s’apprendre des choses mutuellement.
C’est peut-être utopiste mais il s’agit de changer la société, l’idée principale étant de gommer tout rapport de domination entre sexes, et surtout d’en finir avec les oppressions !
Avez-vous rencontré des difficultés lors de la création de votre collectif ?
Notre nom n’a pas joué en notre faveur ! Lorsque nous le présentions, notamment aux commerçants, nous avons rencontré quelques réticences. Plus généralement, nous avons également dû faire face à quelques clichés concernant le féminisme. L’idée générale étant que le féminisme est synonyme d’opposition à l’homme. Ce qui n’est évidemment pas le cas !
Ensuite nous avons connu les problèmes financiers ; nous sommes un collectif sans argent, et tous nos évènements sont gratuits ou à prix libre : on n’a pas envie que l’argent soit un frein pour les personnes. Que tu aies de l’argent ou pas, tu as le droit d’accéder aux mêmes choses que les autres. Mais on se débrouille !
Pourquoi un nom directement lié à l’appareil génital de la femme ? N’aviez-vous pas peur d’être bloquées par un tel nom ?
Avec ma collègue (qui restera anonyme), on voulait trouver un nom rigolo et qui évoquerait aussi nos colères. On voulait en même temps quelque chose d’un peu révolutionnaire, d’où l’idée de Lutte. Et Clit’ car c’est méconnu, et aussi très tabou. Quand on parle de sexualité entre amis je me rends compte que c’est un sujet sensible, que les gens ne savent pas vraiment ce que c’est, et à quoi ça sert. Du coup avec ma collègue on s’est dit qu’on allait utiliser ce mot !
Comment aidez-vous les femmes de Vannes ?
Je me considère avant tout comme étant dans l’accompagnement. Je préfère parler d’accompagnement plutôt que d’aide : je pense que les gens sont capables de s’aider eux-mêmes.
Dans les ateliers je propose des outils. Des outils contre le harcèlement de rue, contre les violences conjugales : si une personne veut porter plainte, je vais lui expliquer la procédure.
Il y a aussi un atelier de préparation d’un outil de lutte contre le harcèlement de rue : tout le monde sait ce que c’est, mais au quotidien on ne sait pas comment y faire face, c’est compliqué. On apprend comment se défendre dans une situation de harcèlement, quand on est un homme ou une femme par exemple.
Pouvez-vous expliquer les évènements que vous organisez ?
Des ateliers sont organisés en fonction des envies des gens : rien n’est défini, ça part de leurs envies et de leurs besoins ! S’il y a quelqu’un dit avoir envie de parler de quelque chose, on peut faire un atelier. Et tout le monde peut proposer !
Il existe des « Caféministes clit’térraires », au sein desquels nous présentons et discutons de livres qui nous tiennent à cœur, ou encore des Ciné-débats.
Il y a aussi des zones de gratuité, le principe est de venir et de déposer ce dont on a plus besoin, cela peut être des livres, des vêtements, de la vaisselle, et on prend ce que l’on veut. L’idée c’est de recycler plutôt que jeter et racheter de nouvelles choses. Ça c’est le côté anticapitaliste du collectif !
Il y a aussi des « disculfions », où on parle librement de sexualité, sans tabous et dans le respect. La première fois, cela a eu lieu en non-mixité, ce n’est pas du tout anti-hommes, c’est juste un besoin de parler « entre soi ». Il y a également des discussions mixtes, des hommes voulaient aussi parler de sexualité. C’était très intéressant, ce n’étaient pas du tout les mêmes choses qui étaient évoquées. En non-mixité, on s’est rendues compte que l’on avait livré des choses très intimes, et s’il y avait eu des hommes, quand bien même ils auraient-ils bienveillants et féministes, on se serait pas senties aussi libres de parler.
Votre collectif est né très récemment, mais étant le seul groupe féministe de Vannes, avez-vous réussi à regrouper beaucoup de participant.e.s à vos évènements ?
Oui, progressivement. On n’est pas très douées en communication, mais on fonctionne uniquement par Facebook, par SMS, et nous n’avons pas d’affiches par manque d’argent. Mais on aime bien pour l’instant que ça soit petit : je préfère travailler en petit groupe, déjà parce que je ne suis pas à l’aise de faire un atelier devant 50 personnes, et quand il y a trop de monde, il est difficile d’échanger avec tout ce monde. Pour l’instant, cela me convient, c’est plus convivial !
Que peuvent faire des étudiants pour aider ton collectif ? Comment pouvons-nous y prendre part ?
S’ils sont intéressés ils peuvent venir ! Si les étudiants ont une idée d’atelier, ils peuvent la mettre en commun, s’ils veulent parler de certains sujets, de leurs idées, leurs compétences, de ce qu’ils aiment faire. Le principe à la Lutte des Clit’, c’est de partager et qu’on s’apprenne des choses mutuellement, partir des idées des participant.e., ou organiser des ciné-débats pour un film qui les ont touchés.
Comment aimeriez-vous voir votre collectif évoluer ?
Continuer les ateliers de manière ponctuelle me plairait. On est preneuses de personnes qui veulent proposer des idées, et on veut continuer à mettre en place de petites actions.
Visitez le Facebook de la Lutte des Clit’
Interview réalisé le 11 octobre 2018
Hi there! Such a nice article, thanks!
merci pour ce beau papier qui fait rencontrer Annette et donne de l’énergie !