CRISE HOSPITALIÈRE : LE COVID-19 LA GOUTTE QUI FAIT DÉBORDER LES HÔPITAUX

Alors que la France traverse une crise sanitaire sans précédent, les hôpitaux se retrouvent submergés de patients et en manque de moyens pour répondre à tous les besoins actuels. Une situation qui met en lumière des problèmes présents depuis bien longtemps dans nos services hospitaliers français, entre sous-effectifs et manques de matériels.

Depuis février, les Français, ou plutôt la planète entière fait face à une menace inédite, une pandémie qui a obligé les gouvernants à prendre des décisions tout aussi exceptionnelles. Le lundi 16 Mars 2020, 20h, le Président Emmanuel Macron annonce le confinement, qui sera par la suite, prolongé jusqu’au 11 mai dernier. Durant ces presque deux mois, en France, comme dans d’autre pays, l’économie et toute vie sociale se sont retrouvées momentanément interrompues. Tandis que pour la majeure partie d’entre nous, cela signifiait, rester cloîtrer à son domicile, pour le personnel soignant, ce confinement n’annonçait rien d’autre qu’un travail intensif en continu pour tenter de sauver le maximum de vies. Bien que cette décision de confiner la population ait été prise pour limiter le débordement des services de soins intensifs, les chiffres restent impressionnants et la pression immense pour des services qui étaient déjà en difficultés avant la pandémie. 142 291 cas confirmés, 27 625 décès et 19 432 hospitalisations sont les données recensées par le gouvernement le 16 mai.

Une surcharge de travail pour des effectifs bien trop faibles

Ces professionnels de santé ont été sur le devant de la scène médiatique depuis quelques semaines : les applaudissements, les remerciements… Mais qu’en est-il au final de leurs conditions de travail et de leurs salaires ? A ces questions, les témoignages des professionnels sont éloquents : « nos conditions de prises en charge ont grandement changé et encore plus que d’ordinaire,  nous sommes obligés de travailler dans l’urgence. Au début de la pandémie particulièrement, lorsque l’on se transmettait les informations entre les équipes, nous étions très laconiques, et nos échanges se résumaient à « ce patient est positif, non réanimable », et on passe au suivant « non réanimable » et on passe au troisième. Nous étions obligés de décider si les patients étaient soignables ou non, c’est humainement très difficile », c’est la dure réalité qu’a traversée Arsène[1] jeune infirmier. Des médecins, infirmiers, ou aides-soignants qui sont obligés de faire un nombre incalculable d’heures pour remédier à cette situation inédite. Des étudiants infirmiers sont appelés en renfort dans des services de soins du COVID-19 pour des salaires pour des rémunérations parfois plus que modiques. « Je suis payé 1,40 de l’heure » nous explique Melissa, étudiante aide-soignante en première ligne, autre « sanction économique » « nous les étudiants ou les stagiaires, ne recevront pas la prime de 1500 euros promis à tous les soignants » malgré les efforts fournis, et les dangers encourus pour travailler dans des conditions extrêmes. « Sans les étudiants infirmiers ou les internes en médecine, l’hôpital ne tournerait pas, et pourtant on est payé 1,40 de l’heure pour sauver des vies ». Egalement, des infirmiers à la retraite depuis peu sont rappelés en renfort sur la base de volontariat, pour faire face à l’afflux de patients contaminés, comme c’est le cas pour Bruno qui a rejoint un service de réanimation : « quand on m’a appelé en mars, j’ai tout de suite accepté, c’était pour moi une évidence. J’ai donc travaillé pendant six jours dans le service. »

Outre la rémunération, tout le personnel soignant travaille dans un milieu anxiogène, entre les soins qui doivent être donnés à tous les malades, mais aussi la peur d’être contaminé. Une peur présente dans tout le pays, mais ce sont bel et bien les infirmiers les plus exposés, « on se doit de faire notre boulot dans un moment si compliqué, mais c’est vrai qu’il y a toujours la peur de contracter le virus et de le transmettre à nos proches en rentrant chez nous », nous raconte Anne, infirmière à Saint Ave. Des risques qui grandissent avec un manque de moyens et de matériels pour travailler dans de bonnes conditions.

Des coupures budgétaires qui coûtent cher

En amont de cette crise sanitaire, voilà plusieurs années que celle des hôpitaux alerte les professionnels. En effet, les réformes dans l’hôpital public se sont succédé ces dernières années, ce qui a conduit à voir le mécontentement des hospitaliers se manifester, avec des grèves s’enchaînant dans plusieurs services. Une logique de résultat au cœur de ce qui a été mis en place depuis 2008, avec la « tarification à l’activité ». Cette méthode de financement repose sur la mesure et l’évaluation de l’activité des établissements qui déterminent les ressources allouées. Ce qui entraîne une course à la rentabilité, car elle incite à réaliser le plus d’activité possible pour ramener de l’argent. Une logique d’entreprise qui ne correspond pas aux hôpitaux publics qui sont, on le rappelle, à but non lucratif. Mais cette tarification, n’est qu’une des évolutions qu’a subi l’hôpital public ces dernières années. La médecine continuant d’évoluer sans limite, mais avec un financement, lui, bien limité.

Les moyens réduits, les effectifs s’en retrouvent diminués, avec moins de matériels. Le symbole de ce problème est survenu pendant cette crise du COVID-19, avec la pénurie de masques qui fait beaucoup parler aujourd’hui. En effet, sur les dix dernières années, la France a considérablement réduit ses stocks de masques de protection. Le journal nous rapporte aussi les mots de Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France : « au début de la crise, le ministère nous a dit qu’ils étaient prêts (…). Mais on a vite réalisé que c’était faux. » Le personnel soignant a dû bricoler pour faire face à un stock des fameux masques FFP2, censés les protéger, qui dès le début de la pandémie, était quasi nul. L’utilisation de masques périmés, ou la dépendance aux dons de patients ou de société pour répondre à ce problème, « l’administration française a été totalement défaillante » d’après Jean-Paul Hamon, interviewé par Le Monde. Ce déficit de masque qui s’ajoute à un manque de lits déjà présent avant la crise sanitaire actuelle.

En effet depuis quelques années, le service des Urgences se plaint d’un manque de lits, ce qui amène certains patients à passer des heures, voire des nuits entières dans un brancard, les services ne pouvant pas les accueillir. Certains malades sont morts dans les couloirs des hôpitaux avant d’avoir pu être examinés. « Les moyens que l’on a dans les hôpitaux ne permettent pas de répondre aux besoins de santé d’une grande partie de la population » nous explique Melissa. Les services étaient déjà engorgés avant l’apparition du coronavirus.

 Cette pandémie aura sans doute ouvert les yeux sur les conditions de travail du personnel soignant aux yeux de la population, qui, pendant le confinement a pris la belle initiative de les applaudir tous les soirs à 20h pour leur rendre hommage, mais aussi d’ouvrir les yeux de nos gouvernants, pour donner plus de moyens aux hôpitaux français pour accomplir leurs devoirs. Aujourd’hui le confinement est fini, le gros de la crise est peut-être passé, mais accordons encore de l’importance aux gestes barrières et aux restrictions de ce déconfinement qui n’est pas total, pour éviter l’arrivée d’une nouvelle vague, et de replonger les soignants au cœur de la pandémie.

[1] Nom d’emprunt pour raison d’anonymat

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