Polémique au Palais de Tokyo : une toile enflammée.

24 mars, odeur de lacrymo, ordures brulées et manifestations perturbent, depuis un mois, le quotidien des Parisiens. Pour échapper à cette ambiance anxiogène, Valérie, mère de famille, souhaite, avec ses enfants, se ressourcer au Palais de Tokyo. Passionnés d’art et d’histoire, ils décident d’aller voir l’exposition « Ma pensée sérielle » réalisée par l’artiste, peintre suisse, Miriam Cahn. Lorsque le taxi les dépose au 13 Avenue du Président Washington, la jeune maman entend les commentaires abjects des visiteurs sortant du Dôme : « cette œuvre est clairement pédophile » ; « cela n’est pas de l’art, c’est de la barbarie visuelle ». Intriguée et choquée par ce qu’elle vient d’entendre, elle décide de franchir, malgré tout, les portes du sublime palais pour aller voir les œuvres de celle qu’elle jugeait précurseuse dans la documentation et la dénonciation des horreurs de la guerre.

Malgré la mise en place des panneaux d’avertissement, Valérie, adepte de Cahn, ne pense en aucun cas que ce qu’elle va découvrir, va bouleverser sa vision de l’art. Devant eux, un tableau : « Fuck abstraction ». Aucune coïncidence à la traduction éventuelle de ce titre. Néanmoins, elle, comme ses enfants, sont concentrés, non pas sur le nom, mais sur la scène qui se dresse devant leurs yeux : la silhouette d’un homme blanc, au corps très puissant, sans visage, qui impose une fellation à une victime de petite corpulence, ayant les mains liées. Valérie reste sans voix. Pourtant, une question de son fils vient briser le lourd silence de stupéfaction : « Maman, pourquoi l’enfant est-il attaché avec le zizi du monsieur près de lui ? ». Choquée que son fils ait compris la signification du tableau – en même temps au regard de tout ce qui se dit à l’école et sur les réseaux sociaux – la jeune maman explique d’un ton rassurant : « L’œuvre que tu vois ne met pas en scène ce que tu viens de me décrire », coupée, froidement dans son explication par un médiateur« écoutez Madame, ce tableau traite de la façon dont la sexualité est utilisée comme arme de guerre et fait référence aux exactions commises dans la ville de Boutcha en Ukraine lors de l’invasion russe ». Stupéfaite, par la violence visuelle de cette œuvre, Valérie ne comprend pas, l’explication réaliste du médiateur se mélangeant, dans son esprit, avec la vision onirique de ce tableau.

Alors bien évidemment, la liberté d’expression est un principe fondamental dans notre pays, et l’art pictural, la littérature ou encore le cinéma doivent en être les instruments qui permettent de sortir, de s’évader des moments épuisants que l’on peut traverser aujourd’hui. Mais dans certaines situations, cette « liberté » fait polémique et lorsqu’à la rencontre d’une œuvre, la seule question qui s’invite est « jusqu’où peut-on aller avec la liberté d’expression ? » et que l’annonce d’une pièce fait débat, la réflexion est engagée.

Baptiste GRANDIN

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